Jean-Louis Murat sort un nouvel album. Ni un grand cru, ni un cru mineur. Un disque correct.
Il en va de l’œuvre de Murat comme celle de Woody Allen : chaque année draine une nouvelle création, aussitôt estampillée « grand cru » (Mustango, Le moujik et sa femme, Moscou) ou « cru mineur » (Vénus, Madame Deshoulières, A bird on a poire). Et selon la formule consacrée, un mauvais Murat ou un mauvais Woody Allen sera toujours meilleur que la piquette fournie par la concurrence.
Le cru 2009 s’intitule Le cours ordinaire des choses [1]. Autant dire qu’une fois de plus, on ne va pas rigoler sous son manteau de pluie. Jugez plutôt l’entrée en matière du disque : « Inutile de me chercher, de me chercher parmi les morts / Inutile de m’adorer / L’âge de pierre au royaume où tout fabrique du faux / Âmes sombres, jours funèbres, que le cœur me paraît pauvre / Le cours ordinaire des choses me va comme un incendie ». La société de consommation 2.0 comme bûcher de l’âme du poète, la belle affaire : Rimbaud aussi avait mal aux autres, comme dirait Calogero.
Sur la pochette, le visage autant spectral que christique de Murat se fond avec le paysage crépusculaire et broussailleux dans lequel ses cheveux s’enflamment. Le voyant rimbaldien dans la nuit de son époque ? Plus sûrement Diogène trimballant sa vieille lanterne à Nashville cette fois-ci. Eddy Mitchell, Johnny et Murat ont les mêmes rêves, ça leur fait un point commun. L’auvergnat a donc posé ses flight cases dans le berceau légendaire du country pour enregistrer avec des musiciens prestigieux. Pour un résultat qui sent bon le spleen automnal du chef, pas plus celui de Nashville que d’ailleurs. Il n’y a pas de déterminisme climatique chez Murat, vous ne le ferez pas enregistrer un album de reggae en Jamaïque, ni un album de blassmusik en Alsace. Mais pourquoi aller à Nashville ? A-t-il gagné un voyage dans une émission radiophonique de Nagui ? Impossible. La motivation du seul vrai bluesman français paraît évidente : l’envie de retourner aux racines, vivre une nouvelle part de légende, se frotter aux fantômes du Tennessee et aux musiciens américains tombés dedans quand ils étaient petits.
L’album démarre donc sur le brûlant « Comme un incendie », meilleure intro d’un disque de Murat depuis « Les jours du jaguar » (sans l’égaler). De l’huile bouillante coule dans les veines du chanteur nostalgique des temps bellicistes, au nom de scène emprunté à un maréchal de France. A vrai dire, les choses sérieuses commencent au quatrième titre : « Chanter est ma façon d’errer », première descente délectable à bord du rafiot existentiel de Murat et de sa Margot, avec pour boussole la poésie surannée de l’ogresse voix. On ne s’attardera pas sur « M Maudit » et « 16h00 qu’est-ce que tu fais ? », deux morceaux qu’il aurait mieux fallu remplacer par les deux inédits mis en ligne cet été sur son site officiel : « Ruby » et « Princesse évaporée ». Il faut attendre la plage 8 pour atteindre l’extraordinaire du disque : « La mésange bleue », fable poudreuse pour heure bleue lacrymale. « Comme un cowboy à l’âme fresh » nous sort du songe d’un coup de fouet ultra efficace, qui fait mouche grâce à la gueule de bois du clavier. Dernier morceau du disque, « Taïga » défile comme le générique de fin du Jour du Seigneur. La lumière chrétienne de la rédemption frappe l’auvergnat, enfin lavé de son âme d’hibernatus indécrottable, pendant cinq minutes. Le cours ordinaire des choses a le charme d’un Murat correct. Déjà disque de l’année pour mon vieux chat.
Bakchich : La chanson « La tige d’or » présente des réminiscences avec « Si je devais manquer de toi », est-ce volontaire ?
Jean-Louis Murat : J’ai autre chose à foutre que de me citer. Je mets ma volonté ailleurs.
Bakchich : « Comme un cow boy à l’âme fresh » fait penser au Joe Dassin première période (country), cela sonne-t-il comme un compliment à vos oreilles ?
J-L.M : Chacun ses références. Le XXe siècle c’est Trénet et Dassin, qui puis-je ?
Bakchich : Il y a quelques années, Carla Bruni a annoncé qu’elle allait vous consacrer une chanson, intitulée « Mister M ». Qu’est devenue cette chanson ?
J-L. M : Il faut demander à l’intéressée.
Bakchich : Frédéric Mitterrand a déclaré : « nous avons tous un peu de Michael Jackson en nous ». Qu’est-ce que Jean-Louis Murat a de Michael Jackson en lui ?
J-L. M : Fredo devait penser paire de couilles et trou de bal. Je suis un homme quoi de plus naturel en somme.
Bakchich : William Sheller, qui vous a aidé à vos débuts, a déclaré à Bakchich : « Signer contre le téléchargement illégal ? Autant signer pour condamner les nuages qui passent ». Vous sembliez heureux de la crise du disque il y a quelques années, puisque cela allait permettre de défricher le terrain au profit des artistes de scène. Quel bilan tirez-vous aujourd’hui de la situation ?
J-L. M : Beaucoup de retraités du biz qui se sont faits de l’or en –70 et –80 ne veulent pas de descendance. Ils veulent rester seuls, ils pensent être modernes en disant n’importe quoi, pauvres gens. Ils nient le droit d’auteur parce qu’ils savent bien qu’ils ne sont pas des auteurs… enfin, j’imagine. Quant aux nuages… c’est l’anthropophagie légalisée. Vive la liberté pour les cons. Foutaises !
Bakchich : Quel est votre pire souvenir de scène ?
J-L. M : Personne dans la salle.
Bakchich : Êtes-vous plutôt Carla Bruni ou Mylène Farmer ?
J-L.M : Les deux.
Bakchich : Cali ou Miossec ?
J-L. M : J’adore.
Bakchich : Zemmour ou Naulleau ?
J-L. M : Les deux.
Bakchich : Raymond Domenech ou Estelle Denis ?
J-L. M : Je préfère les filles.
Bakchich : Johnny ou Didier Wampas ?
J-L. M : Lequel mourra le premier ?
Bakchich : Christine Angot ou Eric Reinhardt ?
J-L. M : Joker.
Bakchich : Renaud ou Grippe A ?
J-L. M : Pour la grippe y a des vaccins, pour l’autre l’euthanasie.
Bakchich : Amoureux des lettres, vous pourriez aisément écrire des livres, comme Manset. Etes-vous parfois tenté de vous lancer dans l’écriture d’un pavé ?
J-L. M : Un livre de merde à la Manset non merci.
Bakchich : Quel est votre dernier coup de cœur littéraire ?
J-L. M : Homère.
Bakchich : Puisque vous aimez les femmes (duos avec Farmer, Camille, Huppert, Bruni, etc.), vous pourriez reprendre « Vous les femmes » de Julio Iglesias. Le buzz médiatique serait assuré en tout cas. Vous aimez cette chanson ?
J-L. M : Je l’ai chantée des centaines de fois sur scène. Je l’ai même enregistrée (exemplaire unique gagné par fan n°2, il me semble).
[1] Dans les bacs le 21 septembre
Non, JLM n’est ni antipathique ni misogyne. C triste de ne pas faire la part du cirque média, et de la personne réelle. Surtout lorsqu’on lit Bakchich !!!
Sinon, excellent article, de plus Sébastien Bataille connaît son Murat sur le bout des doigts. Mes chats aussi sont d’accord. Cordialement