Quatre fois que la Justice refuse de rouvrir l’enquête sur l’assassinat de Robert Boulin. Avec ce nouvel épisode, la thèse officielle du suicide a encore pris du plomb dans l’aile.
Le quatrième rejet d’une demande de réouverture de l’information sur l’assassinat de Robert Boulin, avec l’annonce concomitante de « l’(en)vol des scellés », a, le 8 juin, nettement déstabilisé la thèse, officielle depuis 30 ans, du « suicide » du ministre du travail de Giscard.
Le jour de sa prise de fonction, le 23 mars 2010, François Faletti, le nouveau procureur général prés la cour d’appel de Paris, reçoit une nouvelle requête aux fins de réouverture de l’information sur l’assassinat de Robert Boulin. Ce document s’appuyant sur le précédent Gregory, souligne l’impérieuse nécessité de pratiquer une recherche ADN sur les enveloppes et les timbres des lettres annonçant son suicide, que Robert Boulin est censé, selon la Justice, avoir seul manipulées. Si tel fut le cas, son ADN serait encore décelable 30 ans après.
C’est le quatrième rejet de réouverture. A la sortie du rendez-vous du procureur général, sur les marches du palais de justice, l’avocat de Fabienne Boulin (fille de Robert Boulin) Me Olivier Morice ignore le rejet de sa demande de réouverture. Seul, un communiqué du parquet général, diffusé au même moment, en fait clairement état. En revanche est établi que 6 (sur 8) de ces lettres (en réalité des photocopies d’un même original jamais trouvé) sont des scellés annexés au dossier, qui avait été très méticuleusement examiné à l’automne 2007 par l’équipe du prédécesseur de M. Faletti, le procureur général Le Mesle, avant son annonce du troisième rejet… (cf les méticuleuses constatations de Le Mesle en bas de l’article)
Au lieu de reconnaître une évidence, relevée entre autre par France 2 - les scellés ainsi que l’ensemble du dossier Boulin étaient dans un coffre-fort à l’accès restreint, d’où ils se sont récemment (en)volés - M. Faletti tente d’expliquer à Fabienne Boulin et ses conseils que les scellés ont été « égarés » et que« d’actives recherches sont toujours en cours pour les retrouver ». Un faisceau de présomptions cale le larcin après le 23 mars, date à partir de laquelle la demande de recherche ADN sur les lettres est connue. Qui, avant ce jour, aurait eu des raisons de s’inquiéter d’une recherche de l’ADN de Robert Boulin sur ces photocopies d’un original inconnu ?
Si le parquet général avait la certitude que les lettres attribuées à Boulin ne sont pas de lui, il ne se serait pas exprimé autrement que dans son communiqué du 8 juin :« Il apparaît en premier lieu que des analyses ADN ne pourraient en aucune façon faire l’objet d’une comparaison utile, dans la mesure ou jamais aucune personne n’a été mise en cause ou hors de cause dans ce dossier ». La demande était pourtant explicite et motivée : chercher l’ADN de Boulin…
Dans son communiqué, M. Faletti, s’aligne sur les conclusions de M. Lemesle, en s’abstenant toutefois de les expliciter. Pour rejeter la question capitale de la double découverte du cadavre de Boulin à 7 heures d’intervalle, M. Lemesle n’avait pas hésité à prétendre que Raymond Barre, (à l’époque premier ministre) était pour ainsi dire gâteux, ayant, selon lui, confondu découverte du cadavre et lancement des recherches, alors qu’à l’évidence, on ne réveille pas un ministre de l’intérieur et un premier ministre pour les aviser de cela !
Pour rendre publique cette fine analyse, M. Lemesle avait attendu le décès de M. Barre, et s’était bien gardé d’interroger Christian Bonnet, toujours vivant ! Christian Bonnet, ministre de l’intérieur en 1979 a toujours affirmé avoir été réveillé vers 2 heures du matin dans la nuit du 30 octobre, par le conseiller technique de permanence place Beauvau, qui l’informe de la découverte du cadavre de son collègue Boulin.
L’actuel épisode de l’(en)vol des scellés est la confirmation que la justice française est depuis trente ans enfermée dans un bogue majeur. Malgré l’intervention de 4 magistrats instructeurs, c’est en permanence le seul parquet qui a mené l’information. Quelle meilleure illustration que l’ordonnance de non-lieu, rendue en 1991 par Laurence Vichnievsky, à laquelle se réfèrent constamment M. Lemesle, et par transition, M. Faletti. Ce document est la fidèle reproduction des réquisitions du parquet… Le Parquet général validant l’oeuvre du parquet, un cercle vicieux de nature à redorer le blason de la Justice ?
Invitée le mardi 15 juin de la matinale de France-Inter, Michèle Alliot-Marie, interrogée sur l’affaire Boulin, a tenu des propos en contradiction avec sa précédente déclaration, à Libourne, le 31 mai.
A cette date, le procureur général Faletti n’a pas rendu sa décision (elle le sera le 8 juin), pourtant la ministre de la Justice affirme : "le dossier est clos, et en l’absence de faits nouveaux, je m’en tiens aux décisions qui ont été prises".
Soit MAM était au courant du futur rejet (de la demande de réouverture) de M. Faletti, et dans ce cas, forcément informée de l’(en)vol des scellés, puisqu’elle a affirmé le 15 juin sur France-Inter avoir "immédiatement, dés que j’ai été informée (de la disparition des scellés) déclenché une enquête administrative". Cette enquête a été très médiatiquement lancée le 8 juin.
Soit MAM, le 31 mai à Libourne n’était au courant ni du vol des scellés, ni du futur rejet du procureur Faletti. Et annoncer publiquement "le dossier est clos, et en l’absence de faits nouveaux, je m’en tiens aux décisions qui ont été prises" est en flagrante contradiction avec ce qu’elle déclare à France-Inter : "Les magistrats, qu’ils soient du parquet ou du siège traitent les dossiers de manière totalement indépendante, et il ne me viendrait pas à l’idée de demander qu’il y ait telle ou telle décision (…)"
Un procureur général a-t-il pour vocation de contredire sa ministre ?
Lire ou relire sur Bakchich.info :
L’affaire Boulin sur Pearltrees (cliquez sur les perles pour lire les articles)