Surprise pour Wade. Son principal opposant aux prochaines élections ne sera ni Seck, ni Niasse mais Laurent Gbagbo
À mesure que les scrutins législatifs et présidentiels de février approchent les camps s’organisent. Le clan Wade est depuis longtemps en ordre de bataille. Nanti d’une machine de guerre inégalée (le Parti démocratique sénégalais), de finances confortables sur lesquelles Karim Wade, son fils, a la haute main, le vieux président est le plus solidement armé pour affronter les urnes… du moins au premier tour. Le deuxième s’annonce plus corsé. L’opposition s’est certes scindée en deux, mais le slogan demeure : « Wade dehors ». Le spectre d’un deuxième tour où le président sortant ferait face à un front d’opposition agite les nuits des conseillers présidentiels.
D’autant qu’outre Idrissa Seck, les candidats les mieux placés pour le second tour, Ousmane Tanor Dieng ou Moustapha Niasse s’avèrent des « frères socialistes » de Gbagbo. De passage à Paris en mars dernier, le président Wade n’avait d’ailleurs pas hésité à tancer son homologue ivoirien « qui finance l’opposition ».
Élu depuis cinq ans, président depuis 7, Laurent Gbagbo en a presque oublié la saveur des urnes et des campagnes. Sans en perdre le goût. À défaut de pouvoir (vouloir) en organiser dans son pays, le « boulanger d’Abidjan » tend à jouer les bons génies au Sénégal.
Ne serait-ce que pour éviter à son « frère Wade » de mourir au pouvoir…
Le bon Laurent garde quelque rancœur contre son aîné sénégalais. Gorgui « Wade », du haut de ses 80 printemps officiels, ne se fait jamais prier pour faire la leçon à son homologue ivoirien, « moins bien élu que lui », qui « n’arrive pas à ramener la paix aux pays » etc. Rien que de très plaisant. Plus vexant encore, le vieil Abdoulaye chouchoute Guillaume Soro, leader des forces nouvelles (ex-rebellion) et cauchemar officiel de Gbagbo. Rencontres peu discrètes à Paris, conseils répétés et marqués (mallettes persiflent même les envieux), bref de quoi faire une vraie scène de jalousie.
Malin, Gbagbo n’a fait ni scandales, ni de grandes déclarations, seulement invité Idrissa Seck, l’ancien Premier ministre et fils préféré de Wade devenu son opposant le plus gênant. Et l’accueil a été mémorable. Lui donnant du « cher ami, cher petit frère », Gbagbo en a fait la star du troisième sommet panafricain des jeunes leaders (Cojep), animé par le général de la Jeunesse Charles Blé Gouldé. Cerise sur le gâteau, la salle, remplie de fidèles gbagbistes et autres jeunes patriotes, a réservé une standing ovation de plusieurs minutes à « Idy ». Les secousses ont été ressenties jusqu’à Dakar. Et le palais présidentiel de l’avenue Roume craint les prochaines salves.
Désormais, ses petites mains craignent les tirs des « shadow cabinet ». Constitués en vue de sortir des dossiers contre le clan présidentiel et en premier lieu de dézinguer le fiston Karim, ces officines sont encore mal identifiées, et les conseillers présidentiels peinent à en dessiner les contours. Seul un nom apparaît clairement et il est loin d’être inconnu au Sénégal : Jean-Gérard Bosio. Ancien conseiller culturel et diplomatique du président Senghor (1972-1982), proche de feu le président togolais Gnassingbé Eyadéma, l’ancien éditeur du poète-président est un intime de Moustapha Niasse… après avoir longtemps oeuvré pour Laurent Gbagbo. Sans doute un hasard.