Le porno prend du relief. Ou comment Marc Dorcel va tenter de faire la nique à James Cameron. Avadard ?
En face de moi, la sublime Natasha. Peau mat, bouche pulpeuse, regard de braise, elle se trémousse et sirote une coupette de champagne. Natasha m’interpelle, puis commence un strip-tease impromptu. En quelques secondes, sans me quitter des yeux, elle fait glisser sa pourtant ravissante robe noire, se débarrasse du méchant soutien-gorge qui comprimait sa poitrine XXL et - un coup de chaud, sûrement - enlève sa culotte en dentelles qu’elle laisse glisser le long de son interminable jambe qu’elle me tend VRAIMENT sous le nez.
Keskisepass ? Je n’ai pas (encore) bu, j’assiste, en tant que reporter de terrain de Bakchich, à une séance de démonstration de porno en relief. Oui, c’est possible ! Cette jambe qui sort littéralement de l’écran de télé, c’est ce que l’on appelle un « effet de jaillissement ». C’est absolument bluffant et vous imaginez un peu ce que les petits malins de chez Marc Dorcel vont pouvoir faire avec cette nouvelle technologie ! Car oui, bravant tous les dangers, je suis dans les locaux parisiens de Marc Dorcel, le pape du porno chic qui doit son succès à des centaines de films kitsch et soignés (100 000 € de budget par film, contre 5 000 € en moyenne pour une production française actuelle), avec au programme belles nanas, dentelles affriolantes et vieux châteaux. Rien à voir avec le X amateur, le gonzo ou le porno sur le Net que l’on consomme en tranche de trois minutes sur YouPorn et qui est en train de tuer tous les producteurs de X.
Si Marc Dorcel revendique le haut de gamme old school, il est également le champion de l’innovation technologique. En 1979, Dorcel est le premier à tourner directement en vidéo, puis le premier à sortir des DVD, il innove avec la VOD dès 2001, bien avant l’arrivée du haut débit, et maintenant s’envoie en l’air avec le porno en 3D. « C’est dans notre ADN de chatouiller la technologie, confie Grégory, héritier de l’empire du X. Nous avons décidé de foncer avec une technologie 3D artisanale, bricolée avec deux caméras qui filment en « side by side » grâce à un système de miroirs. Nous nous sommes vite aperçus que la 3D changeait quelque chose de fondamental : le public n’est plus seulement spectateur, il est acteur.
La narration doit changer, il a donc fallu travailler un peu plus comme avec les jeux vidéos et nos films ressemblent aux divertissements 3D des parcs d’attractions. Nos films en relief sont des moyens-métrages d’une durée entre 20 et 30 minutes. Nous ne racontons pas une histoire, nous faisons vivre une expérience immersive et interactive. Le spectateur choisit le lieu de l’expérience - un club, un bar, un secrétariat, une infirmerie… – et les protagonistes : sa star préférée, une belle blonde, l’infirmière pulpeuse… » De petits sketchs donc, pas du Bergman, ni même du Michael Ninn, mais avec un confort visuel ahurissant et sans mal de crâne.
Les Dorcel ne sortiront pas de Blu Ray ni de DVD, trop chers pour l’instant, les « films » seront proposés en VOD, donc dématérialisés. Dès la fin juillet, le spectateur pourra s’abonner à un forfait d’à peu 30€ par mois sur marcdorcel.com ou avec les différentes Box (Free, Orange, Neuf…) et pourra choisir sur sa télé parmi la centaine de films déjà produits et tournés par Dorcel.
Pourtant, la partie semble néanmoins loin d’être gagné, vu le faible nombre de télé en relief sur le marché (entre 2 et 2500 € la bête, et quasiment aucun programme en 3D, ça calme) et la contrainte de regarder la télé avec des lunettes spéciales visées sur le nez (120 € la paire). Alors, prêt pour le suicide commercial, Greg ? « On va se prendre une grosse banane sur le plan financier (il se marre). Mais ce qui est sûr, c’est que le relief à la télé ne décollera que s’il y a une véritable offre Sport et une offre Adulte. Nous relevons le défi, prenons des risques et nous allons essayer de donner à rêver. » Natasha, à ce soir !
A déguster aussi sur papier dans Bakchich Hebdo 33, en kiosque depuis samedi