C’est en tout cas ce qu’annonce la Provence et le site du club. Tant sur les plans « tac-que-tique » que « tech-que-nique », la légitimité de la Dèche ne souffre d’aucune discussion. En revanche, son éthique sportive…
Article publié le 2 juillet 2008
Après l’élimination de la France dès la première phase de l’Euro 2008, les « 60 millions » de sélectionneurs de l’hexagone débattent sur la mise à pied ou le maintien de Raymond Domenech, l’actuel coach des Bleus de plus en plus contesté par l’opinion et les joueurs champions du monde 1998 dont le plus virulent est Christophe Dugarry [1].
Dans le camp du changement, on trouve également notre Zizou national qui, lors de son passage à Vienne pour assister au quart de finale Espagne-Italie, s’est immiscé dans l’alternative : « Je ne fais pas partie des instances fédérales et Raymond Domenech sera fixé sur son sort le 3 juillet au matin. On verra bien s’il y a un nouveau sélectionneur. Celui qui pourrait le remplacer, c’est Didier Deschamps, il a toutes les qualités et serait légitime s’il prenait la succession ».
En revanche, dans le camp de ceux qui préconisent le statu quo, on trouve trois hommes emblématiques de l’équipe de France actuelle : le capitaine Patrick Vieira, le jeune cadre Franck Ribéry et le défenseur du Bayern Willy Sagnol. Bien entendu, je n’ai aucune légitimité pour prendre partie dans ce choix aussi bien aux « plans tac-que-tique » que « tech-que-nique » ; en revanche l’aspect éthique doit, à mon sens, intervenir impérativement dans l’argumentation et la décision des sages du Conseil fédéral du jeudi 3 juillet. Rappelons la fameuse histoire de corruption de Bernard Tapie, président de l’OM, sur l’équipe de Valenciennes le 20 mai 1993. Didier Deschamps fait alors partie du onze phocéen, il en est même le capitaine.
A la lumière de ce que la justice va mettre à jour, le discours de « la Dèche » – l’un des surnoms de l’ex-Nantais – va démontrer l’ambiguïté du personnage : « Tout ça me fait rire. Pourtant, quelque part, je suis énervé. Dans un premier temps, les dirigeants de VA ont voulu porter réclamation parce que, soi-disant, le but de Boksic avait été marqué de la main. Quand ils ont vu qu’il n’en était rien, ils ont cherché autre chose et ils ont balancé les accusations de corruption. Comme ça, en plein milieu de la rencontre. On a l’habitude que l’on raconte régulièrement de drôles de choses au sujet de l’OM. On est suffisamment costaud pour ne pas nous laisser troubler par ces accusations. Nous, notre boulot, c’est de jouer et de gagner sur le terrain et on saura faire abstraction de ce qui se raconte dans les jours à venir. » (L’Équipe, 22/05/1993).
Dans une interview télévisée durant cette période mouvementée du football français, Passe-Partout (surnom donné par David Ginola), avait osé répondre à une question sur Jacques Glassmann, le joueur valenciennois qui avait révélé la corruption du patron de l’OM :
Si vous le rencontriez, serreriez-vous la main de Jacques Glassmann ?
NON ! (L’Équipe, 14/01/1994)
Il n’est pas utile d’épiloguer sur cette réponse. On comprend facilement dans quel camp évolue Deschamps. D’ailleurs, Glassmann l’avait perçu comme tel, et de plus, Trois Pommes (surnom donné par Aimé Jacquet) n’était pas le seul des olympiens à « insulter » le bouc émissaire de Valenciennes. Que des gens de la « famille » lui tournent le dos, ça fait mal : « Je n’ai pas à juger, ni à commenter. Mais ils ont terni l’image des footballeurs. C’est comme ça du moins que je le ressens. »
Donc question éthique sportive, Deschamps n’est pas au top. Pour le dopage, ce n’est pas mieux. En 1992, on le retrouve acteur dans une affaire de « dopage » collectif racontée par son ami Marcel Desailly :
« La scène décrit une visite de Bernard Tapie juste avant le match explosif entre l’OM et le PSG, au Parc des Princes le 19 décembre 1992. "Il nous rejoint dans les vestiaires du Parc. Plus fébrile que jamais, il va de l’un à l’autre, dans le fouillis des sacs et des paires de chaussures (…) . "Bon, les gars, arrêtez tout, écoutez-moi". Silence dans les rangs. On n’entend plus la grosse voix de Basile Boli ni le cliquetis des crampons sur le carrelage. Tout le monde se tait. Même le boss. Debout au milieu du vestiaire, il sort une boîte de médicaments. Une boîte que le staff médical du club n’a encore jamais utilisé devant moi. Le nom m’échappe mais pas le sentiment de malaise ni les mots de Tapie « Ce match-là, les gars, il faut le gagner ! ». Il me tend la boîte. Je n’ai plus qu’à m’en servir, à avaler un cachet et à faire tourner, mais j’hésite. Et si ce produit … ? Et si c’était… ? Je suis pétrifié, incapable de réagir. Seulement de tendre à mon tour la boîte à Didier Deschamps. Il la prend, la retourne et lit une mise en garde du genre : « ce médicament, au-dessus de certaines doses, peut être considéré pour des sportifs de haut niveau, comme une substance dopante » (NDLA : à l’époque, en 1992, le libellé exact de la phrase générique est : « L’attention des sportifs sera attirée sur le fait que cette spécialité contient un principe actif pouvant induire une réaction positive des tests pratiqués lors des contrôles antidopage »). Didier ne se démonte pas. Il s’adresse au boss :
Attendez, là, c’est quoi ce truc ?
Prenez-en. Faites-moi confiance.
Mais vous avez vu ce qu’il y a de marqué derrière ?
Pas de problème, c’est une question de dosage. Donne-moi ça si tu m’crois pas ! »
Le boss saisit la boîte, avale un cachet, puis un autre et une bonne gorgée d’eau minérale. « Voilà maintenant allez-y ! Oh les gars, vous me connaissez, je ne vous ai jamais menti. Hein, est-ce que je vous ai menti ? » Son produit miracle est-il interdit ? Qu’il en ait avalé deux cachets ou toute une tablette ne change évidemment rien à l’affaire : ce n’est pas lui qui subira peut-être un contrôle antidopage après le match ! n’empêche, il insiste : « Allez, prenez ». j’ai pris. Un ou deux cachets, je ne sais plus. D’autres ont refusé. Pourquoi pas moi ? Peut-être la confiance aveugle dans le service médical. Peut-être la trouille de dire non. Peut-être le sentiment d’être Marseillais, donc invulnérable. Sans doute tout cela à la fois. Et je n’en suis pas fier. »
Dans ce témoignage, on retrouve bel et bien la description d’une conduite dopante collective : le même produit pour tous les joueurs ! Alors, comme Didier Deschamps, demandons-nous ce que contenaient ces cachets.
A l’époque, deux molécules se caractérisent par un seuil de détection légal : la caféine et l’éphédrine. Elles peuvent donc être consommées à faible dose. D’emblée, on peut éliminer l’éphédrine, qui impose de joindre une justification thérapeutique : impossible à présenter pour toute une équipe. Reste la caféine. Le produit cher à Jean-Pierre Papin. Depuis ses débuts à Valenciennes, l’avant-centre avait pris l’habitude de consommer six cachets de Guronsan® avant les matchs. Seulement, la forme galénique ne colle pas avec la description du produit donnée par Desailly. Le Guronsan® se présente sous la forme de gros comprimés (diamètre d’une pièce de deux euros) à dissoudre dans un verre d’eau. Exit donc la caféine. D’autant que pour cette dernière, le « docteur » Tapie lui reproche un effet négatif sur l’adresse. Alors, quel peut être le nom du produit absorbé par la majorité de l’équipe de l’OM avant son match contre le PSG ? Peut-être simplement des amphétamines. Le risque de se faire prendre était faible en raison des carences des contrôles : « D’habitude, on apprend la nouvelle à la mi-temps des rencontres », explique Guy Roux dans une interview à L’Équipe le 2 février 1993. « Mais quand Marseille est dans le coup, on le sait bien avant. Quinze jours plus tôt, toute la France est au courant ». Il serait ainsi tout à fait possible de prendre un produit comme le Capatgon® (fénétylline) dont la mise en garde quant au risque de contrôle positif figurait effectivement sur le conditionnement.
Ce ne serait pas très étonnant, compte tenu également de ce que Bernard Tapie, toujours lui, précisait dans les colonnes de l’Humanité en octobre 1998 : « Lorsque j’ai pris le club en main, les joueurs avaient l’habitude de prendre des amphétamines, du Captagon®. » Voilà qui expliquerait la nervosité et la violence des joueurs marseillais. « La guerre avait pris le pas sur le jeu », écrit Pierre-Louis Basse dans son livre sur le PSG Histoires secrètes (éd. Solar, 1995). « Ce devait être un sommet. Ce le fut. Dans la castagne, les insultes et la haine ». Il décrit aussi la sortie du stade de Bernard Tapie planqué au fond de la voiture de RTL avec un casque sur les oreilles pour éviter d’être reconnu. Marcel Desailly se souvient aussi d’un match extrêmement violent. « Six cartons jaunes (NDLA : Bernard Casoni, Eric Di meco, Franck Sauzée, Basile Boli, Angloma pour l’OM ; Laurent Fournier pour le PSG), des coups, des insultes, des bagarres, un public menaçant et la victoire au bout : un à zéro but d’Alan Boksic, notre attaquant croate. »
Peut-être qu’aujourd’hui, Didier Deschamps n’étant plus en activité sur le terrain, pourrait jouer la transparence et nous dire la nature exacte du produit consommé ce jour-là et qui portait la mention d’une mise en garde de risque de contrôle positif à l’adresse des sportifs.
Une autre affaire de dopage a concerné Didier Deschamps alors qu’il exerçait ses talents à la Juventus Turin entre 1994 et 1999. En juillet 1998, le juge Raffaele Guariniello ouvre une enquête sur les pratiques des Bianconeri, à la suite de déclarations de Zdenek Zeman, alors à l’AS Roma, qui affirmait que le championnat italien devait « sortir des pharmacies ».
Se fondant sur des dossiers médicaux saisis par la justice, les experts mandatés par l’accusation auraient constaté que plusieurs joueurs présentaient en effet des hématocrites (taux de globules rouges dans le sang) très élevés. Selon l’accusation, Didier Deschamps et Angelo Di Livio auraient dépassé la limite de 50% considérée comme à risque, au plan santé. L’ancien capitaine de l’équipe de France serait même monté jusqu’à 51,2%.
L’hématologue Giuseppe D’Onofrio dans son rapport, était parvenu à la conclusion que l’ÉPO avait été utilisée de façon « systématique et intensive », précisant que pour Didier Deschamps il présentait des variations physiologiques inexplicables. Le 26 novembre 2004, le tribunal de Turin condamne le médecin de la Juventus, Riccardo Agricola, pour fraude sportive et administration d’ÉPO. Pour Rafaele Guariniello, le procureur adjoint : « Le jugement démontre que les produits dopants ne se résument pas à la liste des substances interdites du Comité olympique international (CIO) ou d’une autre organisation, telles que l’ÉPO ou l’hormone de croissance, mais qu’il existe également un dopage dit « intelligent » ou « scientifique » qui utilise des substances ou des médicaments qui ne figurent pas dans ces listes. Des produits qui, utilisés en dehors de leur cadre thérapeutique, permettent d’influer sur le déroulement des compétitions sportives en améliorant les performances ». (Le Monde, 16/12/2005)
Ce type de substances s’apparente à des produits « borderline ». Ils sont utilisés comme des dopants pour « soigner la performance » mais ne sont pas interdits et donc recherchés. Tout bénéfice : on est plus compétitif et négatif aux contrôles !
Le 14 décembre 2005, la Cour d’appel de Turin relaxe le médecin sans remettre en cause les conclusions des experts sur les manipulations sanguines des joueurs de la Juve. Elle a simplement précisé que ni l’usage de médicaments ni l’administration d’ÉPO n’étaient considérés comme un délit au regard de la loi sur la fraude sportive en vigueur en Italie au moment des faits. La loi 401 de 1989, qui s’appliquait entre 1994 et 1998, ne visait pas les pratiques dopantes. Depuis 2000, l’Italie s’est dotée d’une législation antidopage qui prévoit des sanctions pénales.
Le dernier épisode des relations entre Blanchard (surnommé ainsi par son ami Marcel Desailly) et les breuvages magiques remonte à une interview devant les caméras de France 3 pour l’émission « Pièces à conviction » : « Dopage – les briseurs de rêve », diffusée le 22 septembre 2006. On y voit Didier Deschamps, questionné sur le sujet qui fâche, refusant d’y répondre malgré l’insistance du journaliste. Il y a quelques années, j’avais établi le portrait-robot du tricheur biologique.
Dans le comportement de ce dernier, j’avais distingué parmi l’ensemble de ses signes distinctifs, une attitude qui dénotait le fraudeur pathologique : elle consistait à refuser systématiquement d’aborder le sujet (« pour ne pas salir le sport ») ou encore de renvoyer son interlocuteur aux résultats de ses tests (« tous mes contrôles sont négatifs, cela prouve bien que je ne suis pas un dopé »). A chaque fois qu’on vous sert ce type d’argument, méfiance ! » (Sport et Vie, 2002, n° 70, janvier-février, p 61) D’ailleurs Zinédine Zidane, le soutien n°1 de Deschamps pour être le prochain coach des Bleus, a un discours aussi abrupte que son ami : « Je ne vois pas un sportif vouloir se doper… C’est ainsi, je suis peut-être naïf, en tout cas je ne veux plus en parler ! » (L’Équipe, 02/09/1998).
Au final, on aimerait que la commission éthique de la Fédération française de football (FFF) reçoive chaque candidat sélectionneur et donne son avis avant la décision finale du président de la FFF. Car aujourd’hui, la carence du contrôle antidopage et paradoxalement la multiplicité des affaires de dopage mises en lumière par la police, démontrent que les suspects dans leur discours et leur comportement ne peuvent plus s’abriter derrière « la présomption d’innocence » mais compte tenu que la triche est aujourd’hui consubstantielle au sport de haut niveau, doivent, au contraire, subir la « suspicion légitime ».
Or, au plan éthique, Didier Deschamps [2]est loin d’être convaincant même s’il nous sert avec conviction le refrain éculé mille fois entendu : « Le dopage, c’est contre ma nature. Je ne suis pas là pour me bousiller la santé ». (Agence France-Presse, 27/09/2002)
A lire ou relire sur Bakchich.info
[1] La liste de soutien à « Passe-Partout » Deschamps pour succéder au « Boucher » Domenech, s’allonge. Ils sont déjà sept : Christophe Dugarry (« Werner »), Christian Karambeu (« Le cheval fou »), Franck Leboeuf (« The Beef »), Bixente Lizarazu (« Liza »), Emmanuel Petit (« Manu »), Robert Pires (« Danette ») et Zinedine Zidane (« Zizou »). A noter que tous faisaient partie de l’équipe de France Championne du monde 1998
[2] Le quotidien Le Monde qui fait de l’éthique tous azimuts son cheval de bataille, avait comme consultant pendant l’Euro 2008… « Passe-Partout »
’JPDM’ (Jean Pierre De Mondenard) on pourrait dire alias Docteur Justice ?, est une icone en France depuis la fin des années 70, à l’époque ou les jeunes passionnés de cyclisme, en pleine affaire ’Thévenet-Cortico-Bellocq’, ont découvert ce toubib intègre, à la plume vitriolique envers ce monde du sport corrompu. Nul doute qu’en face des préparateurs miracles et partisants du ’rééquilibrage hormonal’ des Ferrari Sainz Conconi Bellocq etc, le personnage JPDM pesait énormément à nos yeux, et aux yeux des quelques de % sportifs pro intègres. Perso je continue à le soutenir.
Par contre pour diriger l’entrainement d’un club de foot pro, il faut un autre type de personnage, un homme qui sage ’nager’ en eaux troubles, ancien champion pourquoi pas ? tèqueu-ni-cien et taqueu-ti-cien. Je trouve PassPartout à sa place à l’OM. Dans ce club il y a eu Georges Gacon, autre icone à nos yeux, comme préparateur avant qu’il ne migre rapidement à Nantes ?… A mon sens, on ne doit pas nommer une oie blanche à la tête d’un club de foot pro ambitieux, ni même en rôle d’entraineur.