Sexe, mensonges et Viagra : Woody Allen signe "Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu", un film délicieusement désespéré sur la vieillesse.
Ça y est, j’ai vu le dernier Woody Allen et je peux vous l’affirmer en exclusivité, Carla Bruni-Sarkozy n’est pas dans le film ! Avec son scoop, Bakchich avait donc mis dans le mille, vendu des milliers d’exemplaires et fait baver jusqu’à Libé qui a repris l’info. La scène muette de Carlita dans la boulangerie, où elle regardait fixement la caméra comme un mérou défoncé au crack a été coupée au montage. Voilà !
Xavier Monnier (mon rédac’ chef) : Euh, je t’arrête, c’est pas Midnight in Paris dans lequel CBS devait jouer ?
Moi : Tu crois ?
X. M. : Ouaip…
Moi : Euh, alors là, ça se complique.
X. M. : Midnight in Paris a été tourné en juillet et début août, avant le départ du couple présidentiel au Cap Nègre. A mon avis, le film sortira l’année prochaine, pas la semaine prochaine.
Moi : Donc, tu sous-entends que j’aurais vu le précédent film de Woody ?
X. M. : Exactly !
Moi : Je me serais planté, donc.
X. M. : C’est plus que probable… Bon, je retourne voir le match de l’OM, moi !
Après un long silence et un soupir gêné de mon rédac’ chef vénéré, j’ai fait mon boulot de journaliste : je suis allé sur Google. Effectivement, "Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu" aurait été tourné l’année dernière. A Londres en plus, même pas à Paris ! Mais bon, s’il n’y a pas Carlita, vous avez Naomi Watts, Anthony Hopkins, Josh Brolin, Antonio Banderas, Freida Pinto…
Dans ce film choral absolument jubilatoire, tout commence avec le démon du midi qui saisit le très vert Anthony Hopkins. Il se sépare de sa vieille femme fripée, gobe du Viagra et veut un enfant d’une prostituée plus jeune d’un demi-siècle. Une dizaine de personnages - sa femme, sa fille, son beau-fils, l’employeur de sa fille, une voyante… - vont prendre sa crise de jeunisme en pleine gueule et voir leur vie bouleversée. La voix-off d’un narrateur démiurgique qui évoque Shakespeare va nous faire passer d’un personnage à un autre, d’une rupture à la naissance d’un amour, d’une mort à une renaissance.
Après Barcelone et New York, Woody revient en Angleterre, mais il met la pédale douce sur les répliques anthologiques et signe une œuvre sombre sur la vieillesse. Le ton est léger, mais le fond est désespéré, comme du Bergman filmé par Lubitsch (il y a quand même le vétéran Vilmos Zsigmond à la photo). C’est l’insoutenable légèreté de Woody, de la ciguë dans une flûte de champagne, bref, c’est beau comme du Marivaux.
Woody explore ses thèmes de prédilection (la déchéance, le désir, la mort, les faux-semblants, l’illusion et l’art qui permettent de supporter la vie…) et se permet quelques scènes d’une force ahurissante, comme celle où Josh Brolin, qui a quitté sa femme pour vivre avec sa belle voisine, regarde par la fenêtre son ex se déshabiller, avant de tirer les rideaux. Glacial !
Bon, pour résumer, pas de Carlita dans ce Woody-là, mais une nouvelle venue absolument épatante, Lucy Punch. Une véritable actrice, elle !
Wall Street : l’argent ne dort jamais
Lors du dernier festival de Cannes, j’avais tapé très fort sur la suite de "Wall Street", retour inégal et boursouflé de Gordon Gekko. A la revoyure, le film d’Oliver Stone offre quand même son lot de (bonnes) surprises : les chansons de Brian Eno et David Byrne, la sublime photo de Rodrigo Prieto ("Brokeback Mountain", "Babel"), et le thème qui sous-tend l’histoire du plus célèbre de requin de la finance : la filiation. En effet, Michael Douglas est cette fois affublé d’une fille qu’il va vouloir plumer entre deux OPA. Ces rapports parent-enfant sont terrifiants et absolument passionnants si vous avez vu le making of d’Alexandre, où Stone se confie sur ses relations avec ses parents et où son fils, Sean, avoue qu’il n’a quasiment connu son père. Si vous ne vous effondrez pas de rire devant les métaphores lourdaudes de Stone (une bulle de savon qui s’envole dans Central Park, des dominos qui s’effondrent…), vous prendrez également dans les dents un des plus violents réquisitoires contre le « fascisme économique ». Fort.
La Meute
Est-ce que l’on peut produire des films d’horreur en France ? Pas sûr… Après les dégueulasses "A l’intérieur" et "Martyrs", le sympathique mais bâclé "La Horde", voici "La Meute", une histoire de goules qui se déroule chez des ploucs dégénérés. Maladroit, inégal, avec de vrais problèmes de scénario, "La Meute" réserve quand même quelques bonnes surprises et au moins une réplique d’anthologie lancée par la Yolande Moreau : « Je vais repeindre mon lino avec le jus de tes couilles ! » Du bon goût, vraiment.