Quand Ségolène censure les photos d’elle dans la presse

Le 18 juin dernier, Ségolène Royal en a pris pour son grade dans le 10ème arrondissement de Paris ! Devant 80 personnes, quatre journalistes répondant à l’appel du collectif « Ça presse ! », débattaient des nouvelles formes de censure. Une méthode d’influence du pouvoir politique a été particulièrement décortiquée : l’intervention des politiques sur le contenu des photo-reportages. Et comment, par exemple, madame Royal est très vite arrivée sur le tapis.

« C’est vrai que je me suis fâchée avec Ségolène mais je peux vous l’affirmer, toutes les rédacs photo ont eu des problèmes avec elle ». Dixit Déborah Atlan, responsable photo du Figaro. Certes, c’est un quotidien catalogué à droite qui parle, mais dame Royal ne se cantonne pas à ce genre de détail. Ségolène veut être la plus belle pour aller régner… Et tous les moyens sont bons, surtout quand il s’agit de son image.

Exemple. A l’époque des présidentielles, Jean-Luc Luyssen, photo-reporter à l’agence Gamma, suit le nouveau sex symbol socialiste pendant toute la campagne. Dès le début, Madame annonce la couleur. Le 15 novembre 2006, lors de son entrée officielle dans la campagne présidentielle, quatre journalistes ont le privilège d’être reçus dans son bureau, dont Jean-Luc Luyssen. Les clichés sont d’ores et déjà bookés (pré-achetés) par le JDD. Lorsque le journal dominical diffuse quelques photos de Ségolène, Paris-Match se manifeste pour acheter à Gamma d’autres clichés de la même série. Gamma refuse. La raison ? C’est Dominique Bouissou, l’attachée de presse de Ségolène Royal qui l’explique à Bakchich : les photos publiées dans le JDD n’avaient pas plu à sa patronne, qui a demandé à l’agence Gamma de cesser de commercialiser la série. Arrangeante, l’agence se couche et laisse dormir les épreuves dans un tiroir.

D’après nos informations, Paris-Match aurait aussi été contacté pour ne pas diffuser les photos. Mais le magazine, joint par Bakchich au téléphone, ne peut « infirmer ou confirmer l’information » (…) « Vous savez, nous explique-on au service photo, les journalistes qui pourraient vous répondre ne sont pas là… Personne, je crois, ne pourrait vous renseigner… ». Quand on a décidé de mettre une croix sur son passé…

Du politique au people

Une évolution assez récente inquiète les photo-reporters. Rue 89 s’en était fait l’écho en novembre dernier. La couverture photo des politiques est de plus en plus confiée à des photographes « people ». Moins regardants, plus attachés au glamour qu’au sens informatif et à l’échine plus souple, quel bonheur pour les politiques !

Exemple de l’agence H and K, spécialiste des portraits de stars, qui avait déjà pris soin de prendre des photos de la Madone, parues dans VSD et analysées par Bakchich. Rebelote en décembre 2007. H and K shoote une série de photos pour Le Point qui obtient l’exclusivité de la sortie du dernier opus de Ségo Ma plus belle histoire d’amour c’est vous. Interviewé, le responsable commercial d’ H and K affirme la voix légère que « comme avec tout le monde, on fait une séance de photos, puis, après, chacun choisit les siennes ». A l’hebdomadaire Le Point, Jocelyne Foliot, responsable photo, confirme. « Oui, l’agence nous a transmis les photos mais c’est nous qui avons choisi la une. » Ouf ! Après un premier choix par Ségolène, Le Point a donc droit d’effectuer son propre tri. Nous voilà rassurés.

Jocelyne Foliot nous en dit plus sur le cas Ségo : « c’est vrai qu’elle est un peu à part, elle a très peur d’être montrée à son désavantage. » On imagine sans peine qu’il sera plus avantageux, pour la star, de passer par une agence comme H and K qui montrera peut-être davantage son sourire que ses grimaces… La responsable photo du Point la défend : « faut pas chercher la petite bête, Ségolène Royal est une femme… c’est peut-être normal qu’elle fasse attention à son image ».

Ciel, le canon de la beauté féminine justifierait-il le contrôle des images ? Rassurons-nous, les hommes aussi sont concernés. Que ce soit le gommage de ses bourrelets ou le licenciement téléguidé de Genestar, Sarko tient à garder la main sur les diffusions d’image le concernant de près ou de loin.

Les temps sont durs

Sale période pour les photographes de presse. Mais bonne période pour les hommes politiques qui veulent utiliser la presse comme un miroir ami ! « De plus en plus utilisés comme pigistes – 50% des photo-reporters contre 21% pour les autres journalistes – les photo-reporters, très souvent précaires, acceptent tout ou presque », selon Christian Delporte, historien des médias [1]. Peuvent-ils, alors, se soustraire aux curieuses demandes du monde politique ?

Selon Luyssen, « si on n’a pas d’exclusivités, on dépense trop d’argent. Si on ne suit les politiques qu’au petit bonheur la chance, on dépense trop de frais d’avions, de trains, d’hôtels… pour des photos qu’on n’est pas sûr de vendre alors que si, par exemple, Ségolène Royal ou quelqu’un d’autre nous offre l’exclu dans son bureau, il y a une plus value. » Alors, pour entrer dans le bureau de Ségolène, on ne discute pas sur les détails… « Les photo-reporters se plient aux stratégies de com’ des politiques, toujours plus huilées », ajoute Delporte. Photos de cuisine, photos de maman avec bébé, photos de Médor, on joue l’intime à fond. Serait-ce pour cela que Sarkozy souhaite choisir « intimement » le président de France-Télévisions ?

Lire ou relire dans Bakchich :

Et sainte Ségo transforma le vin en eau

Sarko, sans qu’il le demande, voit ses bourrelets corrigés sur les photos. Royal, elle, travaille avec entrain son image de sainte.

Quand l’État négocie le salaire du patron de France Télévisions

A voir comment l’État négocie les salaires des patrons successifs de France Télévisions, on se dit qu’avec la suppression prochaine de la publicité, ceux-ci risquent comme les autres, de se retrouver au pain sec. Et ce, malgré les propositions (…)

Censure : la lettre Choc de Sarko

« Choc », le magazine généreusement illustré de Lagardère media, est la dernière victime de la lubie maison : le caviardage. Une double page du journal a été retirée juste avant la mise sous presse. Une étrange lettre reçue par Sarko Ier, président de son (…)