Miséricorde ! Les députés sont les premiers à faire les frais de la loi sur la sécurité intérieure (LOPPSI) votée mardi. Un filtrage internet en interne les prive d’accès aux sites pornographiques. Avec quelques ratés…
L’Assemblée nationale est un étrange laboratoire. Un fusillé pour l’exemple, aurait-on dit en période de guerre. Car le filtrage des sites Internet à caractère pédopornographique, voté mardi dans le cadre de la Loppsi (loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure), les députés y sont déjà soumis dans leurs bureaux parisiens depuis le début de l’année.
« Mme et MM. les Questeurs ont décidé de mettre en place un mécanisme de filtrage des sites Internet illicites et controversés à compter du 20 janvier 2010 », explique une missive de l’administration du Palais-Bourbon, adressée à nos bons députés. Mécanisme qui « vise à empêcher toute connexion aux sites pornographiques, pédophiles, ainsi qu’à des sites susceptibles de propager certains virus. » Diable ! Le ver de la perversion serait dans le fruit du Palais-Bourbon. Interdit donc aux députés de consulter des sites pornos avant les questions au gouvernement ou après une séance de nuit dans l’hémicycle. D’autant qu’« une trace de ces connexions est conservée pendant 24 heures », conclut la note.
Et pour cause. Une fine lame de l’Assemblée assure « qu’il y avait beaucoup de trafic sur ces sites ». Que « cette mesure touche également les employés de la maison ». Contactés, les services de l’Assemblée nationale font mine de découvrir le lièvre. « Contactez le service presse », répondent-ils en chœur, gênés. Surtout que le dispositif en question est loin de prouver son entière efficacité. Ainsi que nous l’avons testé dans les locaux mêmes des députés, au 101 rue de l’Université, quelques clics suffisent à vous lover dans les bras de la maudite Aphrodite. Les sites annuaireporno.com ou qualisexe.com échappent, par exemple, à la censure.
D’autres n’ont pas cette chance. Le site de la Semaine anticoloniale a été bloqué et classé dans la catégorie « malware » (malveillant en anglais), réservée aux pages Web susceptibles de contenir un virus informatique. Ou politique, à regarder de plus près son contenu, qui prône, entre autres, « la suppression du ministère de l’Identité nationale ». En revanche, les députés peuvent surfer à loisir sur des sites fascisants, antisémites ou islamophobes…
« La black-list est gérée par un prestataire dans le cadre d’un marché », confie une source en interne. À la suite d’un appel d’offres, un audit du système d’information et du développement informatique de l’Assemblée avait été engagé en décembre 2008. Ernst & Young avait été choisi. Dans la présentation de ses conclusions en avril 2009, le cabinet anglais estimait que les « demandes [des députés] portent avant tout sur la mobilité et l’accès à distance ». Les voilà servis.
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