Baptisées la Floride du PS, les fédérations des Bouches-du-Rhône et de l’Hérault restent bien discrètes dans le débat actuel sur la fraude au sein du parti. La prime à l’expérience ?
Un vent de changement souffle sur le PS. Si, si promis. Et ce grâce au scrutin le plus drôle du monde, l’élection vendredi dernier du Premier secrétaire, qui dans les dernières heures a viré à la bataille judiciaire. Entre plainte contre X pour faux en écriture de la part du camp Royal et menace de procès en diffamation côté Aubry.
Une guerre de tranchées qui, si elle respecte l’histoire en se tenant dans la fédération du Nord, jure un peu après la si particulière aventure socialiste. Pas un mot des ténors sur les fédérations à l’accoutumée regardées de travers, à savoir l’Hérault ou les Bouches-du-Rhône, massivement royaliste et autrefois baptisées « la Floride du PS » [1]…
« Le scrutin s’est très bien passé. C’est la révolution dans le Nord mais ici tout est calme », s’étonne presque la famille socialiste marseillaise, qui a massivement voté pour Ségolène Royal. 72,49% pour 4609 voix dans l’escarcelle de la Madone du Poitou. Carton plein et rideau tiré. Depuis ni Jean-Noël Guérini, le tout puissant patron de la fédération, ni Patrick Mennucci, pourtant baptisé « Ségolin », ne sont montés au créneau pour rentrer dans le lard des aubrystes.
Pire, le brave Eugène Caselli, président de la fédé qui ne tousse jamais sans l’accord de Jean-Nono, a reconnu dès vendredi soir, la victoire de Aubry.
Idem du côté de Montpellier où les résultats du vote de vendredi, très favorables à Dame Royal ont immédiatement été avalisées. 67,21% des votants et 2880 bulletins. Sans qu’aucune voix ne s’élève.
Malgré les petites imperfections habituelles. Assesseurs gentiment mais prestement priés de faire une pause sur les terres de l’exclu mais toujours maître chez lui Georges Frêche. Vote sans carte de militant ni carte d’identités dans quelques bureaux de vote des Bouches-du-Rhône privée d’isoloir. De petites anicroches toutes simples. Pour des résultats gérés en amont.
« Les résultats du second tour sont cohérents avec ceux du premier tour et des motions, donc incontestables. C’est une tradition dans des fédés très personnalisées et dépolitisées », analyse d’éminents et malheureusement volatiles socialistologues. Comme un écho aux déclarations de Daniel Vaillant, ancien ministre de l’Intérieur assigné à la commission de « recolement » : « pas question d’arriver à une comptabilisation incontestée. On n’a pas refait les totaux, on n’est pas là en comptables ».
En résumé, ces fédérations bien identifiézs ont fait l’objet d’accord respectés, « une vieille pratique du parti », s’émeut presque un cacique de la maison.
Lors du référendum interne sur le traité de constitution européenne en 2004, dernier grand moment de déchirement rue de Solferino, la bascule entre le oui et le non avait ainsi fait l’objet d’ardues tractations, poussées par Laurent Fabius lui-même. Les 25 % de vote négatif lors du référendum interne font même figure de score honorable pour Laurent Fabius tant sa débâcle était ici prévisible.
Pendant la campagne, l’alors numéro 2 du PS s’inquiétait plus de l’ampleur qu’allait prendre la défaite de son camp, que de la défaite elle-même. À en croire le Nouvel observateur (du 4 novembre 2004), l’ancien Premier ministre a négocié le vote avec le patron local du PS et président du Conseil général des Bouches-du-Rhône, Jean-Noël Guérini, un scrutin propre. L’écart ne devait pas dépasser 2 500 voix. L’article n’est pas passé inaperçu dans la cité phocéenne. « Un article bien informé. Mais qui n’a pas trop plu au patron » confessait alors un membre de l’appareil.
Rebelotte pour le congrès du Mans en 2005, où les opposants à François Hollande devaient aller négocier pied à pied et sous la chaleur étouffante d’Aix-en-Provence l’été, le pourcentage de leur motion.
Et au soir du vote des motions du Congrès de Reims, comme l’avait narré Bakchich, Patrick Mennucci avait amusé la galerie. « Je ne connais pas les résultats à Marseille. – Ah Bon ? - Enfin en tout cas c’est pas 76%. – Mais on croyait que vous ne les aviez pas »…Rires mi-gênés, mi-complices.
Mais depuis motus ! Le blog de Jean-Noël Guérini est resté bloqué à la date du 22 novembre, lendemain du deuxième tour. La page d’accueil du site de la fédération Bouches-du-Rhône ne dit pas un mot du scrutin. Et nul ne soutient Ségolène dans une nouvelle volonté de vote. « Ils savent qu’Aubry a été élu et ils ne veulent pas que les regards soient braqués vers eux pour un nouveau vote », s’ingénie ingénu, un soupirant de Martine. D’autant qu’à en croire de petits indiscrets locaux, « la base socialiste marseillaise ne comprend pas l’entêtement de Guérini à se ranger derrière Royal ».
Mais histoire de ne pas insulter l’avenir, la délégation royaliste auprès de la commission de recolement compte quand même un délégué marseillais, Jean-David Ciot, ancien trésorier de la fédération. De l’art de bien se placer…
A lire ou relire sur Bakchich.info
[1] en référence aux élections américaines de 2000