Le pesant boulet que traîne la France depuis le génocide des Tutsis rwandais s’est considérablement alourdi au creux du mois d’août, avec la publication à Kigali de l’épais rapport de la commission Mucyo.
Les réactions outragées du ministre de la Défense Hervé Morin, du général Lafourcade, ancien commandant de Turquoise et de quelques responsables politiques mis en cause dans le rapport ne sont pas à la hauteur de l’événement. Paris n’a, semble-t-il, pas pris conscience de l’ampleur du phénomène. Pour la première fois, un petit pays pauvre d’Afrique, où ont été massacrés en 100 jours plus de 800.000 personnes, analyse minutieusement l’ensemble du contexte dans lequel s’est enclenché, puis déroulé le génocide dont a été victime la composante Tutsie de sa population. À chaque étape du processus génocidaire, des acteurs français – civils et militaires – sont impliqués et désignés avec les précisions disponibles.
Contrairement à ce que prétendent les officiels français, ce rapport de a commission Mucyo n’est pas un tissu d’élucubrations « manquant d’impartialité ». Il repose largement sur des travaux – non contestés – qui l’ont précédé : la commission d’enquête indépendante des Nations Unies sur le Rwanda et la mission d’information des députés français. A ces éléments connus viennent s’ajouter des documents inédits provenant notamment de l’ambassade du Rwanda à Paris et des archives des ministères rwandais, ainsi que des témoignages nominatifs recueillis par la commission rwandaise auprès de dizaines de personnes, tant au Rwanda qu’en Europe. Parmi eux figurent des témoins que la mission parlementaire française a préféré ne pas entendre ; c’est notamment le cas de Venuste Kayimahé, auteur de France-Rwanda : les coulisses du génocide, qui était pourtant venu tout exprès à Paris pour être auditionné par les députés. Celui-ci, employé Tutsi au centre culturel français de Kigali, relate en détail comment, malgré la présence de militaires français, il a été abandonné par ses employeurs et livré à une mort à laquelle il n’a échappé que par miracle. Ce qui n’a pas été le cas de la plupart de ses collègues du centre culturel, comme de l’ambassade de France.
Pendant l‘opération Amarylis (évacuation des étrangers de Kigali, entre le 10 et le 15 avril 1994, alors que le génocide était en cours), Jean-Loup Denblyden, un colonel de réserve qui participa à l’opération comme officier belge de liaison auprès du détachement français, affirme : « Pendant Amaryllis, les soldats français triaient les Tutsis devant l’aéroport de Kanombe et les repoussaient vers les barrières ». « Il y avait un tri et les gens qui étaient écartés, étaient repoussés par des Français sur la barrière. Les Français disaient aux refoulés : on ne vous prend pas ; et les refoulaient vers une barrière qui se trouvait exactement à l’entrée du parking actuel ».
Constatant la gravité des faits, M. Denblyden informa les responsables militaires français et de la Minuar, (Mission des Nations Unies au Rwanda) et reçu comme réponse :
« Je suis monté à l’étage où se trouvait le colonel Poncet qui commandait l’opération Amaryllis, je lui ai fait part du problème. Il a haussé les épaules, le colonel Morin, qui était à ses côtés, m’a demandé de ne pas me mêler de ça. J’ai contacté tout de suite le général Roman et l’officier d’opération […] je leur ai fait part du problème comme j’estimais devoir le faire. […] Un sous-officier français est intervenu en me disant que les Belges n’avaient rien à voir avec ça, que c’était le problème des Français. Nous étions au troisième jour d’Amaryllis ». Finalement, M. Denblyden constata que les personnes étaient tuées près de cette barrière : « des corps jonchaient le sol en contrebas à droite de l’aéroport ». D’autres Rwandais, proches du Hutu power (initiateur et acteur du génocide), ont eux été évacués, dès ce moment-là, par l’armée française…
La participation française aux préparatifs du génocide, thèse soutenue par le rapport rwandais, outre la formation et l’armement des milices, est notamment étayée par des fac-similé des documents administratifs du fichage informatique des citoyens Tutsis, réalisé par des gendarmes français, pour le compte de leurs collègues rwandais du CRCD (Centre de Recherche Criminelle et de Documentation). Pas difficile d’imaginer l’usage qui a été fait de ce fichier…
L’opération militaro-humanitaire Turquoise, de juin à août 1994, fait également l’objet de très lourdes accusations. Le fait qu’elle ait été pilotée en bonne partie par des officiers qui avaient précédemment servi au Rwanda pour former et épauler les FAR (Forces armées Rwandaises, impliquées dans les massacres de Tutsis) ne favorisant guère leur neutralité. Les témoignages abondent sur le traitement cruel réservé par des militaires français à des Tutsis, considérés a priori comme agents du FPR (Front patriotique rwandais). La zone humanitaire sûre, mise en place par Turquoise, l’était surtout pour les responsables et les acteurs du génocide, qui ont été incités à gagner le Zaïre voisin avec leurs armes, elle l’était beaucoup moins pour des femmes Tutsies violées puis assassinées.
Dans ses conclusions, La Commission demande au Gouvernement rwandais de se réserver le droit de porter plainte contre l’État français pour sa responsabilité dans la préparation et l’exécution du génocide de 1994 au Rwanda devant les instances judiciaires internationales habilitées. Mais elle suggère aussi de trouver un règlement diplomatique de la question avec l’État français dans la mesure où ce dernier est prêt à reconnaître l’entière étendue de sa responsabilité dans la préparation et l’exécution du génocide au Rwanda et de prendre les mesures de réparation conséquentes en accord avec le Gouvernement rwandais.
Depuis 1994, le Secrétaire général de l’ONU Kofi Annan, le président des États-Unis Bill Clinton, le premier ministre belge Guy Verhofstadt, sont venus à Kigali présenter leurs excuses au peuple rwandais. La France, principal acteur extérieur au Rwanda en 1994 s’y est toujours refusée. Une posture d’avenir ?
Ces deux documents corroborent le rôle déterminant joué par les gendarmes français : ils étaient 4, en 1992, commandés par le lieutenant- colonel Robardey, (présent au Rwanda depuis 1990) dans la création de fichiers informatisés pour la gendarmerie rwandaise. Parmi ces fichiers, le PRAS (Personnes recherchées et à surveiller) a dû être utilisé pour confectionner des listes de personnes à tuer, Tutsi et Hutu hostiles à la ligne extrêmiste prise par le régime.
La note du lieutenant-colonel Robardey (doc page 82) annonce au chef d’état-major que l’informatisation est désormais réalisée et qu’il suffit du feu vert de son interlocuteur, le chef d’état-major de la gendarmerie rwandaise, pour le mettre en œuvre. Celui-ci, dans le second document, (page 81) donne son accord, et exprime le vœu que des personnels rwandais soient formés pour l’utiliser.
Lire ou relire dans Bakchich :
Génocide rwandais : des officiels assistent pour la première fois à la commémoration
A quand un article sur le génocide des hutu par le FPR et les Tutsi au Rwanda en 1994 et après comme à Kibeho en 1995 ?
A quand un article sur les massacres des réfugiés hutu dans l’ex-Zaïre en 1996-1997 par le FPR ?
A quand un article sur les crimes (viols, enrôlement d’enfants-soldats, pillage des ressources naturelles) commis par la soldatesque et les milices( celle du CNDP de Laurent NKUNDA entre autres) soutenues par Kigali en République Démocratique du Congo ?
Ah, les français et leur "honneur". Honte aux turcs à qui ont demande une repentance envers les arméniens presque un siècle après les faits reprochés, honte aux allemands qu’on ne finit pas de flageller à toute occasion et qui ne sait plus comment s’excuser pour cause de Shoa, honte aux americains que l’on aime railler à Paris, pour leurs "exactions" en Irak ou en Afghanistan. La France ne se voit que comme vertueuse (à part quelques tortures commises durant la guerre d’Algérie ou l’on à vite fait de mettre sur le dos des l’ex general Ausaresse ou J.M Le Pen le role d’ogres exceptionnels).
On nie toutes complicité française au Rwanda, sous pretexte que Kagamé est lui aussi méchant ! Que le FPR n’est pas blanc comme neige etc,etc… Je me demande pourquoi les hiérarques nazis à Nuremberg n’avaient pas pensé à mettre en avant les bavures et autres massacres alliés envers les populations allemandes durant la 2e guerre mondiale, afin de se disculper des massacres nazis ! Allez circulez il n’y à rien à voir…Qui pourrait prendre au serieux un rapport rédigé par un "Etat nègre", parlant de massacres de "nègres" ? C’est le parlement français qui ne peut qu’avoir à raison…
Les français sont en Afrique depuis des siècles, pour le bien des africains, il n’y a que ces derniers qui ne s’en rendent pas compte, ingrats qu’ils sont…
PS : Aux USA, les journalistes osent remettre en cause les rapports officiels pondus par la Maison Blanche, en France tout ce qui sort de l’Elysée pour la politique étrangère est parole d’Evangile pour la plupart des journalistes hexagonaux…
Habyarimana est le pauvre président pacifiste et innocent protégé par la France et qu’on assassiné. Sa femme , Goebbels féminin tropicalisé de Radio Milles collines à trouvé refuge en France sans que cela n’emeuve grand monde. Kagamé avait sans doute brieffé les fanatiques hutus afin qu’ils entament leur massacre anti tutsi dès l’annoce de l’atentat. Quand aux services secrets et conseillers militaires français qui pullulaient à Kigali, ceux ci etaient sans doute preoccupé par "l’aide au developpement" qu’il enseignaient gracieusement à la soldateque rwandaise.