Valérie Pécresse fait discrètement avancer la contractualisation pour les "grandes écoles" privées fédérées par l’Union des établissements d’enseignement supérieur catholique et l’Union des grandes écoles indépendantes.
Il y a tout juste 50 ans, la loi Debré (Michel) organisait solennellement la mise en concurrence des enseignements primaire et secondaire public et privé.
Depuis la réforme avortée de Devaquet en 1986, l’on songe à organiser la concurrence dans l’enseignement supérieur. Hé bien le vieux loup vient de ressortir des tiroirs du ministère de l’Education nationale. L’objectif : uniformiser les statuts et les modes de gestion et de financements du public et du privé.
Dans un premier temps, la loi Pécresse, qui fait entrer le public dans une marche forcée vers l’ "autonomisation", était déjà synonyme de désengagement de l’Etat.
Dans une deuxième phase, la même ministre mène , dans la plus grande discrétion, une contractualisation avec financement public pour les établissements supérieurs privés associatifs fédérés par l’Union des établissements d’enseignement supérieur catholique (Udesca) et l’Union des grandes écoles indépendantes.
En juin dernier, Valérie Pécresse chuchotait ces mots doux à l’oreille de l’enseignement privé : "Cet automne, nous définirons ensemble un nouveau modèle de financement qui prenne en compte l’activité des établissements et valorise leur performance, à l’image de ce que nous proposons aux établissements publics d’enseignement supérieur".
Pendant près d’un an, la première réforme avait fait des vagues ; l’été venu, le chantage à l’examen aidant, le soufflé était retombé. On s’achemine à présent vers une sorte de loi Debré bis, pour l’enseignement supérieur privé.
Ainsi, le projet de budget 2010 prévoit une augmentation de 4,5 millions d’euros du budget alloué aux établissements supérieurs privés, selon le principe des vases communicants de fonds publics pour la contractualisation du privé.
Ce transfert était préparé par une circulaire sortie discrètement des tiroirs, le 20 juillet dernier. Au final, une enveloppe globale de 66,4 millions d’euros, alors que la part de subvention par étudiant du privé se situait déjà, à environ 1.100€ par étudiant. Et que la taxe d’apprentissage librement versée par les entreprises à l’enseignement privé est dix fois supérieure à celle distribuée au public : 1.709€ par étudiant du privé, contre 171€ pour celui du public.
Dans le même temps, certaines universités publiques en sont aujourd’hui réduites à créer des fondations dans l’espoir de recueillir des fonds privés pour pallier aux carences organisées par le Ministère de l’enseignement supérieur.
En marge de la discussion à l’Assemblée en juin dernier, certains élus UMP s’étaient laissés aller à des prises de position pour le moins radicales.
Le député-maire du XVIè arrondissement de Paris Claude Gloasguen, au détour d’une récente table ronde sur « le modèle économique des établissements d’enseignement supérieur associatif », appelait de ses vœux la formation d’un authentique lobby des établissements d’enseignement supérieur privé associatif afin de lever des fonds supplémentaires.
Laurent Hénart (député UMP de Meurthe-et-Moselle) expliquait pour sa part que « l’intérêt de la contractualisation, c’est que l’on peut fédérer les efforts de plusieurs ministères », autrement dit, des financements croisés pour le privé.
Laurent Wauquiez, en sa qualité de secrétaire d’Etat chargé de l’Emploi, y allait de la dialectique manichéenne Bien privé - Mal public, en tenant à peu près ce langage aux chefs d’établissements : "Vous avez votre particularité et votre identité. J’en vois les résultats en matière d’accès à l’emploi et d’insertion professionnelle. C’est l’une de vos ’marques de fabrique’".
Il applaudissait encore les "bonnes pratiques" des établissements d’enseignement supérieur associatifs en matière de contacts directs entre étudiants et entreprises, de stages, de cursus à l’étranger, de liens entre enseignants et entreprises, et de suivi individuel en matière de recherche d’emploi… N’en jetez plus.
La contractualisation franchira une étape supplémentaire dès le 1er janvier 2010, avec la signature de conventions pluriannuelles entre le ministère et chaque établissement privé ou association, non lucrative, volontaire, au motif de sa contribution aux « missions de service public », et dans le cadre futur du respect d’indicateurs de performance.
Jeudi dernier 5 novembre, après la prière du matin, les évêques de France se penchaient sur cette question de l’enseignement supérieur catholique lors de leur assemblée plénière à Lourdes. La proposition de Pécresse de nouer un contrat avec l’État suscitait des interrogations : « …c’est tentant de signer un contrat avec l’État’. Mais certains se demandent quelles contraintes vont nous être imposées et si nous serons évalués selon les mêmes critères que les universités d’État, alors que nous n’avons pas les mêmes ressources. »
Mais toute inquiétude de principe sera vite apaisée par les accords France-Vatican décidés en décembre 2008.
Signés par Kouchner et les autorités du Saint-Siège, ils représentaient déjà une victoire inespérée pour l’enseignement supérieur privé catholique. Ces accords stipulent que les diplômes délivrés par « les établissements d’enseignement supérieur catholiques reconnus par le Saint-Siège », qu’ils soient canoniques (touchant à la théologie, à la philosophie ou au droit canonique), ou, grande nouveauté, profanes (toutes les autres disciplines, histoire, philosophie ….), seront reconnus par la France sans autre examen ni précaution.
Aucune autorité publique française n’ira donc plus mettre son nez dans les programmes des formations supérieures estampillées Saint-Siège, dispensées sur le territoire hexagonal.
"La réflexion que nous avons engagée sur l’Enseignement Supérieur Catholique se situe dans la perspective d’un engagement fort de notre Église dans l’annonce de l’Évangile" déclarait samedi le cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris et Président de la Conférence des Evêques de France. "Nous avons commencé à mieux identifier les forces, les enjeux et les défis de cette mission telle qu’elle s’est développée en France depuis plus d’un siècle."
Valérie Pécresse et Bernard Kouchner auront ainsi, finalisé à eux deux, le mariage des crédos libéraux avec l’Eglise sur l’air de la petite musique qu’avait entonnée Michel Debré. Cheval de Troie d’une guerre scolaire de cinquante ans qui continue de se dérouler sous nos yeux.
On trouvait la trace de la contractualisation en 2004, sous la plume du député UMP du Val d’Oise, Jérôme Chartier. Chartier était chargé, fin août 2004, par le Premier Ministre Jean-Pierre Raffarin, d’une mission sur l’enseignement supérieur privé.
Extrait de la lettre : les objectifs de cette étude sont de "proposer une stratégie permettant de faire concourir utilement l’enseignement privé à la qualité et aux performances du système de formation en France ; d’analyser les voies et moyens d’une meilleure cohérence avec l’offre publique de formations supérieures, aux divers niveaux (licence, master, doctorat), dans le respect du caractère propre des établissements privés. "…
Le rapport Chartier, rendu début mai 2005, se concentre sur le niveau post-bac+2. Un ambitieux slogan, aux accents très « raffarinesques » : « Cinq verbes pour l’enseignement privé » : « identifier » les établissements, « participer », "développer", "accompagner", et "réfléchir »…
En langage profane, traduire par : un financement par l’emprunt de 100% des frais de scolarité (avec un impact budgétaire chiffrés à l’horizon 2016, à 320 millions d’euros), la création d’un statut de « fondation d’enseignement supérieur et de recherche », « personne morale de droit privé » bénéficiant d’un « statut juridique adapté », l’autorisation donnée aux établissements sous statut de société anonyme ou d’association de contracter avec l’Etat, sous la forme d’un contrat en bonne et due forme, signé par le ministre de l’Education nationale et le Président de l’établissement…
Le rapport Chartier faisait lui-même, suite à un rapport plus ancien, confié à un autre député Guy Gautherin, en 2003, qui estimait qu’il fallait, rien moins que tripler sur le long terme, les subventions allouées au supérieur privé, sur la base de contrats d’objectifs.
Dans le projet de loi de Finances 2006, Goasguen, décidément, ardent promoteur de l’enseignement supérieur privé clamait à l’emporte pièce : "Le service public de l’enseignement supérieur s’exerce aussi bien dans le public que dans le privé, et d’ailleurs, le privé coûte moins cher au contribuable.". Anne-Marie Comparini, alors députée UDF du Rhône, lui emboîtait le pas, déplorant que ces établissements ne bénéficient pas encore de "contrats quadriennaux"…Tandis que, côté opposition, on déplorait que les universités publiques soient ainsi « laissées au bord de la route ».
Un groupe de réflexion s’était finalement constitué, à la demande de François Goulard, ministre délégué de l’enseignement supérieur autour Guy Gautherin et de représentants de plusieurs fédérations de l’enseignement supérieur privé, parmi lesquelles les catholiques de l’Udesca, afin de poursuivre l’offensive.
L’Udesca, l’UGEI et la FESIC refusaient le simple contrat de projets qui leur était proposé, et revendiquaient une contractualisation touchant la structure organique et financière des établissements. Il faut croire que ces « grands sages », parmi lesquels figuraient à nouveau, l’Udesca et les principales fédérations de l’enseignement supérieur privé, qui se sont réunis au moins jusqu’au printemps 2007, ont été entendus.
Du côté de l’enseignement catholique, c’est la jubilation. La route vers une formation confessionnelle « tout au long de la vie », telle que l’avaient souhaité les dernières Assises de l’enseignement catholique, est grandement tracée, avec un encouragement appuyé du gouvernement français.
C’est normal ! Contrairement aux racontars des « intellectuels laïcs », la loi 1905 a donné au curés un pouvoir absolu. Ils auraient tort de se priver.
La loi 1905 La première grande imposture du début du 20ième siècle.
http://mondehypocrite.midiblogs.com/archive/2008/05/06/moralistes-par-devant-sans-scrupule-par-derriere.html
Etant athée et laïque (ou séculariste, ça dépend des jours), j’ai fait mes études d’ingénieur dans l’une de ces écoles privées (de la FESIC) où les étudiants boursiers sont peu nombreux parce qu’au final l’année de scolarité coûte toujours 5500 euro.
La religion était (et c’est heureux) absente de cette grande école, exception faite d’une photo (format A4 ou A3) du fondateur de l’école qui trônait sur un pan de mur, pas vraiment mis en valeur.
Ce qui est dérangeant avec cette orientation de l’éducation, c’est vraiment la mise en danger de l’enseignement public et la bride lâchée aux établissements privés, qui n’auront plus comme référend que la Commission des Titres d’Ingénieurs (quoique je me pose la question pour les _universités_ religieuses).
Si on a de l’argent à mettre dans l’enseignement supérieur, il doit servir à sauver les étudiants (dont une part effrayante n’a plus d’autre choix que de mener un petit boulot en parallèle, voire tombe dans la prostitution) ou aller dans l’enseignement public.