La presse africaine vit, pense, agit, qu’on se le dise. Et jette sur l’actualité du continent un regard sans complaisance, entre Etats fantoches et Etats en guerre…
L’Afrique, tout le monde semble en convenir, manque d’Etats solides. A lire l’éditorial du 8 décembre de Fraternité info, le journal de Cotonou, on atteint des sommets. Un convoyeur de fonds a en effet été attaqué dans la capitale béninoise, à deux pas de la présidence de la République sans que les malfaiteurs ne soient inquiétés. Des forces de l’ordre surabondantes parcourent le quartier et pourtant, rien n’a dérangé les braqueurs qui sont partis avec 170 millions de F CFA. L’éditorialiste réclame le renvoi des ministres de l’Intérieur et de la Défense. « Nous n’avons rien contre eux » écrit-il mais « où étaient passés les policiers ? S’étaient-ils cachés entre les jupes de leurs épouses ou de leurs mamans ? » . Conclusion « Il faut que policiers et gendarmes finissent par nous expliquer comment et pourquoi les malfaiteurs parviennent à se volatiliser ». Les ministres ne l’entendent manifestement pas de cette oreille. Eux, non seulement ils ne sont pas coupables, mais ils ne sont pas responsables.
Coupables ou responsables, en tout cas, pour le Nouveau réveil, journal résolument anti Gbagbo d’Abidjan, les élites ivoiriennes cherchent à fuir. Il croit savoir que l’ambassade ivoirienne à Accra a fait des démarches auprès de celle de Grande Bretagne pour obtenir toute une série de visas permettant aux familles des dignitaires de s’installer à Londres. Pour le journal, tout en « bravant au quotidien la communauté internationale, Gbagbo pense à tout, à sa sécurité et à celle de ses proches ». Chef de l’Etat ou chef de bande, se demande le journal qui a depuis longtemps tranché : tant que Gbagbo sera là, il n’y aura pas d’Etat ivoirien digne de ce nom.
A Accra justement, le gouvernement voudrait effacer le souvenir des périodes d’affrontement qui ont marqué l’histoire du pays. L’Accra daily mail titre son éditorial du 8 décembre « Let the blood flow » (que le sang coule) slogan de la Révolution de 1979 et des enthousiasmes socialisants du début des années 80. Le journal se demande s’il faut oublier ou chercher à comprendre. La conclusion de l’article est qu’il serait dangereux de croire que le retour à la démocratie doit signifier vengeance mais un Etat fort doit comprendre ses errements antérieurs pour ne plus les reproduire. D’autant que d’après l’Accra daily mail , le Ghana a été promu par la communauté africaine comme a « shining example ». Voilà qui crée des responsabilités pour un pays qui accueillera en outre en 2007 le prochain sommet de l’Union africaine.
Au Cameroun, on ne se fait guère d’illusion sur l’exemple de démocratie que donne le pays et de la façon dont il brille. L’éditorial dur Message le 8 décembre commence par une phrase sans appel : « nous avons précédemment tenté de montrer que les élections à la camerounaise, c’est à dire caricaturées ne peuvent être une panacée pour la paix »… !!
Le Tchad est en guerre. C’est la certitude de la presse africaine. Le Soleil de Dakar se demande pourquoi les rebelles de l’Ufdd ne marchent pas sur la capitale du pays. Craignent-ils une intervention française ? Apparemment non. Le journal croit savoir que les rebelles sont convaincus que la population est tellement excédée par la politique du président Deby qu’il n’y a qu’à manifester régulièrement sa puissance pour recueillir le pouvoir comme un fruit mûr.
Le Daily trust d’Abuja fait un parallèle entre l’intronisation de Joseph Kabila comme président du Congo Kinshasa et le fait que les combats à la frontière ougandaise ont repris sans que plus personne ne sache qui est qui et qui veut quoi. Kabila parle de paix mais les armes parlent également et tout le monde voit bien que ce n’est pas le même langage que lui.