L’équipe de France de football a fait suer ses supporters, lors de son premier match de l’Euro 2008 contre la Roumanie. Mais ses joueurs qui ont transpiré (pas assez apparemment) dénoncent la chaleur qui rêgnait ce jour là à Zurich.
Une fois de plus, la France rate son entrée dans une grande compétition internationale et, à chaque fois, la chaleur est mise en cause…
En 1982, lors du Mondial espagnol, le 16 juin, le Onze tricolore est étrillé (3-1) par les Anglais. Il fait près de 40° à l’ombre.
En 2002, en Corée, lors du match d’ouverture, la France perd 0-1 contre le Sénégal ; le degré hygrométrique (l’humidité) culmine à 82% !
En 2006, en Allemagne, les hommes de Raymond Domenech entrent dans la compétition en faisant match nul avec la Suisse. Là aussi, la responsabilité de la chaleur est invoquée.
Et donc, lundi dernier contre la Roumanie à Zurich, les hommes en bleu mettent en cause les excès du thermomètre qui les ont liquéfiés.
Après s’être préparés dans le froid de Tignes puis le gris de Vevey, ils annoncent avoir été surpris par les 25 degrés de l’enceinte zurichoise. Car ils sont unanimes à évoquer les premières chaleurs helvétiques. Confirmation de Grégory Coupet (le gardien de but) : « Après, les premières chaleurs sont arrivées alors que nous, on a été habitué à la pluie. On s’est entraîné toute la semaine en dessous de 11 degrés, là il en faisait 25 ! Il fallait gérer cet élément ». Le défenseur Willy Sagnol, l’un de ceux qui semble-t-il a le plus souffert de cette envolée subite du mercure, plusieurs fois pendant la partie s’est réhydraté auprès du banc tricolore. Il estime que ces conditions lui ont été défavorables : « En première période, avec la température beaucoup plus élevée par rapport à ce qu’on avait eu ces dernières semaines, ce n’était pas facile. On a eu un peu la pompe au bout de quelques minutes. On a retrouvé des forces en seconde période et il faudra s’en inspirer face aux Pays-Bas ».
Rappelons qu’en 1982, l’équipe de Michel Platini s’était préparée à Font-Romeu. Pendant les vingt-trois jours de stage, ils s’étaient adaptés au froid. La température variait entre moins 4 degrés la nuit et plus de 13 degrés le jour. Alors qu’en Espagne, à Bilbao, il faisait au moins vingt degrés de plus ! Depuis 1998 et les compétitions suivantes, Mondial et Euro, l’équipe de France se prépare à Tignes, en altitude, à une époque où la température est le plus souvent basse alors que le match initial du tournoi va se jouer sous quinze degrés de plus. On peut alors se poser la question. Y-a-t-il un pilote à la tête du staff du Onze tricolore ?
La lutte contre la chaleur n’est pas quelque chose qui s’improvise. Cela se prépare. Le corps est comme un moteur : plus il consomme d’énergie, plus il s’échauffe. Le sucre et les graisses, en se dégradant pour former le carburant du muscle, libèrent de la chaleur. La production de cinquante calories suffit pour augmenter la température du corps d’environ un degré. Pour un effort de quatre-vingt-dix minutes, un footballeur consomme à peu près 1 100 calories. Dans ce cas, s’il n’existait aucun moyen de refroidissement, la température corporelle passerait de 37 à 59 degrés. En même temps, en restant au soleil, les joueurs emmagasinent la chaleur des rayons solaires qui pénètrent en profondeur. Pour éviter la surchauffe, il faut évacuer les degrés superflus, principalement par la transpiration.
Il faut donc beaucoup boire. La sudation joue un rôle très important dans toutes les activités musculaires intenses et prolongées comme le football. Les deux millions de glandes sudoripares « pompent » l’eau chaude du corps et la projettent sur la peau. Son évaporation provoque un refroidissement. Dans une activité intense, un sportif peut ainsi perdre plus de deux litres par heure. Cela a été le cas des joueurs lancés dans l’enceinte zurichoise. Des chercheurs scandinaves ont démontré que plus un organisme perd d’eau, plus sa capacité physique diminue. Un joueur de soixante-dix kilos qui libère un litre de sueur perd 20 % de son potentiel. Ce même joueur qui perd 2 800 grammes d’eau alors que la température ambiante est de 18 degrés perd 40 % de ses capacités. Si la température atmosphérique est de 41 degrés, ce sportif voit s’envoler 61 % de sa « force ». Mais, à Zurich, Français et Roumains s’affrontaient dans la même fournaise, dans des conditions égales pour tous.
La différence ? Outre l’écart purement sportif qui aurait pu intervenir entre les deux équipes, c’est que les Français n’étaient absolument pas préparés à jouer sous la chaleur. Pendant les six jours de stage à Tignes (25 au 30 mai), ils se sont adaptés… au froid. Pendant le séjour de l’équipe de France, la température a varié entre : au-dessous de 0 la nuit et moins de 10 degrés le jour (le plus souvent dans la journée elle restait bloquée entre 3 et 5 degrés). En Suisse, lors de Roumanie-France, il a fait au moins quinze degrés plus chaud.
Au lieu de s’adapter à l’altitude, dans le but d’améliorer les performances dès que l’on retourne au niveau de la mer, les Français auraient mieux fait de se préparer en un lieu aux conditions thermiques équivalentes à celles de Zurich le 9 juin. D’autant que le bienfait de l’entraînement en altitude est contesté par des physiologistes comme David El Costill qui écrit : « L’entraînement en altitude n’améliore pas les performances réalisées au niveau de la mer par des individus initialement bien entraînés. »
Selon les individus, l’adaptation à l’effort en pleine chaleur demande un délai de huit à quatorze jours. Le match France-Roumanie n’a eu lieu que dix jours après l’arrivée des Français en Suisse. Là, enfin, ils ont pu s’entraîner aux heures les plus chaudes de la journée. L’amélioration de la tolérance à la chaleur se traduit alors par un abaissement de la température corporelle, une transpiration plus précoce et mieux répartie dans le temps, une irrigation cutanée plus faible laissant plus de sang disponible pour les muscles. Au total, tout cela donne une bonne capacité de travail à la chaleur. Vendredi, contre les Pays-Bas, après quinze jours passés dans le pays organisateur, les vingt-trois Français devront s’être adaptés aux conditions thermiques. S’ils sont « cuits », le soleil n’aura plus rien à voir dans l’affaire.