Après le père, Jean Ziegler et sa « Suisse au-dessus de tout soupçon », c’est au tour du fils, Dominique, avec ses pièces de théâtre, de chatouiller et traumatiser l’establishment helvète.
Depuis trente ans, et la sortie d’Une Suisse au-dessus de tout soupçon, le sociologue Jean Ziegler donne des boutons aux notables de la Confédération. Son fils Dominique, auteur de théâtre, prend le relais. Dans Le maître du temps, il s’en prend à une icône, Jean Calvin, décrit en ayatollah protestant.
En arrivant à Genève en 1536, le Français Jean Calvin prévient la population : « Lors du jugement dernier, nous devrons rendre compte au Seigneur de chaque minute de notre temps » [1]. Le prédicateur va inventer la meilleure et la pire des choses : la ponctualité. Avant lui en Europe, les rendez-vous se prenaient à 24 heures près. Le premier arrivé sur les lieux de la rencontre pouvait attendre son interlocuteur toute la journée.
Jean Calvin estime que personne ne doit manquer même le début de son sermon. Un guetteur, accusé d’avoir sonné les cloches du temple en retard, sera torturé et aura la langue percée. Partant d’une histoire vraie, Dominique Ziegler, 38 ans, signe la pièce Le maître des minutes. Le fils de Jean Ziegler rappelle que si le père de la Réforme a sans doute été un grand bonhomme, cela ne l’a pas empêché d’être aussi un tortionnaire. Avec Jean Calvin, Genève, devenue la Rome protestante, n’a plus rigolé.
« Il ne fallait pas passer sous silence le comportement “ayatollesque“ de Calvin. Il a tyrannisé la ville. La situation est un peu comparable à ce qui se passe aujourd’hui en Iran, où ce n’est pas le président de la République qui dirige le pays mais le guide suprême. C’est Calvin qui régentait la cité sans avoir pour autant la moindre charge politique », souligne Dominique Ziegler. Ultime provocation, Le maître des minutes est joué en 2009, l’année même où Genève fête avec éclat les 500 ans de la naissance de Jean Calvin !
Le fils de Jean Ziegler n’est surtout pas un théologien. Il cherche d’abord à gratter où ça fait mal. Avant de s’attaquer à Calvin, Dominique Ziegler a fait jouer N’Dongo revient, pièce qui dénonce le système totalitaire africain et le néocolonialisme, et Opération Métastases, racontant l’histoire d’un demi-siècle de manipulations et de grandes manœuvres des services secrets américains.
Faut-il s’étonner si les médias suisses ne se bousculent pas pour évoquer les pièces dérangeantes de ce jeune homme, si prompt à dénoncer « les magouilles de la classe dominante » et la « nullité sidérale des politiciens suisses, juste capables de s’en remettre pieds et poings liés aux Banquiers » ? En septembre, Le Poche Genève, le théâtre de la vieille ville, jouera Affaires privées, une nouvelle pièce de Dominique Ziegler, qui se déroule, cette fois, dans le milieu des banquiers privés genevois.
La place financière helvétique espérait qu’à 75 ans le sociologue allait leur laisser un peu de répit. Rappelons qu’en 1978, Jean Ziegler sortait Une Suisse au-dessus de tout soupçon, qui sera suivi plus tard par La Suisse lave plus blanc (1990), révélant que le pays du chocolat recyclait plus d’un tiers de l’argent sale de la planète. Dans La Suisse, l’or et les morts (1997), Jean Ziegler raconte que non seulement la Confédération avait conservé l’argent des juifs morts dans les camps de concentration, mais qu’en aidant financièrement le IIIe Reich pendant la Seconde guerre mondiale, Berne avait permis à Hitler de durer deux années supplémentaires…
La Suisse, l’or et les morts a tellement traumatisé l’establishment suisse, que L’Hebdo, le principal magazine francophone, s’était fendu d’un numéro spécial contre… Jean Ziegler. Parmi les plus graves reproches lancés à son encontre, on apprenait qu’il était incompétent. La preuve ? « Jean Ziegler combat le capitalisme depuis 50 ans et celui-ci est toujours debout », écrivait le plus sérieusement du monde l’hebdomadaire « zieglerophobe ».
A lire ou relire sur Bakchich.info
[1] Contrairement à ce que croient certains, Jean Calvin n’est pas Suisse, mais Français. Il est né en 1509 à Noyon, en Picardie, où son père a été excommunié. On peut lire Jean Calvin d’Olivier Abel, aux éditions Pygmalion.
Ben, vos infos, il faudrait tout de même les vérifier. Parce que les articles sur les pièces de Dominique Ziegler, dans la presse genevoise, ce n’est pas ce qui manque. Tant Le Temps que La Tribune de Genève lui réservent une bonne place dès qu’il prépare un nouveau spectacle.
PS à Scoubidoudou : à Carouge, on s’em… comme des rats morts. Dès que vous faites un peu trop de bruit, les bourgeois et autres néo-bobo qui occupent la cité sarde s’empressent de signer des pétitions. Z’avez qu’à demander au patron du Chat Noir…
J’allais l’écrire ! C’est même un des rares metteurs en scène genevois à bénéficier d’une pub aussi régulière, chez "Tard pour Bar" juste pour donner une exemple. Faudrait voir à ne pas diaboliser à outrance … Backchich, la crédibilité ça peut se perdre très vite.
Bakchich aime Ziegler, bien, mais ce n’est pas une raison pour nous peindre un saint sur la muraille… Ziegler est un politicien et son fils bénéficie de la renommée de son papa. Sa dernière pièce m’a déçu. (pour l’anecdote, je l’ai vue samedi soir et Jean Ziegler était présent parmi le public). Déçu car elle surfe sur l’affaire du banquier Stern et la théorie développée serait que c’est un gars du clan sarkozy qui aurait fait dézinguer Stern et aurait par la même occasion fait disparaitre la preuve de financement puant concernant le petit nerveux… mouais. Le hic c’est que le public genevois, pas toujours expert en "affaire clearstream" n’a pas toujours compris la théorie développée de façon assez brumeuse (pour éviter d’éventuels procès ?) par Dominique Ziegler.
Une pièce qui utilise tous les thèmes actuellement à la mode : la finance, le mobbing, le SM et l’affaire Stern. Au final, si cette pièce fait allusion à l’amitié qui liait Sarkozy à feu-Stern, elle occulte totalement le fait que Fabius l’était également. M’enfin … ce n’est pas le sujet.