L’intersyndicale est tombée d’accord pour un défilé unitaire le 1er mai prochain. Un minimum alors que sur le terrain, les actions se radicalisent.
« Historique », « inédit », « exceptionnel », l’intersyndicale réunie lundi pour annoncer la suite qu’elle entendait donner au mouvement social après la forte mobilisation du 19 mars, n’a pas ménagé les superlatifs pour qualifier le 1er mai unitaire qu’elle prépare. Du côté de la CFE CGC, le syndicat des cadres, le ton était même solennel : « nous qui n’avons jamais défilé le 1er mai nous avons, cette année, décidé de participer », a ainsi expliqué Gérard Labrune. Même gravité à la FSU où, pour Gérard Aschiéri, « les salariés mesureront l’importance de la situation à l’aune de cette histoire ».
Il est vrai que le 1er mai, en France, les syndicats battent traditionnellement le pavé désunis - ni en 1995 au plus fort de la révolte contre le plan Juppé, ni en 2002 avec le Pen au second tour de l’élection présidentielle, les organisations syndicales n’étaient parvenu à un tel accord. Annoncer un défilé unitaire montre donc que Sarkozy et Parisot ont au moins réussi le tour de force de fédérer sur ce point en tout cas des organisations qui jusque-là n’arrivaient pas à se mettre d’accord sur grand-chose.
Pour le reste pas sûr qu’une telle annonce parvienne à endiguer la colère des salariés dont les emplois sont supprimés. Depuis le début de l’année, des actions de plus en plus radicales ont lieu dans les entreprises en difficulté. Hier, quatre membres de la direction de Caterpillar et le directeur de l’usine étaient « retenus » par les salariés pour exiger une reprise des négociations alors que l’entreprise s’apprête à supprimer plus de 700 postes sur ces sites grenoblois. La séquestration des dirigeants, en vogue dans les années 70, semble être redevenue à la mode. Ces quinze derniers jours les patrons de 3M et de Sony ont ainsi été invités à réfléchir dans les locaux de leur entreprise 24 heures pour l’un et deux jours pour l’autre. Mardi en fin d’après-midi, c’était au tour de François-Henri Pinault, PDG du groupe PPR, d’être bloqué dans son taxi pendant près d’une heure par des salariés de la Fnac et de Conforama, deux enseignes du groupe où 1.200 suppressions de postes sont prévues.
Une technique de dialogue pour le moins radicale qui montre en tout cas que la confiance dans l’action syndicale classique s’est profondément émoussée. Et qui risque de faire apparaître le front syndical – qui rassemble des syndicats aussi opposés que les chrétiens de la CFTC ou les ultras de SUD - comme largement à la remorque du mouvement social. « On ne revendique pas ce type d’action, mais on comprend que la colère des salariés s’exprime », affirme Marcel Grignard, secrétaire national de la CFDT pour tenter de résoudre la quadrature du cercle. Derrière les viva de façade, certains membres de l’intersyndicale se demandent en effet s’il ne fallait pas aller plus loin. « C’est le minimum qu’on pouvait faire quand on voit ce qui se passe dans certaines entreprises », confie un représentant syndical à la sortie de la rencontre.
A Solidaires, Annick Coupé reconnaît que « ce n’est pas suffisant. Nous voulions une nouvelle journée de mobilisation interprofessionnelle avant les vacances de Pâques ». Histoire de battre le fer tant qu’il est encore chaud et aussi pour soutenir le mouvement des facs qui, lui aussi, se radicalise. Mais pour maintenir unie l’intersyndicale, et ne pas faire fuir des syndicats qui ne suivent que du bout des pieds, c’est finalement la ligne défendue par la CFDT et la CGT qui a été retenue : celle qui consiste à inscrire la mobilisation dans la durée pour ne pas épuiser trop vite le mouvement. Au risque que les syndicats se retrouvent débordés par leur base.
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