Le TGI de Paris rendra jeudi 12 mars sa décision sur la régularité du plan social de la radio internationale, décidément mal ficelé.
C’est un jugement attendu avec un poil d’anxiété à l’Élysée. Qui devra prendre son mal en patience. Saisi en référé par le comité d’entreprise, le tribunal de grande instance de Paris devait décider aujourd’hui si les procédures légales ont bien été respectées dans le cadre du plan social annoncé à RFI. La décision est finalement renvoyé à jeudi prochain. Bon bougre et constatant d’ores et déjà un dialogue social en panne, le magistrat a en vain proposé qu’un médiateur intervienne, ce qu’a refusé la direction. Rendez est donc fixé au 12 mars.
A cette date, si le juge donne raison à l’intersyndicale (CGT-FO-SNJ), c’est tout le bel édifice de ce plan de licenciements mené à la va-vite qui s’effondre. Et, alors que la direction de l’entreprise dont l’État est l’unique actionnaire, espérait avancer rapidement et sans faire de vagues, tout serait à reprendre à zéro. Même temporaire, cette bouffée d’oxygène donnerait aussi l’occasion aux journalistes de RFI de mobiliser l’opinion. Ce que l’Élysée redoute par-dessus tout.
À l’heure où le gouvernement se répand partout sur le thème « l’emploi est notre priorité » voir l’État, mener un plan social aussi musclé : moins 200 salariés soit près du cinquième des effectifs, brouille un peu le plan com’. Et puis mettre deux cents journalistes sur le carreau en ce moment, discrédite quelque peu les beaux discours de Sarkozy aux États généraux de la presse.
L’espoir aujourd’hui des salariés de RFI est que dans sa volonté de faire vite, le tandem de choc Pouzilhac-Ockrent (dit « Poupou » et « Titine ») a semble-t-il brûlé quelques étapes. Le document sobrement intitulé « projet de plan global de modernisation » présenté au comité d’entreprise en janvier et qui fixe l’objectif de réduire d’un cinquième la masse salariale, s’affranchit gaillardement des obligations légales en la matière. l’information donnée par RFI au cours de la procédure est « incomplète, imprécise et déloyale », notent les avocats du CE.
Alors que la fusion dans le futur Audiovisuel extérieur de la France est programmée, aucune information n’est donnée sur l’avenir des contrats de travail des salariés de RFI dans cette entité. La question mérite d’autant plus d’être posée qu’il semble un peu étonnant que l’État ait autorisé France 24 à embaucher à tour de bras, alors même que dans l’autre structure du futur AEF, en l’occurrence RFI, on débarque deux cents salariés. « À moins, insinue perfidement un délégué du personnel, que l’État préfère la main-d’œuvre plus jeune, plus malléable et bien évidemment beaucoup moins chère de France 24 ». Une convention collective où les salaires progressent régulièrement : trop ringard pour « la reine Christine ».
Enfin, la direction de RFI, expliquent leurs avocats, « tout en affirmant que la procédure du livre III n’aurait pas été ouverte, n’hésite pas à annoncer aux salariés concernés les suppressions d’emplois, avant même que la procédure d’information et de consultation du CE ne soit parvenue à son terme. ». Petite pression psychologique histoire que certains salariés inquiets viennent négocier leur départ à moindre frais. Autre anomalie, la direction de RFI n’a jamais ouvert de négociations en matière de GPEC (gestion prévisionnelle des emplois et des compétences). Une obligation légale pourtant, censée justement limiter la casse sociale. Que l’État actionnaire se fiche à ce point là du droit du travail, comme risque de le souligner le juge, ça fait un peu désordre.
Pour justifier son plan de modernisation (et de licenciements), Pouzilhac présente dans le document confidentiel présenté au CE, une entreprise dans « une situation critique ». Pas encore arrêtés, les comptes de 2008 plongeraient littéralement par rapport à l’exercice 2007 (moins 1,1 M) pour atteindre des fonds abyssaux : moins 9 millions d’euros.
À y regarder de plus près, il semble que l’ardoise de l’entreprise ait été sciemment chargée. Ainsi le CE a découvert que deux millions d’euros viendraient cette année creuser le déficit pour pénalité de « non déclaration à l’Ursaff ». « On ne sait pas d’où ça sort. S’il y a eu des erreurs, pourquoi la DRH et le directeur financier restent en place ? » s’étonne un représentant du personnel. Par ailleurs, alors que le précédent PDG de RFI, Antoine Schwarz avait renégocié un vieux contrat avec TDF qui plombait l’entreprise, et ainsi fait économiser près de 5 millions d’euros par an à l’entreprise, en récompense, l’État a diminué d’autant le montant de sa subvention. Comme s’il n’avait pas trop envie que RFI sorte du rouge. Enfin les comptes 2008 de la radio internationale sont normalement alourdis par les indemnités de départ de l’équipe dirigeante précédente (entre 500 000 et un million d’euros). « C’est conjoncturel. En faire un argument supplémentaire pour virer deux cents personnes c’est se foutre du monde » s’étrangle un délégué du personnel.
Papier actualisé à 18 h 27 après l’annonce par le TGI de la date de sa décision, fixée au 12 mars
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Le plan social à RFI fera le plus de victimes dans les rédactions en langues étrangères. Certaines seront fermées, d’autres redéployées sur internet. De la rédaction en roumain personne ne souffle mot et pourtant elle sera, elle aussi, démantelée. Ses effectifs passeront de 9 journalistes à seulement 2 et son statut deviendra celui d’un "bureau de correspondants" pour RFI Roumanie. C’est à dire pour la filiale roumaine de RFI, qui ressemblera davantage encore à une quelconque radio roumaine, avec des contenus éditoriaux encore plus pauvres en international et en actualité politique, sociale et culturelle française et européenne. Le Maître d’Oeuvre de ce démantèlement annoncé c’est la Directrice des Rédactions en Langues de RFI, Bärbel Moser, qui a commencé par installer à la tête de la rédaction roumaine de Paris un informateur de l’ex Sécuritate de Ceausescu. Des documents officiels en ce sens, émis par le Conseil National pour l’Etude des Archives de la Securitate (CNSAS) ont été présentés à Bärbel Moser et à la Directrice Générale de l’époque, Geneviève Goetzinger, dès janvier 2008. Bien connue au sein de la rédaction roumaine, l’affaire a été également présentée sur son blog par un journaliste roumain, Ioan T Morar, du très connu hebdomadaire satyrique d’investigation "Catavencu" (ci-joint le lien) : http://morar.catavencu.ro/2008/07/18/mircea-iorgulescu-nu-a-fost-dat-afara-de-la-radio-france-internationale-dimpotriva/
Alors, il y a-t-il un rapport entre ce passé douloureux et inexpliqué et le démantèlement de la rédaction en langue roumaine de Paris ? Des membres de la rédaction affirment qu’il s’agit bel et bien d’une "punition collective" que Bärbel Moser, très contestée partout dans les langues, veut infliger à ceux qui, il y a trois ans déjà, s’étaient opposés à la transformation de la rédaction de Paris en simple "bureau de correspondants" pour RFI Roumanie.