L’enquête sur l’affaire de la fraude fiscale en Allemagne ne cesse de provoquer des remous Outre-Rhin mais aussi dans les paradis fiscaux nichés au cœur de l’Europe.
L’affaire des comptes du Liechtenstein, aussi baptisée « affaire Henry », du nom de l’indicateur qui aurait vendu la liste de 1 400 fraudeurs fiscaux dont 600 de nationalité allemande, n’est pas qu’une affaire de gros sous. Elle sert aussi de révélateur du malaise social qui se propage Outre-Rhin, attisé par les licenciements massifs annoncés chez Siemens, General Motors, Nokia et BMW. Très remontés, les syndicats allemands en sont à appeler à des grèves renouvelables pour des augmentations de salaire de 200 euros… Dans ce contexte, le sentiment d’injustice sociale qui plane en Allemagne contribue à alimenter l’intérêt du public pour l’affaire du Liechtenstein. Et les petits contribuables d’aller de haut le cœur en haut le cœur découvrant, par exemple, que l’ex-patron de la Poste, Klaus Zumwinkel, l’un des premiers à s’être fait prendre les doigts, jouit d’une retraite dorée équivalente à 20 millions d’euros…
Du coup, la chancelière, Angela Merkel, se fait du mauvais sang pour la crédibilité de sa grande coalition gouvernementale. Déjà les signaux électoraux ont viré au rouge : lors des élections locales en cours dans les différents Länder, comme dans celui de Hambourg le 24 février 2008, on observe une poussée significative du parti radical de gauche Die Linke qui rassemble des anciens communistes et des renégats du parti des sociaux démocrates… Pas bling bling pour un sous, Merkel, fille de pasteur pour qui luxe rime avec mauvais goût, est montée dare-dare au créneau pour, pêle-mêle, fustiger l’évasion fiscale, appeler aux bienfaits de la moralité et de la responsabilité civique.
Au passage, la chancelière en a profité pour lancer une croisade contre les paradis fiscaux nichés au cœur de l’Europe. Par l’intermédiaire de son ministre des Finances, Peer Steinbrück, elle a prévenu que les tricheurs ne trouveraient plus asile fiscal de Monaco aux Iles Caïmans, en passant bien sûr par la Suisse.
Le message a visiblement été reçu cinq sur cinq puisque les régents de ces paradis fiscaux se sont empressés de demander audience à Angela Merkel : les pauvres doivent faire face à un début de jacquerie de leurs banquiers et autres notables.
Le scandale des fraudes fiscales est une affaire juteuse pour le fisc allemand. Le parquet de la ville de Bochum a indiqué qu’un pactole de 24,8 millions d’euros avait déjà été récupéré. On sait aussi que plus de 200 millions d’euros ont été transférés sur les comptes secrets de la LGT, la banque qui appartient à la famille princière du Liechtenstein par les fraudeurs et leurs aides banquiers. Par contre, des places financières plus exotiques comme Dubaï ou Singapour ont, semble-t-il, profité ces derniers jours d’un tout nouveau flux d’argent sauvé à temps par des financiers alertes
Ainsi, en Suisse, le banquier genevois Pierre Mirabaud compare les méthodes allemandes à « celles de la Gestapo » et l’éditeur zürichois Roger Köppel fustige la « fatwa allemande contre les riches et bien nantis ». Rien que ça… De leur côté, les banques suisses menacent carrément de renvoyer chez eux les quelques 20 000 ressortissants allemands travaillant dans la confédération hélvétique pour éviter les « espions et autres taupes allemandes ! »
Si, comme l’affirme ce fonctionnaire,« l’Allemagne continuera à offrir ses renseignements à ceux qui veulent en profiter », un plan européen contre l’évasion fiscale n’est pourtant pas prêt de voir le jour. Même si après leur réunion du 4 mars 2008, les ministres européens de l’Economie et des Finances se sont mis d’accord sur un réexamen de la directive de 2005, talon d’Achille de l’Union européenne dans ce domaine. Et Berlin de se tourner avec aigreur du côté de la France de Nicolas Sarkozy, accusé de préférer le Tchad à L’Allemagne ou encore d’enjoindre Christine Lagarde à le suivre dans l’Allier plutôt que de l’envoyer s’entretenir avec son homologue allemand. Les paradis fiscaux européens ont encore de beaux jours devant eux…
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