Le futur ministre de la Justice de Barack Obama est un avocat qui a le mauvais goût de défendre la firme Chiquita Brands… réputée pour ses coups tordus en Amérique du Sud.
Pour la première fois dans l’histoire des Etats-Unis, un Noir va occuper le poste d’« attorney general », l’équivalent du garde des Sceaux en France. Barack Obama a en effet choisi Eric Holder, 57 ans, pour diriger le Département de la Justice. L’homme en connaît par cœur les coulisses car, pendant une vingtaine d’années, il en a gravi les échelons. D’abord comme procureur avant d’être nommé numéro deux du ministère par le président Clinton. Sur les questions de maintien de l’ordre, l’hebdomadaire Newsweek le décrit comme un « centriste ».
La nomination d’Eric Holder par Obama a pour objectif de le récompenser d’avoir officié comme co-président de la campagne du candidat démocrate. Si personne ne conteste ses compétences, la presse a en revanche beaucoup disserté sur son rôle dans la scandaleuse grâce présidentielle accordée par Bill Clinton au milliardaire Marc Rich. Celui-ci était poursuivi pour une fraude fiscale de 100 millions de dollars et s’est enfui des Etats-Unis avant son procès pour se réfugier en Suisse puis en Israël.
L’épouse de Marc Rich, Denise, a contribué à hauteur de 450 000 de dollars au financement de la bibliothèque de Clinton et a donné un million de dollars au parti démocrate peu avant la grâce présidentielle accordée à son mari. Par la suite, elle a fait don de plus de 109 000 dollars à Hillary Clinton lors de sa première campagne sénatoriale. Une générosité qui a valu à la riche Denise d’être convoquée par une commission du Congrès soucieuse de l’entendre sur l’éventuel « achat » de la grâce de son époux. Mais, comme on dit en américain, Madame Rich « took the Fifth », s’est retranchée derrière le cinquième amendement de la Constitution stipulant qu’un citoyen n’a pas à s’auto-dénoncer.
Holder a, lui aussi, été entendu par cette commission. En cause ? Son extraordinaire complaisance politique en vertu de laquelle il ne s’est pas opposé à la grâce de Rich.
Depuis que le nom du futur ministre de la Justice d’Obama a été rendu public, les médias suggèrent que cette histoire de grâce pourrait bien être instrumentalisée par les républicains lorsque le Sénat validera cette nomination (c’est une procédure obligatoire). Rich n’a en effet pas respecté les usages de la grâce présidentielle voulant que cinq années doivent s’écouler entre le moment où la grâce est prononcée et la fin du procès de la personne concernée. Or, Rich étant en cavale, il n’a jamais été jugé.
L’aveuglement délibéré d’Holder n’est vraiment pas à son honneur. Pire, par la suite, Holder l’ambitieux a demandé à l’avocat de Rich, Jack Quinn (un ancien conseiller du président Clinton) de l’aider à devenir ministre de la Justice au cas où Al Gore remporterait l’élection présidentielle de 2000.
Holder a également su mettre à profit son travail aux côtés de Bill Clinton pour rejoindre le cabinet d’avocats international Covington et Berling qui représente la crème de la crème des grandes entreprises, de Halliburton à Microsoft. Et parmi les clients que Holder a défendu figure la multinationale Chiquita Brands International. Celle-ci est plus connue sous le nom tristement célèbre de United Fruit.
Archétype même du néocolonialisme, United Fruit, spécialisée dans le commerce de bananes et autres fruits tropicaux, était surtout réputée pour son art de faire et défaire les gouvernements d’Amérique Centrale et Latine. La célèbre expression de « république bananière » a d’ailleurs été inventée pour décrire les gouvernements à sa solde ! Par exemple, en 1954, le coup d’Etat commis au Guatemala contre le gouvernement démocratiquement élu du gauchiste Jacobo Arbenz Guzman était organisé par la CIA pour le compte d’United Fruit. La firme était le plus grand propriétaire terrien du pays et se sentait menacée par les réformes agricoles et les amendements au code de travail promulgués par Arbenz. En Colombie, en 1928, une grève massive de 30 000 ouvriers d’United Fruit dans la ville côtière de Ciénaga a dégénéré en un « massacre bananier » lorsque l’armée, aux ordres d’ United Fruit, a tué au moins mille pauvres grévistes. Le célèbre roman « Cent ans de solitude » du Prix Nobel colombien de littérature Gabriel García Marquez s’achève sur un récit de ce massacre.
United Fruit a peut-être changé de nom mais pas d’habitudes. Aujourd’hui, Eric Holder, futur ministre de la Justice, défend Chiquita Brands International (le nom d’United Fruit depuis 1985) qui a fourni de l’argent et des armes aux paramilitaires colombiens d’extrême-droite des AUC (Autodefensas Unidos de Colombia). Sous prétexte de lutter contre la guérilla des Farc (ceux qui ont séquestré Ingrid Betancourt), les paramilitaires ont tué des paysans par milliers.
Selon un excellent article d’octobre 2007 sur la « guerre de la banane colombienne » paru dans la revue Portfolio, le magazine d’affaires du groupe de presse Condé Nast, entre 1997 et 2004 Chiquita « a donné 1,7 million de dollars aux AUC dont les escadrons de la mort ont détruit les syndicats, terrorisé les ouvriers et tué des milliers de paysans ».
Un rapport de 2003 de l’Organisation des Etats Américains (OAS) affirmait que dans la seule région bananière d’Urabá, l’AUC a tué 3 778 personnes et forcé 60 000 paysans à quitter leurs terres. Chiquita a ensuite « volontairement » fait état de ces paiements à la Justice américaine. Mais comme l’a rapporté le Washington Post dans un article en date du 2 août 2007, les officiels du ministère de la Justice « disaient clairement que Chiquita était en train de violer la loi et que ces versements aux AUC ne pouvaient pas durer ». Toujours selon le Post, « les avocats de la Justice et le procureur fédéral à Washington étaient outrés par ce qu’ils considéraient comme la continuation flagrante de ces paiements illicites en dépit d’avertissements formels ».
En 2004, Eric Holder et son équipe de Covington et Berling (cabinet d’avocats) ont négocié un accord avec la justice fédérale où Chiquita a plaidé coupable d’avoir violé la loi et a donné son accord pour payer une amende de 25 millions de dollars. Mais, grâce aux talents d’Holder, pas un seul dirigeant de Chiquita mêlé à ces versements meurtriers n’a été inquiété. Selon l’article du Post, le futur ministre a même demandé clémence pour les dirigeants de Chiquita qui ont pris des « décisions douloureuses » mais n’a jamais exprimé le moindre regret pour les paysans colombiens massacrés.
Aujourd’hui, Eric Holder continue de défendre Chiquita. C’est le cas dans un procès intenté par les familles de 173 paysans colombiens tués par les AUC. Les familles sont représentées par l’avocat Terry Collingworth de l’association International Rights Advocates qui a déjà forcé le géant pétrolier Unocal à payer 30 millions de dollars suite à des abus des droits de l’homme en Birmanie.
La nomination d’Holder par Barack Obama devrait beaucoup inquiéter ceux qui ont voté pour le démocrate en espérant un changement dans les mœurs de Washington. Et la déception est d’autant plus grande qu’Obama, dans son dernier face-à-face télévisé avec John McCain organisé à trois semaines à peine de l’élection présidentielle, s’est élevé contre l’accord de libre-échange entre les Etats-Unis et la Colombie à cause des violations des droits de l’homme systématiques contre les syndicalistes colombiens.
La nomination d’Eric Holder a un nom : l’hypocrisie.
Pour en savoir plus sur ces sujets en Amérique latine, je vous suggère le blog : Amérique latine - www.amlatineterecuerdo.blogspot.com
La Colombie vit un conflit armé interne atroce, depuis 1948, qui est loin de s’apaiser… Les miltinationales US sont désormais très attachés à l’huile de palme, beaucoup moins à la banane, et ne sont pas regardantes sur les terres qui étaient la propriété de déplacés par la faute de ces mêmes paramilitaires…
On lit ces commentaires sur la niaiserie fondamentale des gens qui ont cru en Obama. Il est bien facile de faire le déniaisé lorsque l’on ne croit jamais plus en rien, que l’on ne pense pas qu’une alternative est pensable. Car le pendant parfait du TINA (Ther Is No Alternative) est le fatalisme . Il est bien beau d’afficher un air de lucidité sur ce blog lorsque de toutes façons on ne croit en rien.
Il me semble qu’un véritable esprit critique est celui qui peut avancer des perspectives dans l’avenir, c’est-à-dire, un projet social et politique (et écologique) d’avenir, au risque de se tromper (à condition de savoir corriger ses erreurs à temps bien sûr, une fois constatée celle-là).
Mais pérorer sur la bêtise des croyants lorsque c’est le fatalisme sans espoir ni prjet ni esprit tout court qui domine la crours de la récrée n’est pas bien malin.
Inventez-nous donc des alternatives réelles, Cassandre et autres délices du cercle de la défaite et du renoncement !
Obama n’est pas réel…
…et je te propose de te joindre à nous pour inventer ces alternatives réelles que tu appelles de tes voeux la prochaine fois que des publicitaires te feront fondre pour un aussi beau produit qu’il seul comblera les vides politiques de nos quotidiens.
à bientôt sur un vrai chemin, et pas devant CNN ;-)
Ca marche et Breakmyheart , comme on dit, me l’enlève de la bouche
Si l’étonnement de Bakchich n’est pas feint, c’est inquiétant
On nous donne le change avec un noir aussi à la Justice pour faire illusion , mais les vrais dirigeants des USA seront toujours des blancs, à commencer par le chef de cabinet Rham Israël Emanuel aux premières loges pour surveiller le charismatique illusionniste de Chicago.
On ne change pas une équipe qui gagne … beaucoup d’argent, y compris avec la guerre qui a besoin d’armes, puis de bétons et autres briques pour reconstruire ce qu’on a intentionnellement fait détruire avec des armes .
Rendez-vous dans un an