France 24 est à la peine. La chaîne, dont on peut se demander à quoi elle sert, est minée par de vives querelles entre sa directrice déléguée, Christine Ockrent, et son PDG, Alain de Pouzilhac. Ambiance.
France souffre, France va mal, France ne sait plus où elle a mal. France qui ? France 24. Au point d’inviter Bakchich dans ses talkshows, signe évident d’indigence éditoriale – ou de géniale acuité. En tout cas, la confusion règne. Et le désordre a atteint son apogée.
Détrônée de son poste de directrice générale pour le simple strapontin de directrice déléguée (à 400 000 euros par an, tout de même), la reine Christine Ockrent boude. Alain de Pouzilhac, président devenu PDG, lui, plastronne. Et les deux têtes de l’Audiovisuel extérieur français (AEF, holding de France 24) de s’envoyer d’aimables peaux de banane, par chouchous interposés. Réputé proche de « Titine », le directeur de l’info, Vincent Giret, a été mis à pied sur ordre de « Poupou » puis licencié mardi 14 septembre. Sans aucun motif public pour l’instant. Albert Ripamonti, directeur adjoint choyé par Pouzilhac et qui avait porté le projet France 24, avait déjà préféré mettre fin à son déclassement en prenant la direction générale d’i-Télé. En conférence de rédaction, lundi 29 août, chacune de ses remarques a entraîné une cinglante repartie d’Ockrent, « qu’on n’avait pas vue aussi présente à la rédaction depuis longtemps ».
Ces luttes de pouvoir déroutent les troupes, qui, voulant dénoncer l’ambiance délétère au sommet, ont appelé à la grève, mais sans réussir à se mettre d’accord : le mardi pour la CFDT, le mercredi pour le Syndicat national des journalistes. La chaîne, qui a toujours nié incarner la voix et l’image de la France, se retrouve donc au diapason du pays et du pouvoir : brouillonne et sans ligne directrice, minée par des luttes internes. La voilà aussi perdue que le compagnon d’Ockrent au Quai d’Orsay, l’un des tuteurs de France 24 (les autres étant le ministère de la Culture et le Premier ministre).
Accouchée dans la douleur en 2006 autour d’un brinquebalant attelage (financement public mais capital détenu par France Télévisions et TF1), France 24 s’est toujours débattue. À commencer pour gagner le droit d’être diffusée en… France ! Veillant jalousement à protéger LCI, TF1 a longtemps freiné. Jusqu’à la sortie de cette dernière du capital en 2008.
Pouzilhac, quant à lui, a dû lutter pour son poste. Nommé en 2006 sous Chirac, son maintien n’était pas assuré avec l’avènement de Sarko Ier. D’autant que, comme l’a raconté Bakchich, son ancien employeur chez Havas lui voue une haine tenace. Vincent Bolloré, l’ami yachtman du Président, lui reproche ses coûteuses indemnités de départ. Un litige à 10 millions d’euros assorti d’une plainte pour abus de biens sociaux…
Mais même en terrain hostile, Poupou de Sète a su s’accrocher. Une fois Sarko élu, l’ex-pubeux l’a suivi à la trace. Avec cette étrange idée que, sitôt le squatteur du Château parti en vadrouille, il vérifierait que France 24 était bien diffusée dans sa télé. Pouzilhac a donc chargé ses équipes de découvrir où logeait le Président en déplacement, histoire d’installer fissa la chaîne dans ses chambres d’hôtel. Il en allait de l’image de la France, de l’avenir de « F24 » et de son précieux poste. À 400 000 euros annuels.
Et tant pis si les coûts de raccordement sont exorbitants : après tout, France 24 n’engage que 80 à 90 millions d’euros d’argent public chaque année… D’ailleurs, pour l’année 2010, son déficit annoncé est de plusieurs millions d’euros. Et le budget 2011 sera connu en fin de semaine. Pour une chaîne qui revendique 20 millions de téléspectateurs hebdomadaires et un public potentiel de 115 millions de foyers, c’est ballot.
Rectificatif, 15 septembre
Le SNJ de France 24 tient à faire savoir que « contrairement à ce qui est affirmé dans votre article ‘France 24, luttes à la chaîne’ du mercredi 15 septembre, le SNJ n’a pas appelé à la grève. Du moins pas encore. »
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