Passer du privé au public et inversement : l’art du pantouflage maîtrisé à merveille par Stéphane Richard, actuel directeur de cabinet de Christine Lagarde et futur patron de France Télécom.
Longtemps, la pratique a ému le bas peuple. Le passage de haut fonctionnaire, tout dévoué à la puissance publique, vers l’apparat et les joies du privé. Une diablerie nommée pantouflage et qui a permis à nombre d’ambitieux de mettre leurs carnets d’adresses et leurs compétences glanées dans l’appareil ou les grandes écoles de l’Etat au service d’intérêts bassement particuliers. Les ingrats ! Quelques lois ont bien tenté de mettre le hola, sans trop être respectées. Voire pas du tout. Loi trop dure sans doute qui interdisait durant cinq ans, sauf dérogations, à un agent de l’Etat de se reconvertir dans une entreprise avec laquelle il eut à traiter. Sains d’esprit, les parlementaires ont voté le 2 février dernier une réduction de peine, le délai est réduit à trois ans. Mais gare aux fautifs, 30 000 euros d’amende et deux ans d’emprisonnement pour leur poire.
Heureusement, nul dans le gouvernement du bien-aimé président Sarkozy n’aura, ne serait-ce que la tentation, de pantoufler. Et pour cause, le malin Nicolas a pioché dans le privé pour entourer ses petits ministres. Voire a même ramené dans le sillage du service de l’Etat, de vilains pantoufleurs de jeunesse.
En voilà une belle rupture, n’en déplaise aux gauchistes gloseurs : le rétro-pantouflage. L’immense président Nicolas a su redonner le goût de l’Etat aux brebis égarées dans le privé. Bel exemple de ce mouton perdu et enfin retrouvé par le Berger présidentiel, le sémillant Stéphane Richard. Du haut de ses diplômes d’Enarque-Hec, le bonhomme s’est trouvé propulsé par l’Elysée, directeur de cabinet du ministre de l’Économie, des Finances, de l’Emploi, de Jean-Louis Borloo. Là où Sarko l’a imposé et où il aurait depuis longtemps du étendre ses compétences d’inspecteur des finances.
Et qui sait, son passage au privé lui permettra sans doute de gérer au mieux de difficiles arbitrages économiques. Car l’homme connaît bon nombre de dossiers, tant il a eu à gérer dans sa riche carrière de vilain petit privé, de grosses boîtes.
En premier lieu Veolia Transport, l’ancienne Connex, dont il est toujours aux dernières nouvelles président directeur général et administrateur. Sans doute pas eu le temps, encore, de procéder à des régularisations bassement administratives.
Mais gare Stéphane, des malandrins pourraient y voir un mélange des genres. Plus mesquin, une collusion incestueuse entre milieux patronaux et sarkozystes. Ridicule sans doute, quand on connaît l’entrain mis par Veolia transport et son patron Bernard Stéphane à reprendre la SNCM, en proie à un violent conflit, en 2005. Déjà alors, le bon girondin sauva des eaux, pour la France, une « société nationale ». L’envie de servir son pays le titillait déjà. Comme l’envie de rendre plus mobiles ses concitoyens. Son (ancien ?) groupe gère les transports en commun de « Bordeaux, Toulon, Nice, Dunkerque, Rouen et Saint-Etienne », participe au Fret ferroviaire etc…
Las pour les mauvaises langues, les transports ne sont pas du domaine du ministère des Finances, mais, grâce à la clairvoyance du Président, rattachés à l’Ecologie du très vert Alain Juppé. Attention tout de même aux discussions du conseil des Ministres.
Mais gare, encore une fois, le terrain est miné pour le bon Stéphane. Ses multiples activités ne se sont pas cantonnées aux Transports. Et le garçon, auto-proclamé « Sarkozyste de gauche », n’a pas su se refreiner. A fouiller les registres du tribunal du commerce, son nom apparaît à maintes reprises.
A six reprises comme gérant notamment, dans des domaines allant du tourisme à l’immobilier. A trois reprises comme président ou directeur général, de Veolia transport donc, mais aussi de la Compagnie générale française de transports et d’entreprises (Président) et de GFS Global Financial Services (Vice président), « sélection et présentation d’actifs financiers et immobiliers créé par des sociétés (…) auprès d’investisseurs institutionnels et qualifiés », à en croire l’activité de la société. Homme sans doute de bon conseil, le nouveau dircab’ de Borloo se retrouve même en tant qu’administrateur de sociétés aussi diverses que Veolia Transport, le géant de la gestion immobilière Nexity, VE Airport (Transport), France Telecom etc…Et cerise sur le gâteau, actionnaire (et Business Angel) de « la Chose », de la toute nouvelle agence de communication pluri-media. Autant d’activités et de jetons de présence sonnants et trébuchants auxquels il devra renoncer pour un simple pécule de ministre. Tout comme ce merveilleux carnet d’adresses, désormais tout au service de l’Etat. Et non l’inverse comme y songent déjà nombre d’esprits pervertis. Servir la France est à ce prix !
Mais il s’en trouvera toujours pour médire sur les liens entre grande finance et politique. Et d’aucuns s’offusquer déjà du révolutionnaire retro-pantouflage.
Une première mouture de cet article est parue le 5 juin 2007 dans Bakchich
Lire ou relire dans Bakchich :
Tous ces postes ne doivent pas réclamer beaucoup de travail.
Sinon, on ne voit pas très bien comment ils pourraient sérieusement y arriver. Certes, ils ont du petit personnel pour s’occuper de leurs chaussettes, mais quand même, leurs journées n’ont que 24 heures.
Donc, si c’était de vrais boulots . Comme le mien, comme le vôtre….