Un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme met à mal le régime des gardés-à-vue français. Pluie de recours à prévoir. Le bâtonnier de Paris enclenche le mouvement.
A l’Est du nouveau. Et pas parce que le mur a chu il y a vingt ans. C’est un peu moins loin vers l’Orient qu’une mini révolution pour le monde judiciaire français est en train de se tramer. Du côté de Strasbourg où siège la Cour Européenne des droits de l’homme.
Le 13 octobre dernier, la malicieuse assemblée a rendu un arrêt dans une assez obscure affaire turque, Dayanan contre la Turquie. Et au détour de ce dossier, claque une phrase qui risque de soulever la commission Leger, qui a zappé le sujet…
Les juges européens rappellent simplement « le droit de tout accusé à être effectivement défendu par un avocat, au besoin commis d’office, figure parmi les éléments fondamentaux du procès équitable ». Douce remarque, qui rappelle tout bonnement l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme, à laquelle la France, patrie desdits droits, a souscrit.
Et qui change profondément la donne. A savoir que les gardés à vue doivent bénéficier, dès les premiers temps de leur mise à l’ombre, être assisté d’un baveux pour que leurs droits soient respectés. « Un accusé doit, dès qu’il est privé de liberté, pouvoir bénéficier de l’assistance d’un avocat », énonce l’arrêt que Bakchich a pu dépiauter.
Or, dans le droit français, la présence d’un avocat en garde-à-vue n’est que symbolique et ponctuelle. Le conseil n’a alors pas accès aux pièces du dossier et n’assiste pas aux interrogatoires. En certains domaines, notamment le trafic de stupéfiants ou le terrorisme, l’avocat n’intervient souvent qu’après la 72e heure de Gav.
« L’équite de la procédure, enfonce la Cour, requiert que l’accusé puisse obtenir toute la vaste gamme d’intervention qui sont propres aux conseils. A cet égard, la discussion de l’affaire, l’organisation de la défense (…) sont des éléments fondamentaux que la défense de l’avocat doit librement exercer ».
En somme, les aveux en garde à vue d’un prévenu, non assisté d’un avocat pourraient être écartés des dossiers, puisqu’en violation du droit fondamental à être assisté par un conseil dès la première minute de garde à vue. Bref finies les aveux en garde à vue d’un Francis Evrard ou d’un Manuel Da Cruz.
Et tout nouvelle loi qui viendrait réformer la procédure judiciaire française actuelle devra prendre en compte l’assistance obligatoire d’un avocat, dès le début de la Garde à vue. Sans quoi la Cour européenne pourrait la déclarer illégale.
Ephéméride d’un pénaliste. « Les recours en annulation de procédure vont pleuvoir dans les prochains jours ».
Dans une interview à France-Info, mardi 17 novembre, le bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris Christian Charrière-Bournazel a appelée ses confrères à soutenir la nullité des gardes à vue, en se fondant sur les deux arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme.
"Depuis les deux arrêts en questions, toutes les gardes à vues qui ont lieu aujourd’hui en France sont illégales, sont des voies de fait, et seront donc annulées, je l’espère, par les tribunaux français si la justice française se ressaisit, et seront en tout cas condamnées par Strasbourg", déclare Christian Charrière-Bournazel, "toutes les gardes à vues sont illégales". Pour le bâtonnier, les gardes à vue sont "des lieux de traitements inhumains et dégradants contrairement contraires aux libertés essentielles". "C’est très grave. Ce sont des gardes à vues contraires au principe du procès équitables, selon la Cour européenne de justice de Strasbourg. Elles sont donc illégitimes, et elles sont nulles." "Dans tous les autres pays d’Europe, l’avocat est présent dès le début" de la garde à vue, poursuit Christian Charrière-Bournazel, qui note cependant une seconde exception en Belgique.
Télécharger l’arrêt de la CEDH
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Je ne pense pas que, de manière générale, la présence de l’avocat conduira la personne mise en cause à adopter un comportement de déni total des faits qu’elle aurait pu commettre. Et à la limite, quelle importance puisque les policiers eux-même jurent avoir désormais la culture de la preuve, et non plus celle de l’aveu ?…
Pour le juge, la présence de l’avocat permettra aussi d’améliorer la qualité des éléments de preuve recueillis lors de la garde à vue : il deviendra notamment difficile à un prévenu d’affirmer qu’il aurait été victime de violences policières si son avocat est présent tout le long de la mesure.