Son premier était neurasthénique. Son deuxième album, "Evenfall", un peu plus lumineux. Interview de Sébastien Schuller.
Le premier album de Sébastien Schuller a provoqué en 2005 son petit effet dans quelques titres de la presse branchouille et lui a permis de s’attirer les faveurs d’un public. L’objet, neurasthénique à souhait, proposait une musique ambient à base d’electro vaporeuse. Le tube du disque, « Tears coming home » - au final très « Ashes to ashes » de Bowie -, procurait la sensation de se trouver dans la peau du personnage de La métamorphose de Kafka. Cette transformation en cafard eut fait un bon clip (au ralenti, pour mieux apprécier l’effroi). Il y a du Cocteau Twins dans les climats fantomatiques de Sébastien Schuller, habités d’une voix réverbérisée à l’extrême.
Aujourd’hui, le chanteur revient avec un nouveau recueil : « Evenfall ». Le premier titre, « Morning Mist », nous plonge dans une ambiance monastique de carton-pâte, entre Richard Clayderman et Radiohead. Paraît-il que l’album est conceptualisé autour de la lumière et son évolution dans la journée. La lumière inactinique des chambres capitonnées plongées dans le noir ? Peut-être sur les trois premiers morceaux. Mais un beau clair-obscur apparaît sur « Awakening » et ses fantômes planqués dans les recoins de la voix éthérée. Le jour se lève enfin sur l’album. Frissons. Puis vient « The border » et son bel allant poignant, entre A-ha et Radiohead, ça progresse.
« New York » évoque des jonques chinoises baignant au petit matin dans l’effervescence d’un marché flottant. Le sommet du disque s’appelle « Battle » et nous transporte en plein épilogue de Virgin Suicides, avec en surimpression un ballet d’hélicoptères de Coppola père. Faisceau lumineux irréel, lunaire. Si un biopic se monte sur la vie de Michael Jackson, il faudra demander à Sébastien Schuller de composer la musique de la scène finale, celle des derniers instants avec le docteur Conrad Murray.
« Evenfall » se termine sur un triptyque nocturne idéal pour petites soirées occultes entre amis. « High green grass » boucle la boucle en mode After hours, entre Thom York et Radiohead.
La pochette du disque ne vous rappelle-t-elle pas la salle d’attente de votre cabinet dentaire préféré ? Vous savez, quand vous avez besoin de réconfort, et que ce vieux recouvrement mural représentant un bord de mer du bout du monde ou un petit coin de paradis verdoyant vous offre la seule évasion possible. L’album procure un peu la même sensation : on se détend en regardant sa montre au milieu d’un environnement qui essaye de nous faire rêver et y parvient avec un léger décalage.
Bakchich : Pourquoi ce choix de chanter en anglais ?
Sébastien Schuller (SS) : Pourquoi pas…
Bakchich : Avez-vous appris l’anglais avec Tears for Fears (« too many tears / too many fears ») ?
S.S : Tears For Fears oui bien sûr, ainsi que d’autres, puis le Hopelandic avec Sigur Ros.
Bakchich : A l’écoute de votre album « Evenfall », on a l’impression d’être plongé dans un rêve de Brian Wilson. Est-ce la quête du Beau qui vous fait avancer ?
S.S : D’une certaine manière bien sûr, même si l’étrange est tout aussi attractif, tout ça reste bien relatif.
Bakchich : Qu’est-ce qui fait rêver Sébastien Schuller dans la vie, à part boire des bières toute la nuit allongé sur le sable ?
S.S : Et bien pas vraiment le fait de boire des bières, figurez-vous, mais plutôt l’idée de m’éloigner de la connerie. Le problème, c’est qu’il faut partir loin pour ça.
Bakchich : Il y avait un tube potentiel (« Tears coming home ») dans le premier album, mais ici, aucune trace de fulgurance pop, juste des lambeaux de mélodies éparpillés au vent. Syndrome Mark Hollis (chanteur de Talk Talk instigateur du suicide commercial de son groupe après avoir aligné une série de tubes pop/rock dans les années 80) dès le deuxième album ?
S.S : Oh non, cet album est rempli de tubes potentiels.
Bakchich : Que pensez-vous de la déclaration de Moby à propos de son dernier disque : « Je voulais faire quelque chose que j’aimerai, sans me préoccuper de la manière dont le marché l’accueillerait, la créativité comme but ultime, dégagée de toutes pressions mercantiles ».
S.S : Je pense que lorsque l’on commence à trop à se préoccuper du marché, on oublie ce qui est essentiel en musique, et du coup on produit une musique éphémère, qui ne restera pas.
Bakchich : Y a-t-il de la place pour des voix féminines dans vos compositions oniriques ?
S.S : Certainement.
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