Les Premiers ministres français s’avèrent bien douillets. Et ce n’est pas le dernier livre de l’excellente Raphaëlle Bacqué, « L’enfer de Matignon » qui pourra plaider le contraire. Toujours à se plaindre du poids des responsabilités, des risques pris, du mépris avec lequel le chef de l’Etat traite son chef de gouvernement. Dernier exemple en date, ce « pov’ » François Fillon, qui avait été rabaissé au rang de « simple collaborateur » par le tyrannique président Sarkozy. Mais qu’ils regardent, l’herbe n’est pas plus verte ailleurs et surtout pas au Sénégal.
Pourtant communément appelé pays de la Téranga (l’hospitalité en wolof), le Sénégal n’est pas à franchement parler la terre promise des Premiers ministres. En récompense de leurs efforts pour l’État, les braves chefs de gouvernement sénégalais récoltent au choix mise en examen, mise à mort politique, embastillement voire exil obligé. Charmant. Et qu’importe le sexe.
Première femme sénégalaise à accéder à la primature en 2001, Mame Madior Boye, remerciée en novembre 2002, n’a reçu son cadeau d’adieu que la semaine dernière, le vendredi 12 septembre exactement. Et par les autorités françaises : un mandat d’arrêt international pour son rôle dans la gestion du drame du Joola. Une paille. Le 26 septembre 2002, le ferry –légèrement surchargé- qui faisait la liaison entre Dakar et Ziguinchor sombrait faisant 1 863 morts. Sans que les secours ne se pressent trop pour intervenir, ni que le pouvoir politique réagisse prestement… Une jolie solidarité gouvernementale s’est instaurée à Dakar depuis l’annonce du mandat d’arrêt de Mame Madior Boye. Le ministre de la Justice Madicke Niang indiquant que tout serait mis en œuvre pour casser ces mandats. Heureux hasard, un visiteur du soir s’est rendu, le vendredi même dans le bureau de Claude Guéant, secrétaire général de l’Élysée.
Dernière à avoir trinqué, Mame Boye n’est pas encore la plus à plaindre. Elle, au moins, ne faisait pas d’ombre au président Wade ou à son conseiller de fils Karim, dont les appétits présidentiels prêtent à discussion.
Toujours la semaine dernière, le plus récent Premier ministre déchu du Sénégal, Macky Sall (2004-2007), a reçu une fort belle avoinée de la part du président Sénégalais Abdoulaye Wade. Toujours en terre parisienne où « Gorgui » a terminé ses vacances et où Macky a eu la fort mauvaise idée de passer. Petite explication. En mars dernier, Macky est élevé par l’ambassadeur de France à Dakar au grade d’officier de la Légion d’honneur, mais a voulu faire le beau, en présentant sa breloque à Paris. Seul petit souci pour le président de l’Assemblée nationale sénégalaise, il s’est un peu « incrusté », les 9 et 10 septembre au Sénat. Invité par un parlementaire, Sall a rameuté le ban et l’arrière-ban de la presse pour expliquer qu’il avait été invité très officiellement par le Sénat. Mais comme l’a très joliment raconté la lettre du Continent, toujours pillée jamais citée, le président de la chambre haute, Christian Poncelet n’était au courant de rien. Et c’est en catastrophe que Bernard Accoyer, le président de l’Assemblée nationale française, a été dépêché pour discutailler avec Macky le 9 septembre, « afin de ne pas humilier le Sénégal et après demande du Président Wade », rit-on encore au Quai d’Orsay. Le 10, si les cartons d’invitation à la réception en l’honneur de Macky mentionnaient le « haut patronage » de Christian Poncelet, nulle trace du président du Sénat sur place…
Après sa série de photo et de papier, Macky a un peu moins ri. Grondé comme un petit garçon par Wade. Résumé de la tirade. « Mais tu ne vois pas que tu nous as mis dans l’embarras. S’ils t’ont remis une médaille à Dakar c’était pour ne pas le faire en France. Tu as failli humilier le Sénégal avec tes bêtises, qu’est ce qui t’a pris ? ». Réponse penaude d’un Macky aux abris : « c’est la faute de mon entourage ».
Autre frère ennemi de Karim, et néanmoins ancien Premier ministre, Idrissa Seck (2002-2004), dit Ngorsi (le gars), n’est pas du genre à se faire avoiné. La méthode n’a toutefois guère été plus subtile. Débarqué de la primature, « Idy » fit un tour par la case prison, pour détournement de fonds publics. Un peu plus de six mois à l’ombre de Reubeuss, la prison dakaroise, de l’été 2005 à début 2006 ont suffi à lancer la plus sirupeuse des télénovela : les retrouvailles entre le fils prodigue (Seck) et le père (le président Wade). Toujours pas achevée…
Et le père Wade n’est pas le plus dur avec ses chefs de gouvernement.
Le doux et miséricordieux poète-président, feu Léopold Sédar Senghor, chef d’État de l’indépendance (1960-1981) préférait manier la trique plutôt que le ver avec ses Premiers ministres. Enfin, son seul et unique Premier Ministre, Mamadou Dia. Le président du conseil du gouvernement n’a profité de ses fonctions que quelques mois. 18 exactement. Le temps d’être accusé de complot et de passer douze ans en cabane…
Bref. À regarder le sort des tenants successifs de la Primature sénégalaise, squatter Matignon, sous la Ve république ressemble à une sinécure. D’autant qu’entre les cossus appartements de la rue de Varenne, et le vétuste de « l’immeuble administratif » dakarois, sorte de HLM bureaucratique, l’écart de confort ne se mesure pas. Non décidément, les Fillon, Raffarin, Rocard et autres Messmer, anciens Premiers ministres français, sont bien douillets…
Lire ou relire sur Bakchich :
Un doc interessant mais j’aimerai bien que la justice soit enfin réciproque car on ne peut qu’appeler à la punition la plus severe des responsables de cette catastrophe mais que dire des responsables politiques et administratifs à l’égard des nombreux enfants africains morts calcinés dans des immeubles insalubres. Mais bon là on nous dit circulez rien à voir et de l’autre coté on reclame justice. c’est bizarre non !!!!!!
AHHHHH la france-afrique la balance continue toujours de pencher sur le meme coté rappelons nous des tirailleurs senegalais massacrés par l’armée de degaule celui là meme que ceux là étaient parti aidés dit-on.
ça me rappel mon grand pere payé à moins de 30 euros par trimestre pour service rendu à la france ; elle meme qui reclame la justice à des responsables politiques senegalaises.
Deux peuples deux destins, les memes tragiques pour des justices à milles vitesses.
Rien pour cela je pense que le senegal ne doit pas accepter la chasse de ces dirigeants. Le juge français n’à qu’à instruire sur la poussiere atomique qui s’est arrétée à la frontiere française, sur les frégates , que dire du sang contaminé et/ou des dossiers total/elf…..