En quelques mois, la Turquie a multiplié les prouesses diplomatiques : dossier libanais, révélation des pourparlers de paix entre la Syrie et Israël… De quoi faire de l’ombre à une France qui s’acharne laborieusement sur le projet d’Union pour la Méditerranée et qui milite pour que la Turquie ne rejoigne pas l’Union Européenne.
L’effet d’annonce passé, le constat s’impose : la France s’est faite doubler par la Turquie dans le dossier libanais. Début juin, l’importante délégation emmenée dans les bagages de Nicolas Sarkozy à Beyrouth, toutes tendances politiques confondues, n’a pas eu un impact particulier dans la région. Il s’agissait pourtant de saluer l’arrivée au pouvoir du Général Michel Sleimane, le nouveau chef de l’État libanais. Un événement de taille qui intervient après une longue crise qui n’a pu être débloquée que le 21 mai 2008, avec les accords de Doha, au Qatar.
Mais dans cette affaire, comme dans d’autres qui touchent le Proche et le Moyen-Orient, la France n’a joué qu’un petit rôle. Surtout si on le compare à celui de la Turquie qui, elle, s’est montrée particulièrement active. Bien davantage que l’Arabie Saoudite et que l’Égypte, qui n’ont pourtant pas ménagé leurs peines. Le rôle d’Ankara s’explique facilement par le fait que la diplomatie turque a toujours su entretenir des liens avec toutes les parties prenantes libanaises et tous les États de la région, y compris la Syrie et l’Iran. Les Libanais Saad Hariri et Fouad Siniora ne s’y sont d’ailleurs pas trompés. Face aux réactions violentes du Hezbollah, ils ont immédiatement fait appel au Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan. Par la suite, la Turquie a su tenir sa place. Son ambassadeur a joué les intermédiaires entre les belligérants jusqu’à la signature des accords de Doha. Ankara a su faire comprendre aux deux parties combien il était risqué, pour la région entière, de provoquer de nouveaux affrontements au Liban. La position turque est simple : pas de conflits entre sunnites et chiites, au Liban comme ailleurs, notamment en Irak. Ses intérêts en dépendent par le simple fait que l’équilibre régional est certes instable, mais qu’il existe.
Alors que les accords de Doha étaient dévoilés à l’ensemble de la communauté internationale, la diplomatie turque en a profité pour montrer tout son talent en déclarant qu’elle était également à l’origine de discussions entre la Syrie et Israël et ce, après plusieurs années de rencontres avec l’une et l’autre partie. Le but affiché est bien de rompre le lien fort existant entre Damas et Téhéran, tout en ramenant la Syrie dans le giron régional pour en faire un partenaire crédible et acceptable.
On est loin des divagations sur l’Union pour la Méditerranée… Certes, la diplomatie des petits pas n’est pas digne de la France sarkozyste, mais elle peut se révéler efficace, surtout quand on sait où l’on va. La Turquie veutstabiliser un Moyen-Orient belliqueux par nature, et un monde arabo-musulman divisé. C’est une autre ambition que d’offrir, pour le 14 juillet, un strapontin au chef de l’État libyen – qui a décliné l’offre – ou à Bachar El Assad, dont le carton d’invitation lui a été présenté par un envoyé particulièrement secret. La diplomatie française semble fascinée par le projet du Président Sarkozy, la tiédeur de l’accueil des États intéressés devrait pourtant lui prouver qu’elle s’engage sur un mauvais chemin.
Au vu de ces évolutions, il saute aux yeux que la France ne peut accepter au sein de l’Union Européenne un État comme la Turquie qui dispose de tels atouts. Paris risquerait fort de perdre son influence légendaire au Proche et au Moyen-Orient. Tout simplement inadmissible…
Si la Turquie devenait membre de l’Union Européenne, elle serait alors la clé de voûte d’une diplomatie discrète, mais efficace, de rapprochement avec des États musulmans et Israël, le maître d’œuvre d’une stabilité tellement souhaitée. Du coup, la France perdrait définitivement son rôle, déjà bien faible au demeurant, d’intermédiaire avec le monde arabe, à Tel-Aviv comme à Beyrouth.
À lire ou relire sur Bakchich :
Merci de remonter un peu le niveau d’une presse francaise qui n’a de presse que le nom.
Je partage votre analyse sauf sur un point : la france a déjà perdu sa place au Moyen-Orient.
Elle n’est plus un interlocuteur crédible (le sionisme affiché de Sarko et ses idées néo-conservatrices n’aident pas vraiment). En d’autres termes, la Turquie a pu s’engouffrer uniqument parceque la france est OUT.
L’actuelle danse du ventre de Sarko devant la Syrie (alors qu’il a quand même rompu les liens diplomatiques en croyant montrer ses muscles et faire peur aux Syriens) n’est qu’une misérable tentative de reprendre une place à la Table des pays qui comptent.
La France a plus besoin de la Syrie que l’inverse. Voir la presse francaise présenter les faits de manière à faire croire que ce sont les syriens qui sont demandeurs est d’une drôlerie sans nom.