Palais de Justice de Douai, le 30 octobre 2009, dernier jour d’audience du procès de Francis Evrard. Verdict sans surprise : 30 ans de réclusion. Focus sur une défense pleine de bon sens.
Après 35 années de prison, le pédophile Francis Evrard est reparti ce vendredi pour un nouveau long tunnel : 30 ans de réclusion, dont 20 ans de sûreté, est le verdict peu surprenant au terme de trois heures de délibérés. S’il tient le coup, Evrard peut imaginer ressortir à 83 ans – il entamera alors vingt années de suivi socio-judiciaire, jusqu’à ses 103 ans. Triste vie d’un homme qui en aura brisé beaucoup.
Plus tôt dans la journée, Me Jérôme Pianezza a brillamment plaidé la cause de ce client si particulier. Evrard, l’incarnation vivante de ce qu’abhorre la société. Homme bourru et bavard, bizarrement très à l’aise dans un box aux allures de prison de verre, comme s’il avait accepté au fond de lui que c’était là sa place, heureux surtout que tout ce petit monde s’intéresse à lui, lui qui n’est « pas un monstre ». Pédophile, violeur d’enfants, prédateur. Pianezza a dénoncé l’à-côté de cette affaire, la « tyrannie de l’émotion », le « populisme », la « vulgarité qui attise la haine et exploite la misère des autres ».
Vindicte populaire mise à part, les faits deviennent « dramatiquement simples », rappelle Me Pianezza : un enlèvement, une séquestration, une agression sexuelle, un viol. Des infractions caractérisées et suffisamment graves pour que l’on n’en « rajoute pas ». Evrard est violeur, pédophile, pervers, mais point « stratège » comme se plaît à le présenter l’accusation. Des « aveux immédiats, précis et circonstanciés » d’Evrard qui a non seulement reconnu les faits, mais qui les a en plus révélé, disant tout, même ce que la petite victime ne pouvait rapporter : « C’est Evrard qui a indiqué le viol aux policiers. On ne va pas le féliciter pour autant, mais ne parlons pas de stratégie ».
Pas de stratégie, pas de mensonge, pas de préméditation non plus. Accordons au moins à l’accusé le respect de ses explications : il s’agit d’une pulsion. Pour preuve, « la longue promenade d’un plâtre bleu à Roubaix ». Ce jour de l’agression, Evrard se balade un peu partout avec une casquette rouge et un plâtre bleu au bras : « Ne manquait que le gyrophare. Il aurait voulu se faire prendre, qu’il ne s’y serait pas pris autrement ».
N’en rajoutons pas non plus dans la manipulation. Le courrier envoyé par Evrard au président de la République lui demandant l’autorisation d’être castré par l’ablation des testicules n’est pas une habile manœuvre d’Evrard pour se dédouaner. L’accusation y a vu une façon bien théâtrale de crier haut et fort qu’il était effectivement prêt à tout pour se soigner. Pour Me Pianezza, la manipulation est dans l’autre camp : « En écho à l’affaire Evrard, la garde des Sceaux dit que la question de la castration physique est ouverte. Dans la bouche d’un ministre, c’est du populisme : “On va couper les couilles au violeur”. Mais pour Evrard, ce sont les simples mots d’un type au bout du rouleau ».
Evrard n’est « pas un monstre » a rappelé sa défense. Ce qu’il est, « on » l’a fabriqué : « Parce qu’on ne naît pas pervers pédophile profond ». Et de rappeler l’enfance du « petit Francis » à l’origine petit garçon comme un autre. A 10 ans, arrive un viol, non dénoncé. Puis les petits délits. Puis le passage à 12 ans par la case C.O.T de l’Education surveillée. Pianezza au jury : « Vous savez ce que c’est le C.O.T de l’époque ? Le Centre d’Observation et de Triage. A 12 ans. Les mots ont un sens. Observation, triage : au mieux, c’est comme du bétail. Au pire, c’est comme les camps de la mort. Jeune adulte, Evrard était déjà peut-être pervers et pédophile. Après 30 ans de prison, il est devenu Pervers Pédophile Profond nous dit-on, PPP. Et plus il avance, plus il est Pervers, plus il est Pédophile, plus il est Profond, plus il est paumé… à quoi cela a-t-il servi ? » Relâché à 61 ans, Francis Evrard est alors une « petite bombe prête à exploser ». Etiquetté PPP de tous les côtés, le minimum est de lui imposer un cadre serré au moment de sa libération. « Risques importants de récidives » disent tous les experts à sa sortie. « Et pourtant, on ne fait rien", s’insurge Me Pianezza. On ne fait pas “un peu”. On ne fait pas “ce que l’on peut”. On fait “rien” ». Effectivement, ce « gars » comme l’appelle son avocat, sort de 35 années d’assistanat, « où l’on attend une autorisation pour passer une porte, monter un escalier, voir un médecin – tout juste si l’on ne demande pas la permission de pisser ». Et l’on « s’étonne qu’après 35 ans à ce régime-là, Evrard ait attendu la convocation d’un Juge de l’application des peines (JAP) pour discuter de son traitement anti-hormonal ». La convocation, en l’occurrence, n’est jamais venue : « Pervers, Pédophile, Profond : en prison, on l’a toujours considéré comme cela. Pourquoi ça change le jour où il passe la porte ? »
Oui, Evrard a récidivé. Mais pour Me Pianezza, on l’y a aidé. « Passifs ou actifs, Francis Evrard a eu des complices ». Complices en blouses blanches et complices dans l’administration. Et de rappeler qu’au printemps 2007, quelques mois avant sa sortie, Evrard accepte le traitement anti-hormonal : « Croyez-vous que l’on débute pour autant les soins à ce moment-là ? Ben non ». Une petite piqûre avant de partir, ce n’est pourtant « pas bien compliqué ». Quand il sort, « rien n’est mis en place, c’est une catastrophe ».
Pianezza estime qu’à la limite, Evrard avait le droit, lui, « de rechigner au traitement » : « N’importe quel homme peut comprendre qu’il n’est pas simple d’accepter que sa virilité soit réduite à néant puis de se voir pousser des seins ». En clair, si Evrard a « le droit d’avoir peur », l’administration, elle, a « le devoir d’appliquer sa décision ». C’est à elle de dire au détenu : « Piqûre, sinon pas de sortie ». Et l’avocat d’admonester les différents services qui n’ont pas su traiter ce PPP : « Un coup de tampon » pour attirer l’œil des services, « un coup de fil » pour s’assurer que le message est bien passé. « Au fond, ce n’était pas bien compliqué ».
Trente ans de réclusion, dont vingt de sûreté pour Evrard. A ce jour, ses « complices » courent toujours et n’ont pas été inquiétés. Me Emmanuel Riglaire, avocat du garçonnet violé, a cependant annoncé son intention d’attaquer l’Etat pour ce qu’il appelle une « carence de services ».
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Evrard est, sans conteste, un monstre de la nature humaine. Mais il est, de toute évidence, le fruit mûre d’une administration pénitentiaire qui ressemble de plus en plus à une grosse et grasse tique sur le coup de ce clébard qu’est la Justice .
De haut en bas de l’échelle, ce gros poux mérite un grand coup de balai, et pas des lavements à l’eau tiède comme en voit défiler depuis des décennies.
J’ai pissé dans un violon, mais ça fait du bien ..