Confusion dans les rangs des Renseignements généraux, qui s’apprêtent à fusionner avec leurs homologues de la DST dans une sorte de FBI à la française voué à la lutte contre les terroristes. La réforme traîne, et les agents s’inquiètent de plus en plus de leur destinée.
Alors que le projet de fusion des Renseignements généraux et de la DST en une grande direction centrale du Renseignement intérieur (DCRI) avance très lentement, les inquiétudes se multiplient dans les rangs des services de renseignements du ministère de l’Intérieur sur le devenir des uns et des autres.
Le 5 février, le Syndicat national des officiers de police (SNOP) a ainsi demandé à être reçu par le big boss de la DCRG, Joël Bouchité, que quelques vilaines langues osent surnommer « Boud’shit ». Parmi les angoisses : les congés, la notation, les affectations… Finalement nos barbouzes sont des fonctionnaires comme les autres. Censés donner leur souhait d’affectation pour la suite, ils attendent toujours leur dossier de candidature.
Et la création d’une Sous-Direction de l’Information Générale (SDIG), intégrée à la Direction Centrale de la Sécurité Publique (DCSP), ne fait pas que des heureux. 950 membres des RG devraient y être réaffectés. Et l’élite du renseignement français de se retrouver à jouer dans la même cour que le simple gardien de la paix. Il y a fort à parier qu’il n’y aura pas foule. « Boud’shit » se veut rassurant : « Ils ne devront pas porter la tenue » Ouf, pour la couverture, c’est sans doute mieux. Ces changements en série risquent fort, par ailleurs, de provoquer des embrouillaminis sur la fonction et le grade attenant auquel sont très attachés les agents.
Quant à l’échéance de la réforme, mystère. Bouchité affirme qu’« il n’en existe pas à proprement parler. » Et pour le budget ? Idem. Secret défense oblige, probablement. Les syndicats enragent. Ah ceux-là… toujours à pinailler sur des détails !
Mais l’émoi ne s’arrête pas là ! Aucun membre de l’auguste maison n’a été auditionné par les députés qui viennent de rendre un rapport d’information sur la nouvelle législation anti-terroriste. Seuls les responsables du contre-espionnage (DST), de la police de l’air et des frontières et de l’Unité de Coordination de la Lutte Anti-terroriste (UCLAT) ont été associés aux travaux parlementaires. A l’heure d’Al-Qaïda, l’ancienne police politique à la papa ne semble plus avoir le vent en poupe !
Mais le ministère de l’Intérieur est magnanime. Il propose aux membres du service qui va disparaître une médaille commémorative et nominative. Le hic : elle est payante. Chaque policier qui veut sa médaille devra payer au minimum 21,95 euros, pour une commande groupée de 500 médailles. Et 38 euros par personne si elle est envoyée dans un altu-glass… Merci qui ? Merci MAM…
Après Squarcini, patron de la DST, et Bouchité, vient de s’ajouter un troisième larron en la personne d’Eric Le Douaron, patron de la Sécurité publique. Les choses seraient plus simple si ce dernier ne manifestait pas son mécontentement à l’idée d’accueillir chez lui ces flics d’un autre genre. Et s’il récolte une nouvelle tâche, il lui faudra des moyens, clame-t-il. Mais, bon sang, on vous dit que les caisses sont vides ! Le Douaron a décidé d’attendre et de faire monter les enchères. Pris entre trois feux, le RG de base n’a plus qu’à compter sur le poids des syndicats pour défendre les acquis gagnés de longue lutte.
Il n’est pas certain en revanche que ces derniers aient le pouvoir de régler un petit problème de télécommunications au nouveau siège de la Direction Centrale du Renseignement Intérieur (DCRI), de beaux locaux ultra-modernes sis à Levallois. Nombre de flics se plaignent de ne plus pouvoir utiliser leurs téléphones mobiles. Les vitres blindées et les dispositifs de brouillage joueraient des tours aux mobiles dans certains bureaux. Plutôt cocasse pour des policiers chargés d’amasser du renseignement. Vous avez demandé la police ? Ne quittez pas…
Et dans toute cette agitation, quid de l’efficacité de la future DCRI, grosse direction centrale repliée sur quelques égocentrismes de "policiers superhéros" et organisée pour satisfaire deux ambitions demésurées, celle de Squarcini et du Président ?
Quant aux RG, leur efficacité a du être avérée pour, qu’aujourd’hui, ils soient aussi mal considérés par le "Château". Mais qu’ils se rassurent, les Préfets tout comme les cabinets ministériels auront toujours besoin des infos RG, joliment rebaptisés SDIG en sécurité publique, car manifestations sociales, violences urbaines et autres problèmes sociétaux…sont toujours plus décisifs pour le vote du français moyen et la gestion du pays que d’hypothétiques attentats terroristes, si bien montés en épingles par nos politiques pour nous faire oublier leurs incuries passées, présentes et futures sur la scène nationale et internationale.
Mais oh combien, il est difficile de réfléchir lucidement avant d’engager de véritables réformes constructives. Et puis, après tout, qu’est ce que quelques centaines de millions d’euros gaspillés au nom d’une hypothétique meilleure efficacité de la fonction publique et les états d’âmes de fonctionnaires consciencieux ? Surtout quand on doit remercier M. Balkany, M. Squarcini et tant d’autres amis du 92 !