Jouant la carte de l’antisarkozysme, Dominique de Villepin, auto-proclamé héritier du gaullisme social, présentait son nouveau mouvement, République Solidaire, samedi à Paris. Reportage.
A défaut d’être un grand soir, c’est un grand jour, samedi 19 juin, pour le “général” Villepin.
14 heures. A mesure que les minutes s’écoulent, la Halle Freyssinet (13e arrondissement de Paris) se noircit de monde. Sur un écran géant, défilent des images de l’INA. Villepin en 2003, prononçant son discours contre la guerre en Irak. Villepin à l’Assemblée Nationale, Villepin à Mantes-la-Jolie, Villepin discutant avec des paysans.
Le public applaudit à chaque nouvelle apparition. Et scande, déjà, “Villepin Président” . Le “président” du nouveau mouvement “République Solidaire” n’est pas encore là.
En l’attendant, une beurette qui habite une banlieue populaire, Corbeil-Essonnes (91), anime la scène. Elle se présente. “Je m’appelle Bouchera Azzouz. Je viens du milieu associatif, j’ai dirigé une ONG féministe de quartier. J’ai un rêve, et j’incarne celui de milliers de personnes. Nous, on ne veut ni de discrimination positive, ni de discrimination négative. On veut l’égalité”.
Bouchera, Bakchich l’avait rencontrée quelques jours auparavant, à Corbeil. C’est avec amertume qu’elle évoquait alors son passé à "Ni putes ni soumises", qu’elle a quitté il y a deux ans, en claquant la porte. “Pour moi, Fadela Amara est une stagiaire à 10 000 euros par mois !”, s’était-elle exclamée.
Fadela Amara, la Secrétaire d’Etat chargée de la politique de la Ville, a pourtant récemment été approchée par Dominique de Villepin. Il y eut trois rendez-vous au mois de mai. Et puis plus rien.
Retour sur scène. Bouchera Azzouz fait grimper son amie Chantale, rencontrée à Villiers-le-Bel. “Toi et moi ensemble, nous ferons des ravages !”, s’écrit la maman black. Applaudissements. Puis montent sur l’estrade un professeur d’histoire, blanc, mobilisé contre “la liquidation de l’héritage gaulliste” ; un médecin “préoccupé par le détricotage social”. Et enfin, une professeur des écoles déçue par le parti socialiste. Dans le public, les mains claquent de plus belle. On crie, encore : “Villepin Président !”. Une voix murmure : "Ce n’est pas Sarkozy qui aurait droit à tout ça…"
La salle est pleine à craquer. Combien ? 6000 personnes, dit-on. Il y a des hommes, des femmes, des jeunes, des vieux, des blancs, des noirs, des banlieusards, des paysans, des riches, des pauvres.
Les élus nationaux par contre, ne se sont pas précipités. Ils ne remplissent que le premier rang. Parmi eux, le député Jean-Pierre Grand, responsable du maillage territorial du Club Villepin, et Brigitte Girardin, présidente du Club Villepin, ancienne conseillère de l’Elysée sur l’Outre-Mer (1998-2000) et grande organisatrice du jour. Derrière eux est assis Azouz Begag – qui cherche à rallier Dominique de Villepin et François Bayrou.
On cherche Hervé Mariton, il n’est pas là, lui qui a finalement déserté le mouvement. Pas plus de Georges Tron, jadis fidèle villepiniste – jusqu’à ce qu’il intègre le gouvernement, en charge de la Fonction publique.
Les enceintes chantent un “Mister Jones” (des Counting Crows), abîmé par les basses trop puissantes. Puis “One more time”. Et enfin, les cris de la foule, à l’arrivée de Dominique de Villepin. Il est 16 heures.
Sans jamais citer le nom de Nicolas Sarkozy, le discours de l’ancien Premier Ministre est tout entier ficelé contre lui.
Il évoque d’abord les “18 millions de Français qui n’arrivent pas à boucler leurs fins de mois”. S’élève ensuite contre “les injustices sociales et morales”, contre “le déni de réalité” auquel “nous sommes confrontés” : “la récession, mais quelle récession ? La rigueur, mais quelle rigueur ?” Il rappelle les valeurs du Conseil National de la Résistance. Puis : “ Nous n’accepterons pas que l’Etat se mette au service d’intérêts particuliers et de l’argent”.
Il enchaîne : "Nous n’accepterons pas les débats stériles sur l’identité nationale, l’instrumentalisation de la peur de l’autre et que le kärcher tienne lieu de politique !”
Le public l’acclame. “Villepin président, Villepin président !”
Il continue : “Nous sommes entrés sans le dire dans un nouvel Ancien Régime !” Evoque l’Afrique. L’Afrique ? “Au-delà de l’homme africain qui ne serait pas entré dans l’histoire…” Et bam ! Ce nouveau tacle contre Sarkozy entraîne les huées du public.On se croirait presque chez Besancenot. Ou chez Sud, à lire les bandes “Solidaires”, scotchées sur des colonnes de la salle.
Le CPE (contrat première embauche) ? C’était une erreur, admet-il. Mais rappelle qu’il faut régler le problème du chômage, fort, “ chez les jeunes des quartiers et d’ailleurs”.
S’ensuit un long discours sur la politique étrangère de la France. “Non à l’administration Bush, non à la guerre en Irak !” Tout le monde : “Ouais !” Pour le "retour des soldats français d’Afghanistan !" Pour que "les Palestiniens aient droit à un Etat" et "qu’Israël ait droit à la sécurité !" Villepin est donc pour la paix et contre la guerre. Très courageux… Qu’importe, le public est séduit : “Ouais, ouais, Villepin président !”
Un mélange d’anti-Sarkozysme et de socio-gaullisme, c’est le secret de sa réussite. C’est aussi le rêve de Bouchera et "celui de milliers de personnes". Qui ont peut-être oublié que Villepin est à l’UMP.
Photos © Anaëlle Verzaux
Pour en savoir plus sur les dessous de "République Solidaire", lisez Bakchich Hebdo n°29 !
Faites ce que je dis …
Villepin promet de moraliser la vie politique … et dans le même temps, un de ses plus fidèles lieutenant, le maire de Vannes François GOULARD fait embaucher son propre fils en temps que dir’cab du maire de Vannes !
On se croirait à l’EPAD … mais il parait que fiston Goulard a les diplômes qui vont bien et que son recrutement ne doit qu’à ses compétences !!!