"Dark night of the soul", par-delà le bien et le mal

Projet maudit, destins maudits - deux des protagonistes se sont suicidés depuis l’enregistrement du disque -, Dark Night Of The Soul est une œuvre fondue au noir, dont l’intensité glauque renvoie au meilleur de l’œuvre cinématographique de Lynch (ici interprète et collaborateur sur deux titres).

Quand Jim Morrison clamait : « Personne ne sortira d’ici vivant !  », il se référait par prescience à ce disque, c’est d’une logique implacable aujourd’hui. Mark Linkous, alias Sparklehorse, l’instigateur du projet en association avec le producteur hype Danger Mouse, s’est suicidé en mars dernier. En décembre 2009, c’est l’écorché vif Vic Chesnutt, interprète du titre « Grim Augury », qui succombait à une overdose de médicaments. A l’instar de Gainsbourg, la maison de disques sur laquelle devait paraître l’album courant 2009 pourrait aujourd’hui chanter «  c’est moi qui t’ai suicidé mon amour, je n’en valais pas la peine, tu sais ». Qui sait ?

Quand on réussit à réunir un casting aussi parfait et prestigieux (Julian Casablancas, Black Francis, David Lynch, The Flaming Lips, Iggy Pop, Vic Chesnutt, Suzanne Vega, etc.) et qu’on se voit au final refuser la sortie du disque pour d’obscures raisons de droits, alors que les chansons réveillent les spectres de Pink Floyd (versant Gilmour) et de John Lennon (versant beautiful boy), il y a de quoi déprimer. Le disque est finalement sorti dans le commerce cette année, mais à quel prix ?

Sur Dark Night Of The Soul, Iggy Pop chante comme Jim Morrison, Black Francis comme Kurt Cobain, l’auditeur est en bonne compagnie. Mais l’objet ne tombe aucunement dans la facilité revival, bien au contraire : il puise sa force dans le magnétisme moderne d’une production décérébrée et organique dont seul Danger Mouse détient le secret. Le traitement de la guitare sur « Little girl  » oppose clairement un fuck à la théorie de la relativité d’Einstein. Et David Lynch dans le rôle du maître des ténèbres, même sur disque, qui ne rêve de meilleur scénario ?

La perle de l’album, « Everytime I’m with you  », nous invite au plus beau des voyages : l’ivresse amoureuse éthylique : « A chaque fois que je suis avec toi, je suis ivre, et toi aussi / Mais en même temps, qu’est ce qu’on est censé faire d’autre ? / Ouais à chaque fois que tu passes, on se met minables et on reste debout toute la nuit / C’est tellement mal, mais tellement bon / Ouais, c’est bien / A chaque fois, à chaque fois que je suis avec toi, ça doit être vrai / Et à chaque fois que je suis avec toi, je suis défoncé, et toi aussi / En même temps, qu’est ce qu’on est censés faire d’autre ? »

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Actualité concerts qui n’a rien à voir : William Sheller sera sur scène à Paris dans son plus bel ensemble, piano-voix, du 29 novembre au 10 décembre, dans sept salles différentes, ne le ratez sous aucun prétexte. « Les bretons aiment bien mes chansons, ils disent qu’il pleut dedans. J’aime bien la pluie, ça rafraîchit  ». Voilà le genre de petits délices qu’il ne manquera pas d’inoculer entre deux chansons pour faire de vous des gens heureux.