Pour bien commencer l’été : une remasterisation et une révélation. The Rolling Stones et la française Brune.
Quoi de mieux, pour commencer l’été, qu’un album légendaire enregistré au bord d’une piscine ? Une écoute vierge de l’objet, à l’aune des productions actuelles, s’impose face à l’imposant devoir de mémoire rock’n’roll développé autour de cette réédition. En ces temps de résistance protéiforme, essayons de résister au concert de louanges automatique affilié à l’objet : écoutons l’album phénomène (enregistré en 1971) pour ce qu’il est : un produit destiné à surfer sur la vague rentable des remasterisations foisonnantes, nouvelles bouées de sauvetage de l’industrie du disque.
"Exile on main street" est un disque de rhythm’n’blues rock et alerte - flingué par la critique lors de sa sortie -, que Jagger a tenté de sauver par tous les moyens de postproduction possibles, jusqu’à prendre en main le mixage seul, pour un résultat qui le rend toujours perplexe aujourd’hui. Les Doors souhaitaient susciter de la perplexité chez leurs auditeurs, Mick Jagger a réussi là où les Doors ont échoué (on n’est jamais perplexe à l’écoute des Doors).
Pour dire les choses, cette remasterisation de Exile tombe mal, car on a encore en tête les bijoux remasterisés des Beatles. Après le travail galénique accompli sur l’œuvre des Fab Four l’an dernier (décrié d’ailleurs par leur ingénieur du son historique Geoff Emerick), comment peut-on encore préférer les Stones aux Beatles ? Je préfèrerai toujours un hurlement primal de John Lennon qu’un braillement déhanché de Jagger (chanteur d’une intelligence rare et polyglotte par ailleurs).
Une question essentielle se pose après l’écoute intégrale de "Exile" : pourquoi tant d’euphorie dionysiaque se dégage de ce disque ? Parce que les Stones venaient d’apprendre la séparation officielle des Beatles, ça se fête pour le concurrent direct. Les drogues et le soleil de la Côte d’Azur n’ont joué qu’un rôle de figuration dans cette histoire. Ironie de la chose rock, Exile est élevé au rang de disque culte aujourd’hui, avec pourtant du saxo partout dedans, instrument conchié par les rock critics. Pink Floyd n’a plus qu’à remasteriser son "Momentary lapse of reason" pour connaître le même sort. Et Supertramp, l’intégrale de son œuvre (mais pas sûr que cela suffise pour sa rédemption).
Il y a dans la musique de Brune (signée par 3ème Bureau, jeune label au flair impressionnant : La Casa, Pony Pony Run Run…) comme un air de retour d’une certaine classe dans le rock féminin français, aux antipodes de la caricaturale Izia et des poupées plastiscinées. La chanteuse empile 5 titres extrêmement musicaux, soignés, arrangés, portés par le single suave « Paris ».
Au jeu des comparaisons, Brune pourrait être présentée comme une digne héritière des Valentins, tant au niveau de l’apparente désinvolture rock que du climat sous tension qui suinte du mini album. On pourrait ajouter le sens mélodique pop et le mélange imparable de subtilité et d’innocence des… Innocents. Deux références pas dégueus donc. Le tout bruisse d’une mélancolie sourde, moite, crasseuse, parisienne.
A découvrir d’urgence : http://www.myspace.com/brunemusic