La concentration des groupes de protection sociale bat son plein en toute discrétion. Tous les acteurs se bougent pour grossir et ne pas mourir. Et on a encore rien vu.
Depuis la réforme Fillon de 2003, les caisses de retraites complémentaires n’ont pas chômé. La mise en place d’un système par capitalisation individuelle leur a ouvert un boulevard ô combien rentable. Avez-vous vu récemment refleurir les campagnes de pub et les dossiers spéciaux des magazines sur "comment bien préparer votre retraite" depuis la promulgation de la nouvelle réforme par Sarko Ier ? Capitalisant sur l’angoisse des futurs retraités, banques et assurances outillent les caisses de retraite pour un marché tentaculaire : mutuelles, prévoyance, épargne, retraite, patrimoine… En deux mots, la "protection sociale".
Un secteur en pleine mutation. En 2001, les fédérations Agirc (Association générale des institutions de retraite des cadres) et Arrco ( Association pour le régime de retraite complémentaires des salariés) ont lancé le projet de convergence "Usine retraite" avec pour objectif de réaliser d’importantes économies d’échelle sur les coûts informatiques. Lesquels pèsent 20% de la gestion de la retraite complémentaire. "Usine retraite" s’installe progressivement depuis 2009 et abaissera à terme (2013, selon ses promoteurs) les coûts à 16% de la gestion. Un projet d’envergure qui dérape : initialement évalué à 500 millions d’euros, son budget aurait déjà dépassé le milliard, selon le quotidien financier l’Agefi.
Dans le même temps, entre 1996 et 2009, le nombre des caisses Agirc est passé de 51 à 20, celui des caisses Arrco de 93 à 24. Mise en commun des moyens humains, informatiques, financiers et comptables. Fusion après fusion, ces caisses de retraites chapeautées par de vénérables institutions paritaires se sont muées en poids lourds. Il en existe aujourd’hui une vingtaine.
Malakoff-Mederic est sans doute le groupe de protection sociale le plus emblématique. Parce qu’il est dirigé par le frère du président de la République, Guillaume Sarkozy, depuis la fusion en juillet 2008 de Malakoff et de Mederic (d’où le nom, pas mal trouvé). Son empire s’étend notamment sur les employés et ex-employés de la métallurgie, de l’automobile et de la mécanique.
AG2R La Mondiale est aussi un grand spécialiste en la matière. Le groupe, tourné vers les actifs et retraités de la grande distribution et de l’alimentation, est issu d’une première fusion initiée en 2004 entre AG2R et ISICA et d’une deuxième avec La Mondiale finalisée en 2008. Une troisième avec le groupe Prémalliance (Grand Sud) devrait être achevée fin 2012.
Autre exemple, le groupe Aprionis, issu de la fusion entre Apri et Ionis (ça va, vous suivez ?), devrait absorber à son tour les lillois Vauban Humanis en 2011 (lequel Vauban Humanis est issu de la fusion des deux groupes éponymes en 2009). Ouf ! Et une autre fusion est en cours entre les groupes Mornay et D&O (salariés du transport, de la banque et de la pharmacie).
Selon certains observateurs, le chiffre symbolique des dix groupes de protection sociale pourrait être atteint début 2011. Puis être encore divisé de moitié, selon d’autres.
Comme ça, tout le monde y verra plus clair.
L’arrivée du frère à la tête du groupe cité est consécutive d’une très longue saga.
La protection sociale, autrefois planque pépère et socialement valorisante, est devenue source. Tous les réseaux s’y agitent en conséquence.
Plus intéressant au dessus de ces groupes, audite, surveille et préconise la très mystérieuse et non moins opulente AGIRC ARRCO… Malheur à celui qui osera fouiner vers ce richissime et très influent GIE ! Personne n’ose y enquêter…
La solidarité mutualiste et la gouvernance paritaire ne sont désormais plus. Par contre, les augmentations sont annoncées. Avec une très belle perspective pour après les élections, celle de la création d’une nouvelle branche de sécurité sociale, dite de "grande dépendance", et qui se prolongera sur le handicap. Un autre sujet brûlant…
Bon courage à nous tous, même biens portants.