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CULTURE / CHRONIQUE CINÉMA

Papa Wendo chante l’idylle du Congo

cinéma / samedi 17 mai 2008 par Olivier Azam
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Dans son film « On the Rumba River » (sorti le 14 mai), le réalisateur Jacques Sarasin fait un beau portrait d’une star de la Rumba congolaise, « Papa Wendo ». Dommage que Wendo ne fasse que chanter, il avait des tas de choses à raconter, lui qui connaissait bien Patrice Lumumba, le premier ministre de l’indépendance.

Le chanteur Wendo Kolosoy, dit « Papa Wendo », était une star de la Rumba congolaise, du temps où il y avait encore assez d’argent à Kinshasa pour se payer saxos et trompettes. Aujourd’hui, lui et sa vieille bande de potes font encore frémir les mamans et les papas qui préfèrent onduler au son de la Rumba congolaise d’antan que s’agiter au N’dombolo.

« Tu pourrais te bouger pour trouver un travail… Sinon c’est toi qu’on va manger ! », prévient la maman à son mari Wendo, qui somnole. On ne sait pas si la dame dit vrai, mais c’est du cinéma…

Un image du film Rumba river

En tout cas, la caméra est bien là, il faut la nourrir, et en République Démocratique du Congo, nourrir qui que ce soit, n’est pas une mince affaire. Devant les magnifiques images de « On the Rumba River », on en oublierait presque qu’on est dans une des villes les plus ravagées du monde : Kinshasa, jadis célébrée « Kin la belle », aujourd’hui parfois raillée « Kin la poubelle ». Jacques Sarasin a choisi de nous montrer Kin la « encore belle ». Belle comme sa lumière de fin d’après-midi, belle comme sa musique d’avant le « coupé décalé », Kin la bien sapée, comme ces vieux tirés à quatre épingles malgré la « conjoncture ».

Le film pourrait être documentaire ou fiction, on s’en balance… sur le tempo tranquille d’une vieille Rumba congolaise. Près du fleuve, on se laisse porter tranquillement pendant 1 heure et 26 minutes. Sarasin croit au cinéma, donc au hors champ, tout ce qu’on doit sentir par nous-même et qu’il ne nous dit pas.

La bande annonce du film :

A tout moment, tout peut exploser

Au détour d’un très gros plan, surgit parfois l’âme du film, sa vérité. Comme ces gouttes de transpiration qui perlent au cou de Joseph Munangue « Maproko », ne ménageant pas ses efforts sous l’apparente douceur de ses chorus endiablés par son vieux saxo.

A tout moment, on sent que tout peut exploser, mais que tout recommencera toujours. Comme la grosse pluie qui ruisselle dans le caniveau au rythme des percussions, à moins que ça soit le contraire. Quoi qu’il arrive, les percussionnistes caressent ce qu’il reste de leurs caisses de bières, et les couples dansent encore, en attendant des jours meilleurs.

A l’époque « où les colons flamands faisaient régner la terreur », nous rappelle Papa Wendo, tout le pays avait dansé sur son tube « Marie Louise ». Selon la légende, la chanson pouvait réveiller les morts et faire danser les génies du fleuve. Du coup, les prêtres belges avaient voulu faire arrêter Wendo. Il raconte que même les flics l’avaient défendu car, après tout, il ne faisait que chanter. Wendo s’était éclipsé en chantant, et plus d’un demi-siècle plus tard, il chante encore, preuve qu’ils ne l’ont pas eu ! Papa Wendo n’en dira pas beaucoup plus. Il est comme ça Papa. Tout en retenue, comme sa musique.

Des « je t’aime » sous les bombes

D’une séquence l’autre, les vieux sont toujours là, discrets, mais les regards remplis d’histoires bien gardées. Parfois ça éclate… En sanglots, quand la danseuse raconte la perte de ses enfants et de son mari. En révolte, quand un musicien nous raconte comment, dans son pays, en Angola, les colons portugais interdisaient les chants en Lingala parce qu’ils ne comprenaient pas les paroles potentiellement dangereuses, comment ils avaient bombardé un bar à musique où l’on chantait pourtant : « Vicky ma chérie. Je t’aime, ne pars pas ! »

C’était à côté, en Angola. Ce qui s’est passé ici, au Congo des colons belges, devenu Zaïre de Mobutu, pour finir République Démocratique du Congo des Kabila père, puis fils, Papa Wendo ne le raconte pas. Des fresques l’évoquent entre les lignes. Papa Wendo chante. Jusqu’à la dernière séquence où, devant le fleuve qui dégueule ses vieilles épaves de bateux, il décide quand même de fustiger les politiciens de son pays, sans pour autant se risquer dans les profondeurs du fleuve. On n’en saura pas plus. Ainsi l’ont voulu l’acteur et le cinéaste.

Dommage, on ne parle pas de Lumumba

Le film se termine par un carton texte, qui explique tout le mal qu’on peut penser des pillards internationaux, responsables des millions de morts congolais. Ces quelques lignes surgissent du fleuve comme pour s’excuser d’avoir choisi le cinéma plutôt que le journalisme. D’avoir gardé le mystère, plutôt que de le dévoiler. Papa Wendo gardera son secret et chantera la Rumba.

C’est sur cette frustration, pourtant tellement cinématographique, que m’a laissé « On the Rumba River », à voir, en tout cas (comme on dit à Kinshasa) ; avant que je me jette sur la plaquette qu’on m’avait donnée avec le film. Dans un entretien, Jacques Sarasin explique que la seule exigence de son protagoniste fut de ne pas parler de Patrice Lumumba, le premier ministre de l’indépendance, dissous dans l’acide par la CIA et les autorités coloniales belges, avec la complicité du jeune Mobutu, qui lui avait été choisi par l’axe du bien (mais tout ça est une longue histoire). Wendo aurait été un ami de Lumumba, suffisamment pour que ce dernier lui confie la caisse du parti quand il partait en manifestation (preuve d’une très grande confiance chez un Congolais !).

Papa Wendo a traversé les horreurs des colons, celles du dictateur, les guerres, et « le désert », comme on dit des artistes dont on n’a plus de nouvelles. Mais Papa Wendo n’a pas été dissous dans l’acide. Et il est plutôt rassurant de savoir qu’il est encore là, près du fleuve, pour chanter la Rumba de papa, ne plus réveiller les morts, mais faire danser les génies du fleuve. En tout cas.

Voir un extrait du film

Lire ou relire sur Bakchich :

Jacques Sarasin, réalisateur du film « On the Rumba River », qui sort en salle ce mercredi revient pour « Bakchich » sur la situation en République Démocratique du Congo où sévit depuis quelques années une « guerre civile entretenue par des intérêts (…)
Partenaire d’un film qui sort mercredi 14 mai sur les écrans en France, Bakchich met en ligne en avant-première la bande-annonce de On the rumba river. Pas vraiment un film musical, même si on y écoute cinq ou six chansons. L’acteur principal n’est (…)
« On the Rumba River », un film de Jacques Sarasin. Sorti au cinéma le 14 Mai 2008.

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