Jacques Sarasin, réalisateur du film « On the Rumba River », qui sort en salle ce mercredi revient pour « Bakchich » sur la situation en République Démocratique du Congo où sévit depuis quelques années une « guerre civile entretenue par des intérêts géopolitiques étrangers ».
En arrivant en France, après le tournage de mon film qui navigue entre la joie et la nostalgie, j’avais un goût amer, l’étrange impression d’être retourné chez moi et d’avoir laissé dans leur misère les formidables « acteurs » avec lesquels j’avais passé deux mois.
Car aujourd’hui, la République Démocratique du Congo – RDC – est un pays où des acteurs économiques internationaux traitent avec des rebelles et des agresseurs extérieurs pour piller les ressources naturelles appartenant au peuple congolais qui, lui, a faim. Aussi, depuis quelques années, près de quatre millions de morts ont été victimes d’une guerre civile entretenue par des intérêts géopolitiques étrangers.
La bande annonce du film :
Cette dramatique vérité contraste incroyablement avec la médiatisation à outrance du drame du Darfour. Pourquoi un tel silence sur la RDC ? Pourquoi les BHL, Kouchner et Cie ne disent-ils pas un mot sur les millions de morts ignorés de la RDC ?
En me documentant pour le montage du film, je suis tombé sur divers documents, dont un rapport d’experts (page 40, article 182) remis au Conseil de Sécurité de l’ONU le 12 avril 2001 : le Groupe d’experts a recueilli des informations qui montrent que les liens entre un certain nombre d’acteurs et de parties prenantes sont si bien structurés que certains gouvernements ainsi que des entreprises importantes et de bonne réputation mènent leurs activités en toute confiance. Ainsi, toute la documentation nécessaire à l’exportation de la colombotantalite (coltan) est délivrée à Kigali, avec des complices au Ministère des mines à Kinshasa. Mais les entreprises importatrices et leurs intermédiaires sont parfaitement au courant de son origine réelle. Selon des manifestes de chargement dont le Groupe a reçu communication, la société Sabena Cargo et la filiale SDV du groupe Bolloré figurent parmi les principaux maillons de ce réseau d’exploitation et de poursuite de la guerre. Des milliers de tonnes de colombotantalite ont ainsi été chargées à partir de Kigali ou ont transité par le port de mer de Dar es-Salaam.
Le Groupe Bolloré est également cité dans la « Synthèse de l’Additif au mémoire N° S/2001/1156 du Gouvernement de la RDC en octobre 2002, page 11 article 43 », avec les sociétés suivantes, impliquées d’une manière directe ou indirecte comme auteur, co-auteur ou facilitateur du pillage et de l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres formes des richesses de la RDC : Anglo americain, Ashanti Goldfields, Barrick Gold Corporation (BGC), America Mineral Fields (AMFI), Banro, Cluff Mining, Rhodes Mining, Diamond Works, Krall Metals, Russel Ressources Group, Finconcord, Finmining Ltd, Raremet Ltd, Eagle Wings Resources EWR, Dara-Forest, Kinale Saw Milles, Nottington trading, Masingiro Gmbh, BV Chemie, Cogecom et Amalgamed-UK.
La trop fameuse malédiction des ressources naturelles fait son œuvre. Personne, aucun gouvernement n’est intéressé à la mise en place d’un pouvoir fort et indépendant en RDC. Les conflits permettent aux sociétés multinationales d’agir hors de toutes règles de bonne conduite. Quand le peuple congolais pourra-t-il enfin bénéficier de la richesse de son pays ?
Lire ou relire dans Bakchich :
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