Le journaliste Pierre Péan comparaît à partir de ce mardi devant La 17ème chambre correctionnelle du tribunal de Paris pour incitation à la haine raciale suite à la parution, en 2005, de son livre « Noires fureurs, blancs menteurs » sur le génocide au Rwanda. Décryptage.
Pierre Péan et son éditeur Fayard s’apprêtent à passer trois jours (du 23 au 25 octobre) devant La 17 ème chambre correctionnelle du tribunal de Paris pour incitation à la haine raciale. En cause : le contenu du livre du journaliste « Noires fureurs, blancs menteurs », paru en novembre 2005. Pierre Péan est renvoyé devant le tribunal pour « complicité de diffamation raciale », dans treize passages de l’ouvrage et « complicité de provocation à la discrimination, à la violence et à la haine raciale à l’égard d’un groupe de personnes à raison de leur appartenance à une ethnie, en l’espèce les Tutsis », dans douze autres passages, selon l’ordonnance de renvoi en date du 3 décembre 2007.
Pour Dominique Sopo, président de SOS Racisme, l’une des parties civiles, le livre « reprend de fait des présupposés de l’idéologie génocidaire qui a conduit au drame des Tutsis ». Dans son ouvrage, l’auteur, défenseur acharné du rôle de l’armée française au Rwanda, n’avait pas hésité à reprendre à son compte des écrits controversés datant de la colonisation belge, accusant la minorité tutsie de recourir systématiquement au « mensonge et à la dissimulation ». Les femmes tutsies y sont également traitées avec bien peu d’égards : selon Péan, elles useraient de leurs charmes pour faire prévaloir leur cause…
Pour sa défense, le journaliste fait notamment citer deux anciens ministres - Hubert Védrine et Bernard Debré - qui ont toujours défendu tout ce qu’a fait la France au Rwanda. Reste à savoir s’ils trouveront le temps de venir soutenir en public l’auteur… L’autre partie civile, une association de victimes rwandaises du génocide, fait venir des témoins du Rwanda. Jusqu’en début de semaine dernière, leurs demandes de visas, déposées à l’ambassade de Belgique à Kigali (les relations diplomatiques avec la France sont rompues depuis 18 mois) étaient restées sans réponse. Finalement, les visas ont été délivrés. Les débats de la XVIIème chambre pourront donc se tenir.
Péan soutient dans son livre une thèse sur le drame rwandais proche de celle des tenants du Hutu power, dont les chefs sont jugés par le tribunal pénal international d’Arusha pour crime de génocide. Pour ceux-ci, le meurtre des Tutsi était un réflexe d’auto-défense face à l’agression des troupes FPR Tutsies du général Kagamé, envahissant le Rwanda en provenance de l’Ouganda. L’attentat contre l’avion du président Habyarimana, le soir du 6 avril 1994, immédiatement attribué, sans la moindre enquête, aux partisans de Kagamé, fut le déclencheur des massacres. La composante Tutsi de la population rwandaise, femmes, enfants, vieillards compris étant perçue –et traitée- comme une 5ème colonne, à éliminer, « comme des cafards ».
Cette vision du péril Tutsi, « ethnie minoritaire mais dominatrice » est partagée par nombre de responsables politiques et militaires français de l’ère Mitterrand, qui dès 1990, n’ont pas mégoté leur appui politique et militaire à ceux qui s’opposaient à ce qu’ils n’hésitaient pas à nommer les « khmers noirs », une version africaine des tristement célèbres Khmers rouges, coupables de génocide au Cambodge. Pour eux, Kagamé est une sorte de Pol Pot. qu’il convient de contrer par tous les moyens.
Le sort tragique des Hutus ayant fui dans l’est du Zaïre (l’actuelle République Démocratique du Congo) l’avance du FPR au Rwanda à l’été 1994 et morts par centaines de milliers valant confirmation de leur représentation de Kagamé. Cet exode, où étaient inextricablement mêlés les restes de l’armée rwandaise défaite par le FPR à d’innombrables civils se déroula en effet dans de terribles conditions sanitaires et alimentaires. Les velléités de reconquête du Rwanda proclamée par les chefs du régime déchu ne contribua évidemment pas au bien-être des réfugiés.
De là naquit la théorie du « double génocide », citée notamment par Dominique de Villepin. Les Tutsi avaient été massacrés au Rwanda par le gouvernement intérimaire, successeur direct d’Habyarimana, et les Hutus victimes des vainqueurs, le régime Kagamé… Un peu léger de mettre sur un pied d’égalité des gens qui n’ont pas fait la même chose. Les uns tuant tout ce qui était considéré comme Tutsi, ou les soutenant, les autres pourchassant des génocidaires affichant leur volonté de « finir le travail ». Le Rwanda actuel est toujours majoritairement peuplé de Hutus, mais la prétendue appartenance ethnique ne figure plus sur les cartes d’identité.
Sur le déclenchement du génocide, qu’il attribue à Kagamé, organisateur, selon lui du tir de missiles contre l’avion d’Habyarimana, Péan dispose d’un allié connu : le juge Bruguiere. L’ordonnance du magistrat et les écrits de Péan sont si semblables qu’on est en droit de s’interroger sur leur degré de collaboration. Pourtant, cette construction n’a nullement convaincu nombre de spécialistes. Une haute instance indépendante française, la Commission de Recours des Réfugiés n’a d’ailleurs pas hésité à la mettre publiquement en doute. Lors de l’audience publique statuant, en 2007, sur le recours d’Agathe Habyarimana, la veuve du président tué dans cet attentat, le rapporteur a considéré que la version Bruguière-Péan était une théorie parmi d’autres, « étayée par des témoignages peu crédibles ». Selon le rapporteur, il était au moins aussi vraisemblable d’attribuer l’attentat à des extrémistes hutus (proches de Mme Agathe) fort mécontents de la tournure des évènements, c’est à dire l’acceptation par le président Habyarimana des accords d’Arusha, prévoyant un partage du pouvoir avec le FPR de M. Kagamé. Ceux-ci disposant de missiles et de l’accès à l’emplacement de tir… Ce qui n’est nullement démontré pour les gens de Kagamé.
Lire ou relire dans Bakchich :
Bravo pour cet article ! je constate, comme toujours sur le genocide au Rwanda, que les commentateurs anti Kagame se precipitent. Et ce sont toujours les memes. Ce que je constate, c’est que les victimes du genocides en veulent a mort a la France (on les comprend…) et que les hutus extremistes genocidaires sont toujours soutenus par la france. La haine des ces gens envers le FPR et Kagame est affolant. La france ne doit plus prendre partie pour une ethnie contre l’autre, on voit les resultats. Pour ma part. le soutien de la france au genocidaire avant,pendant et apres le genocide est inaceptable. je ne vote pas pour que nos hommes politiques organisent un genocide dans notre dos. La presse francaise est tres silencieuse sur ce sujet : Bodiou ! un petit pays nous accuse de genocide, il a des preuves, il pointe des responsables politiques et militaires francais et ? …. rien on en parle pas ou on donne la parole au negationiste notoire (Vedrine, Pean). Mais les preuves s’accumulent, les francais commencent a se rendre compte qu’il y a un probleme.
J’invite les lecteurs a lire cet article de l’association Survie sur le livre de Pean
http://survie67.free.fr/France/booh-booh3.htm
et les resultats de l’ enquete citoyenne sur le genocide des tutsis au Rwanda
http://www.enquete-citoyenne-rwanda.org/
Les citoyens francaise doivent demander des comptes.
Et les 4 millions de morts que Kagamé et sa clique ont fait depuis 1995 en particulier dans l’est du Congo, on les met où : en pertes et profit ?
Et les 40 mandats d’arrêt des espagnols contre la clique de Kagamé, on en fait quoi ? Je suppose que vous allez nous dire que c’est la France qui a tenu la main du juge espagnol…
Il fut un temps où certains "idiots utiles" étaient aussi des sponsors des khmers rouges ou de la révolution culturelle chinoise…
Etrange.. étrange… étrange…
Cet article ne fait nullement référence à deux faits très importants :
les crimes de la clique à Kagamé qui ont entrainé des millions de morts (une paille…) au Rwanda et dans l’Est du Congo et ce depuis 1995 ce qui fait que Péan peut qualifier, à juste titre, Kagamé de "plus grand criminel de guerre vivant",
l’enquête de la justice espagnole qui vient de lancer, via Interpol, il ya quelques mois un mandat d’amener contre 40 proches de Kagamé pour crimes contre l’humanité et génocide.
Et là plus de Bruguière et plus de querelle germanopratines entre ego(s) de journalistes français …
Il est quand même troublant de constater ces oublis… béants qui dis-je abyssaux !
Comme si 95 % de la presse française en voulait à mort à Pierre Péan de leur avoir mis le nez dans leur c… en leur disant qu’ils n’avaient pas fait leur travail et avaient désinformé sur le dossier Rwanda en faisant de la démagogie compassionnelle et lacrymale au lieu de faire de l’analyse sur des faits.
On s’intéresse à des faits mineurs (les écrits de Péan sur les Tutsis qui d’ailleurs ont été sortis de leur contexte car je crois me souvenir qu’il avait modéré les déclarations du sociologue sur la culture du mensonge des Tutsis) et on néglige des faits essentiels.
Cela ressemble fortement à un gros, très gros leurre pour éviter de dire que l’on s’est planté pendant 10 ans sur Kagamé et sa clique, comme s’est planté ce benêt de Michel Rocard (sans doute trop content avec ce dossier d’essayer de salir Mitterrand….) qui avait déclaré devant la commission de l’Assemblée nationale : « Pour les Rwandais d’aujourd’hui, c’est le FPR qui a mis fin au génocide, c’est l’armée de libération venue de l’étranger, comme la division Leclerc est venue d’Angleterre. Ma lecture est qu’il s’agissait d’une guerre civile où une armée de libération (face à un régime devenu odieux) est née à l’extérieur parce qu’elle ne pouvait pas naître à l’intérieur (…). »
Le FPR et Kagamé ont libéré le Rwanda comme la division Leclerc a libéré la France…4 millions de morts plus tard, la famille de Leclerc et les anciens de la division Leclerc doivent être ravis d’être comparés à Kagamé !
Quant à la "théorie" des 2 génocides vous écrivez "Un peu léger de mettre sur un pied d’égalité des gens qui n’ont pas fait la même chose. Les uns tuant tout ce qui était considéré comme Tutsi, ou les soutenant, les autres pourchassant des génocidaires affichant leur volonté de « finir le travail ».
Etes-vous bien sûr de ce que vous écrivez ? N’avez-vous pas une vision un peu angélique de la clique à Kagamé et du FPR , qui selon vous n’auraient fait "qu’épurer" en "pourchassant des génocidaires" ?
Certes vous cédez pas aux invectives voire injures visant à discréditer ceux qui avancent cette analyse en les traitant de "négationnistes" et révisionnistes". Cela voudrait peut être dire que la réalité historique modère un peu les excès de toute cette clique de Survie et de bien d’autres qui a copieusement désinformé …
La convention des Nations Unies pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948 dispose dans son article premier : « Les parties contractantes confirment que le génocide, qu’il soit commis en temps de paix ou en temps de guerre, est un crime du droit des gens, qu’elles s’engagent à prévenir et à punir. » L’article 2 précise la définition du génocide : « le génocide s’entend de l’un quelconque des actes ci-après, commis dans l’intention de détruire en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :
a) Meurtre de membres du groupe ; b) Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale des membres du groupe ; c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ; d) Des mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ; e) Transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe. »
Bien évidement, je suppose que tous ceux qui comme l’auteur de cet article, prétendent qu’il n’y a pas eu de génocide des Hutus perpétré par les Tutsis ont appris par cœur cette définition onusienne du génocide et que vous enquêtez depuis 10 ans avec cette grille de lecture en permanence à l’esprit…. Et soumettant depuis 10 ans les exploits de Kagamé et de sa clique à la grille de lecture de l’ONU.
Bien évidement, vous vous êtes fait communiquer tous les rapports des experts internationaux qui ont enquêté sur place, toutes les procédures judiciaires ouvertes…
et c’est la compilation permanente de toutes ces enquêtes qui permet de lancer cette fatwa contre ceux qui ont l’outrecuidance de dire que le massacre de dizaines de milliers de hutus, voire de centaines de milliers n’est pas un massacre « ordinaire » mais un génocide.
Moi, je ne sais pas mais je doute fortement qu’il y ait la pureté du geste d’un côté et la volonté génocidaire de l’autre.
Je soumets à la sagacité des tenants de cette thèse une déclaration : "Il est profondément regrettable que, entre la date où elle a été déployée pour la première fois, en août 1997, et son retrait en 1998, l’équipe n’ait pas été autorisée à accomplir sa mission pleinement et sans entrave. Néanmoins, en dépit des difficultés décrites dans le rapport, l’équipe a pu parvenir à un certain nombre de conclusions qui sont étayées par de solides preuves. » Deux de ces conclusions retiennent l’attention : « La première est que toutes les parties aux violences qui ont déchiré le Zaïre, en particulier ses provinces orientales, durant la période de l’examen, ont commis de graves violations des droits de l’homme ou du droit international humanitaire.
« La seconde est que les tueries auxquelles se sont livrés l’AFDL et ses alliés, y compris les éléments de l’Armée patriotique rwandaise, constituent des crimes contre l’humanité, tout comme un déni d’assistance humanitaire aux réfugiés hutus. Les membres de l’équipe pensent que certains de ces meurtres peuvent constituer des actes de génocide. »
Qui a écrit ça ?
Kofi Annan…et il s’agit d’un rapport d’experts de l’ONU.
Alors, pour vous, Kofi ANNAN, Secrétaire Général de l’ONU est donc un « négationniste et révisionniste » ?
Qui est léger dans ses affirmations : l’ancien Secrétaire général de l’ONU ou vous ?
Et si pour arrêter de diaboliser l’adversaire on s’en tenait à la définition que l’ONU a donné des génocides…
Et si la flute était jouée par d’autres que Pierre Péan…
Quant à Bruguière et ses relations avec Péan, je vous suggère de lire ou de relire l’ouvrage de Péan "Manipulations africaines" dans lequel Péan cartonne sévère Bruguière pour son rôle dans l’étouffement des vraies responsabilités dans la destruction de l’avion d’UTA.
Mon sentiment est qu’il y a en France sur ce dossier plus de querelle d’ego, de désinformation que de volonté de faire la lumière sur ce drame terrible.
Chiche que vous ne censurez pas cette contribution ?