Après Amnesty, c’est la CNDS qui dénonce les abus de la police française. Les patrons de l’Intérieur avaient pris les devants en rappelant les bonnes méthodes d’utilisation de la force.
Le 2 avril dernier, Amnesty international publiait un rapport accablant pour la police française [1]. Sur la base de témoignages et au vu d’un précédent rapport datant de 2005, l’organisation internationale de défense des droits humains dénonçait l’impunité dont bénéficient les agents de police accusés de violences. En 2008, deux notes internes, que Bakchich s’est procuré, ont été diffusées dans les poulaillers pour rappeler les règles élémentaires en matière d’utilisation de la force.
Curieusement c’est au moment même où le rapport est confectionné que ces notes circulent dans les services pour rappeler aux agents les règles de bonne conduite lors de l’application des mesures de sécurité. Jusqu’alors les policiers n’avaient pas l’habitude de recevoir, pour « leur bonne information », des consignes de ce type de la part de leurs supérieurs.
Car même si en 2003 Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, semblait avoir pris le problème des violences policières à bras le corps, cinq ans plus tard, rien n’a changé. L’instruction du 11 mars 2003 du ministre concernait principalement les conditions de garde-à-vue. Depuis, rien. Jusqu’à ces deux notes à quelques mois d’intervalles.
La première, du 9 juin 2008, du Directeur général de la police nationale rappelait ainsi aux agents les « modalités de mises en œuvre des palpations et fouilles de sécurité et du menottage. » Au mois d’octobre suivant, une note de l’Inspection générale de la police nationale, l’IGPN, la police des polices, avertissait qu’« à la suite de plusieurs décisions de juridictions nationales et internationales et de recommandations d’autorités administratives indépendantes », certaines mesures se devaient d’être remémorées aux forces de l’ordre. L’occasion pour l’IGPN de rappeler les modalités de « l’immobilisation ». Cette technique qui aurait coûté la vie à Abdelhakim Ajimi le 8 mai 2008, ou encore à Abou Bakari Tandia en décembre 2007. La note précise que : « Lorsque l’immobilisation de la personne est nécessaire, la compression – tout particulièrement lorsqu’elle s’exerce sur le thorax ou l’abdomen – doit être la plus momentanée possible et relâchée dès que la personne est entravée par les moyens réglementaires adaptés. Ainsi, comme le soulignent régulièrement les services médicaux, l’immobilisation en position ventrale doit être la plus limitée possible. »
À lire les témoignages recueillis par Amnesty, certains flics ont bien besoin de ce petit rappel à la loi.
Une deuxième note, signée de Dominique Boyajean, le Chef de l’IGPN, a été diffusée dans les services par le biais d’Eric Le Douaron, Directeur central de la sécurité publique, grand patron de la sécurité publique sur le territoire français. Dans cette note, les pontes de la police rappellent leurs troupes à l’ordre, les appelant à agir conformément aux textes, avec « discernement » et « proportionnalité ».
Ces consignes démontrent au moins l’intention des services de police de prendre le problème en main. Dominique Achispon, du Syndicat national des officiers de police, estimait, en réaction au rapport d’Amnesty, « qu’il n’y a pas de violences illégitimes ; il faut arrêter avec cela, nous obéissons à des règles de déontologie et à celles du code de procédure pénale ».
Un point de vue apparemment peu partagé par l’IGPN et la Direction générale de la police nationale (DGPN)… La chefferie, dans toute sa bienveillance, n’a plus qu’à faire circuler le rapport d’Amnesty au sein des services de police. Et pourquoi pas, veiller à l’application des recommandations qu’il comporte.
À lire ou à relire sur Bakchich.info :
[1] Amnesty s’inquiète en particulier de la multiplication des dépôt de plaintes des agents envers les victimes, pour outrage ou rébellion. L’organisation souligne également le caractère raciste des violences policières, qui lui fait craindre « un racisme institutionnalisé au sein des organes chargés de l’exécution des lois en France ». Voir le site spécialement mis en ligne à l’occasion de ce rapport.