A part Thriller, quel disque peut remporter le titre d’album de l’été 2009 ? Petit tour d’horizon des prétendants.
On aimerait tant dire du bien d’Helmut Fritz : ses tubes « ça m’énerve » et « Miss France » fonctionnent impeccablement, leur originalité est rafraîchissante. Mais déjà, la pochette de l’album est copiée sur celle des « Paradis perdus » de Christophe, et ça, ça m’énerve !!
Pour le reste, les 12 titres apparaissent comme une déclinaison de « ça m’énerve », en moins bien. On sourit par-ci par-là aux paroles misanthropes (« Tu l’as pas créé tu le vends », « Mister hype », etc.) mais rien n’y fait, l’electro dance d’Helmut Fritz lasse sur la longueur de l’album. Pire, le chanteur réussit à rendre son personnage antipathique, alors qu’il avait toutes les cartes pour le rendre attachant : il s’enferme dans son rôle d’énervé sans développer la palette des nuances, sans offrir de faille, musicalement et textuellement, et son expression s’en retrouve figée. Même Karl Lagerfeld sait doser avec parcimonie ses sourires de dandy télégénique. Ce premier album a pour mérite de nous révéler un auteur vraiment urbain et vraiment néo-réaliste, qualificatifs pourtant réservés pour des raisons de convenance culturelle aux seuls rappeurs et chansonniers de la nouvelle scène française. Le problème, c’est qu’Helmut Fritz s’inscrit dans la filiation d’un Edouardo (l’accent façon 7ème compagnie, le regard de la France d’en bas sur la société) electro et grincheux, coincé dans sa caricature.
Ça commence comme du Nick Drake, ça en a le goût, la couleur, la saveur, mais ce n’est pas du Nick Drake. Graham Coxon est le guitariste de Blur, il signe avec « The spinning top » son 7ème album solo. L’objet, tour à tour intemporel, fascinant, déroutant, sent bon le foin et la sérénité champêtre au premier abord, avant de révéler les horizons noirs et tourmentés d’un folk faussement rupestre. Mais s’il oscille entre Nick Drake, Bob Dylan et Tyrannosaurus Rex pendant 70 minutes, le musicien n’oublie pas pour autant qu’il est le guitariste de Blur (« This house », « Dead bees »). Pas le disque idéal pour animer les barbecues mais plutôt pour la nuit qui se prolonge autour d’un bon cigare et d’une bonne étoile.
Moby annonce dans le dossier de presse qu’il a voulu enregistrer un album dégagé de toutes contingences commerciales. Mais il le commercialise et l’on s’aperçoit qu’il renoue avec les ficelles de « Play » et « 18 » (voix bluesy craquantes et musique planante qui donnent envie d’acheter une voiture neuve illico), ses deux plus gros cartons. En même temps, il ne pouvait pas faire pire que le catastrophique « Last night » sorti l’année dernière. Pour tout dire, ce nouvel album tombe mal, il est sorti quatre jours trop tard : quatre jours après la mort de Michael Jackson. A la lumière des évènements, on peut penser que le titre, « Wait for me », s’adressait à Michael, qui ne l’a finalement pas attendu. Et pourtant, le disque regorge de morceaux funèbres, requiem electro post-mortem taillé pour le 25 juin 2009. Après, c’est trop tard. Le morceau « Le grand incendie » de Noir Désir est sorti le 11 septembre 2001, c’était le timing parfait pour conférer à l’œuvre son aura troublante. Mais il n’est jamais trop tard pour bien faire (et apprécier « Wait for me » à sa juste valeur) : gardez toujours le cd sur vous, au prochain choc psychologique mondial (le départ à la retraite de Céline Dion par exemple, une idole est vite partie), sortez l’objet de votre poche et posez-le dans le premier lecteur venu. Si vous vous trouvez chez votre belle-mère, vous ressentirez pleinement ce sentiment de solitude incommensurable inscrit dans les intentions de Moby.
Le voilà l’album de l’été 2009 : fulgurant, dark, chaud, mélodique. Chris Corner (monsieur I AM X) est un enfant de l’electro pop des années 80 (Icehouse, Ultravox, Depeche Mode, etc.) et en a retenu le meilleur : tubes entêtants et dionysiaques abondent dans ce recueil intemporel qui ne peut laisser personne de marbre. Adoubé par des figures de la culture pop (Simon Le Bon par exemple), Chris Corner a fomenté seul ce troisième album d’I AM X, « Kingdom of welcome addiction », pour le meilleur d’un genre malheureusement confiné aux pages des magazines gothiques aujourd’hui en France. La présence de ballades épiques (« I’am terrified », « The stupid, the proud ») en dentelles rouges et blanches aux côtés d’hymnes lyriques en costume noir (« You can be happy », « The great shipwreck of life ») offre le plus beau mariage de la saison.
Lisez bien la première phrase : "A part Thriller, quel disque peut remporter le titre d’album de l’été 2009 ?". Ce qui signifie que Thriller est naturellement inclus dans le Top 5. Avec les quatre albums chroniqués dans l’article, on a bien le compte : 4+1 = 5
Sébastien Bataille