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Le Houellebecq dans l’eau

Lis tes ratures / dimanche 26 septembre 2010 par Jacques-Marie Bourget
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Capable du meilleur, l’auteur d’Extension du domaine de la lutte se contente désormais du pire. Il sait que la critique va l’encenser, les lecteurs le glorifier, et s’en amuse en nous prenant pour des billes. Merci, Michel !

À l’époque où Houellebecq n’était qu’un auteur de bouche-à-oreille, j’avais été épaté par ses Particules élémentaires, puis son Extension du domaine de la lutte. Elles contenaient toute l’étroitesse de notre nouveau monde gris, celui de petites gens égoïstes ne pensant qu’à leur petit espace, leur petite liberté, leur petit air vert et pur. C’était comme du Kafka revu par Ikea, un Meilleur des mondes minimaliste, sans prétention de déchiffrer toute l’humanité. Le monde tel qu’il est, quoi. Nous sommes des fourmis, et Houellebecq est un La Fontaine désespéré qui nous regarde nous dévorer.

Supercherie

Avec le succès, des idées d’épicier ont germé dans le si malin cerveau de Houellebecq. Il a compris que, tenant le filon du cynisme total, de l’amoralité militante, on maîtrise le profit et on l’empoche en proclamant que ce qu’il y a de pire est vraiment ce qu’il y a de mieux. Dans un souci de stratégie marketing, il s’est mis à écrire des bouquins à la carte, avec des provocations programmées par ordinateur. Il affirme « ma mère est morte », alors qu’elle est vivante et conchie ce fils indigne. Il crie hourra ! quand une Palestinienne enceinte meurt sous un obus israélien. Il s’allie, le temps d’un livre qui fait un flop, avec BHL, le dénominateur commun du lieu commun. Houellebecq est parfait. Un gendre idéal pour Josyane Savigneau, la maîtresse d’école qui gère le coin dans les pages « Livres » du Monde.

Mais Michel a commencé de lasser. Annoncer chaque année « le nouveau Céline » pour ne lire que du Paul Bourget est à la longue décevant. Je viens d’acheter son dernier livre, la Carte et le territoire, dans une librairie formidable, La Friche, rue Léon-Frot, dans le XIe arrondissement de Paris. L’achat sincère d’un lecteur décidé à juger honnêtement de la qualité d’un livre. Je ne suis pas déçu. L’acquisition de l’opus me permet de déjouer une supercherie. Avec ce bouquin, Houellebecq se fout méticuleusement du monde, de son éditeur, des critiques, des lecteurs. Et réussit un coup littéraire aussi drôle que celui de Romain Gary signant « Émile Ajar ».

Dessin de Pakman - JPG - 32.6 ko
Dessin de Pakman

Le vrai roman de Houellebecq, d’un vrai talent, commence à la page 9, pour s’achever dix pages plus loin. La Carte et le territoire, c’est donc dix pages de littérature à 20 euros. Pas plus cher que l’entrée des galeries Pinault, à Venise, pour y voir des ampoules électriques jetées à terre.

Théories à la noix

Après, à partir de la page 20, Michel se paye vraiment notre tête. Se met à écrire un pastiche. Avec une amourette, celle entre un peintre et une Russe aux jambes forcément « longues et fines », un mélange de Marc Levy et de Gérard de Villiers. Comme l’auteur de SAS, il entrelarde son demi-mille feuilles de pubs pour Audi, Mercedes, Samsung, Toyota. Jusqu’à recopier les modes d’emploi.

Dans l’histoire des livres, celui-ci marquera l’exploit d’un écrivain capable de talent, mais aussi de produire 418 pages sans un poil de littérature. Même Alain Robbe- Grillet, ingénieur agronome lui aussi, n’avait pas osé ce que Michel Houellebecq ose. L’avantage de la Carte et le territoire sur les Gommes est réel. Volontairement écrit comme un roman de gare, le premier peut se lire dans le métro sans faire mal à la tête. Mieux, en livrant ses pages sans aucun bonheur d’écriture, Houellebecq est bon pour le Goncourt, qui ne manquera pas, enfin, de lui être bienveillant.

Recette. Vous prenez le Wikipédia des théories à la noix en architecture et en peinture, vous ajoutez une pile de notices de divers véhicules ou appareils domestiques, vous faites la tare avec le Guide Michelin et un plan de Paris : le livre est fait. Reste à ajouter un Jean-Pierre Pernaut gay, un Patrick Le Lay pochtron et un Frédéric Beigbeder tel qu’il est. Puis à imprimer le tout et, pas difficile, à convaincre David Pujadas qu’il est en présence d’un chef-d’oeuvre. Dans le territoire de l’imposture, Michel Houellebecq vient de nous faire son plus beau tour de cartes. Lisez-le, avec ce décryptage c’est rigolo.

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La Carte et le territoire, par Michel Houellebecq, éd. Flammarion, 428 pages, 20 euros.

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9 MESSAGES
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Forum

  • Oeuf de Colomb, boeuf
    le mardi 23 novembre 2010 à 19:53, Valentini a dit :

    (aux chasseurs d’autruches qui trempent leurs propres plumes dans du goudron)

    Je n’ai pas d’opinions sur les hypermarchés, s’ils sont le ventre mou de sociétés à chier, les panzer-divisions du crédit revolving, néo-roman du docteur Pong et mister Ping ! Arrêtons d’éditer d’aussi tristes aveux, une bonne idée est d’y foutre le feu.

  • Le Houellebecq dans l’eau
    le jeudi 7 octobre 2010 à 14:02, Serge ULESKI a dit :

    Houellebecq : le Forrest Gump de la littérature


    Si "au commencement était le Verbe"…

    Dans ses deux premiers titres - Extension du domaine de la lutte et Les particules élémentaires -, qu’est-ce que nous disait Michel Houellebecq (si d’aventure cet auteur tentait de nous dire quelque chose) ?

    Ce chérubin semblait vouloir nous dire, avant de s’en désoler, qu’il vaut mieux être riche et beau (et puis, jeune aussi) quand on veut tirer (1) de belles nanas, que pauvre et laid.

    Cette affirmation qui ne souffrira aucune contestation ferait donc de Houellebecq un grand écrivain doublé d’un grand moraliste.

    Car, si Houellebecq avait été riche et beau à une époque où il ne l’était pas, il aurait bien évidemment et très certainement cherché à séduire des filles pauvres et laides…

    C’est donc ça ?

    1- Tirer des nanas : oui parce que… Houellebecq, les nanas, il voulait les tirer, c’est tout. Et elles ne s’y sont pas trompées bien sûr ! Elles qui ne supportent pas, lorsqu’elles en ont besoin, qu’on leur dise qu’elles en ont envie et vice versa. Mais ça………………. Houellebecq l’ignorait.

    Alors maintenant, à quand un auteur mais… de génie celui-là, qui nous expliquera, contre toute attente, combien il est préférable d’être issu d’une catégorie sociale dite "privilégiée" plutôt que d’appartenir à une catégorie sociale dite "défavorisée" ? (défavorisée ????? Qualificatif outrageusement euphémisant quand on constate l’ampleur des dégâts sur cette classe) quand on veut, non seulement séduire de belles nanas, mais aussi et surtout, se faire une place au soleil…

    A quand cet auteur de génie ? Parce que… bon… on s’impatiente là !

    ***

    Plus tard, avec un titre comme Plateforme, et dernièrement avec "La Possibilité d’une île" et "La carte et le territoire", il semblerait que Houellebecq ait souhaité élargir quelque peu son champ de vision et qu’il se soit décidé à nous donner des nouvelles du monde.

    Si Houellebecq connaît réellement notre monde contemporain en général, et l’Art en particulier (2), et si on oublie un moment une inspiration souvent absente ou poussive, force est de constater que les informations de l’auteur à ce sujet semblent avoir pour sources principales, sinon unique, le journal de 20H (TF1 ou France 2, c’est au choix), les émissions de Delarue, Envoyé Spécial pour s’être attardé devant son écran (somnolant ?), et maintenant qu’il est en Espagne : TV5 ; ce qui, tout le monde en conviendra, n’arrangera rien, bien évidemment.

    2 - Houellebecq est un auteur très vague ! Aussi, gare au mal de mer !Tout comme il a une vague idée de la science fiction et des sectes dans "La possibilité d’une île", dans son dernier titre Houellebecq a juste une vague, très vague idée du fait que l’art contemporain, 9 fois sur 10, c’est une plaisanterie ; mais il ignore le plus important : c’est une plaisanterie de la part de gens (artistes mon oeil !)très sérieux qui se préoccupent de tout et qui ne plaisantent avec rien ; ce qui aggrave sensiblement leur cas à tous (rien à voir donc avec Marcel Duchamp).

    Car… Houellebecq ne peut que bâcler les sujets qu’il croit traiter - et manifestement cela ne gêne pas grand monde puisque dans le milieu littéraire, tout le monde triche et bâcle : auteurs et critiques. Qui s’en plaindra ? Sûrement pas les lecteurs, nous affirme-t-on.

    ***

    Mais alors…

    A prendre ou à laisser Houellebecq ? Un Houellebecq qui est à l’écrit ce que Mylène Farmer est à la musique et à la danse (on me dit que tous les deux partagent le même fans-club !)…

    Au diable la culpabilité !

    Vraiment ! Sans regret et sans remords, on doit pouvoir laisser Houellebecq ainsi que les fossoyeurs de la littérature qui l’ont promu au rang d’auteur qu’il faut avoir lu sous peine d’être frappé d’inconséquence ou de nullité, là où ils ne seront jamais, à savoir : dans un lieu qui ressemble fort à un avenir car, il y a des auteurs qui savent voir loin et acheminer l’attention de leurs lecteurs plus loin encore, et surtout, là où personne ne peut décemment souhaiter être mené : à tous les drames et à toutes les tragédies, nous tous glacés d’effroi, face au pire.

    En revanche - et on l’aura compris -, Houellebecq ne nous mènera guère plus loin que dans sa salle de bains qu’il ne fréquente que rarement, pour une douche qu’il ne se résoudra jamais à prendre en gosse mal léché, difficile et laborieux quant à l’acquisition des apprentissages de la petite enfance… et sur son pot aussi, lieu de toutes les rétentions, en pré-ado attardé…

    Et ce, alors que le monde d’aujourd’hui et de demain a et aura besoin de titans !

    Car, il faut le savoir : un auteur digne de ce nom, un auteur qui se respecte, se doit d’être sale à l’intérieur mais… impeccablement mis à l’extérieur, un auteur au linge irréprochable ; et à ça, Houellebecq ne s’y résoudra jamais !

  • Le Houellebecq dans l’eau
    le mardi 28 septembre 2010 à 17:03
    Je me permets juste de signaler que "l’extension du domaine de la lutte" est paru quelques annees avant les "particules elementaires". Comme ce sont les deux seuls romans de MH que j’ai lu, je trouve que c’est un excellent auteur. Il ya aussi "rester vivant", excellent, mais c’est un recueil de textes.
  • Le Houellebecq dans l’eau
    le lundi 27 septembre 2010 à 18:26, Caroline a dit :
    Merci de d’apporter un ton simplement juste à ce livre. Tout y est tellement convenu, taper sur les journalistes est tellement à la mode, comme raconter certaines petitesses du monde de l’art aujourd’hui que ce livre est d’une banalité affligeante. Enfin au chapitre III on se réveille avec un meurtre, seule ficelle trouvée pour que le lecteur ne lâche pas définitivement le livre… malheur ! Un débutant de thriller aurait fait mieux. Le meurtre n’a aucun sens. Bref on bâcle vite les dernières pages pour en finir. Et heureusement que Houellebecq nous parle un peu de Philippe Muray dont il doit sans doute toute son inspiration, car depuis que ce dernier a disparu, l’écrivain est tombé dans un grand vide…
  • Le Houellebecq dans l’eau
    le dimanche 26 septembre 2010 à 18:11, David Mersan a dit :

    Merci Monsieur le critique littéraire de Bakchich vous me sauvez ma rentrée littéraire. J’ai lu "la carte et le territoire" et je pense exactement comme vous. Ce livre est une arnaque, un non-livre. Houellebecq se moque de tout le monde, il a écrit un pastiche, c’est un livre d’étudiant qui ne lui a demandé aucun effort.

    Sur un ton léger et badin il rit sans faire rire les autres et rend un roman pour honorer un contrat. C’est un livre bâclé pas inspiré pour un sou, très en dessous de ses deux premiers livres.

    Bravo de dire les choses sans copinage ni flattage houellebecq. Vous êtes un critique libre, sans doute un des derniers sur la marché.

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