Le petit père des peuples n’en finit pas de faire parler de lui. À son endroit, le coeur des Russes balance entre nostalgie et dégoût. Certains tentent d’en profiter.
Horreur, Staline est de retour ! Pour fêter le soixante-cinquième anniversaire de la victoire de l’URSS contre l’Allemagne nazie, le 9 mai prochain, l’administration moscovite n’a rien trouvé de mieux que d’afficher dix portraits de Staline. Une mesure qui fait parler d’elle en Russie, tant le passé stalinien est un sujet sensible – si ce n’est tabou – pour les Russes.
Attaqué par les défenseurs des droits de l’homme, le maire de Moscou, Iouri Loujkov, se défend en invoquant l’importance du rôle joué par le petit père des peuples pendant la Seconde Guerre. « Je suis l’admirateur de l’histoire objective, se justifie-t-il. Et cette objectivité exige de ne pas radier Staline de la liste des personnes qui ont pris part à la guerre et à la reconstruction du pays, mais de le présenter selon son mérite. »
Ambiguë et énigmatique, la personnalité de Staline fait donc encore et toujours parler d’elle. En 2008, une télévision russe lançait le concours le Nom de la Russie, où, par une consultation sur Internet, les Russes votaient pour établir la liste des personnes faisant la fierté du pays. Horreur, déjà : Staline arrivait en troisième place. Mieux que les écrivains Pouchkine et Dostoïevski !
Bien sûr, la presse s’était fait l’écho du vent de panique soulevé par un tel résultat. Certains médias, plus paresseux, s’étaient contentés de retranscrire l’information sans l’analyser. En réaction, le site La honte du pays se créait pour dresser le catalogue des persona non grata en matière de défense des droits de l’homme. Paradoxe, Staline était, là aussi, classé parmi les dix premiers.
Dans les milieux intellectuels russes, on analyse le regain de popularité de Staline par le fait que la société est à la recherche d’un pouvoir fort. Les Russes exigent une vie plus structurée et un avenir assuré. Ce que les sondages confirment : presque la moitié de la population estime que la centralisation via Moscou est la meilleure organisation du pouvoir politique.
Mais si Staline est populaire, c’est plus en tant que mythe qu’en tant qu’homme politique. Il ne faut pas oublier que la Russie est un pays où la plupart des gens ne s’intéressent guère à la politique, sauf les seniors. Les retraités et plus de 60 ans composent l’électorat le plus mobilisé. Ils ont souvent le portrait de Staline dans leurs albums de famille et croient dur comme fer que leur vie en Russie soviétique était plus stable. Voilà pourquoi les autorités n’hésitent pas à jouer avec l’image de Staline, car il apporte bien des votes.