Françafrique et Saddam au menu
Dire du mal de la France est un exercice courant et porteur pour les éditorialistes africains. Entre le dépit, l’accusation de racisme et la crainte plus confuse que la France finisse par oublier l’Afrique, les articles s’enchaînent pour dénoncer le colonialisme, néo ou archéo, la complicité avec les dirigeants plus ou moins corrompus ou au contraire la distance méprisante prise à l’égard de ces dirigeants.
L’indignation la plus marquée en ce début 2007 vient du Congo Brazzaville. L’éditorial du 13 janvier des dépêches de Brazzaville commence par une phrase sans appel : « Nous ne serons décidément jamais à l’abri de la bêtise humaine ». Cette bêtise, c’est celle de la justice française qui se permet au travers d’une décision de la cour de Cassation de Paris de prétendre devoir juger une affaire congolaise-celle dite des disparus du Beach de Brazzaville- qui a fait l’objet d’un jugement au Congo. On est de fait assez enclin à se demander de quoi se mêle la justice française dans une des multiples et sinistres affaires qui ont émaillé la guerre civile locale.
D’autant que, le journaliste le dit : « ce qui est fait est fait. Et puisque nous ne pouvons pas changer le cours de événements passés, nous devons aller de l’avant, nous préoccuper du futur, ne pas nous laisser manipuler par des aventuriers nostalgiques des années de feu ».
Besoin d’oubli… Mais surtout agacement des Africains qui pourraient comprendre ces ingérences à répétition au nom de la démocratie si ne régnait le sentiment, comme le titre le Messager de Douala un article sur l’interventionnisme français, du « Deux poids deux mesures ».
Parlant de la Centrafrique et de la Côte d’Ivoire, le journaliste insiste : « Qu’ont fait Ange Felix Patassé et Laurent Gbagbo pour ne pas bénéficier de l’appui de l’armée française ? ». Président élu ; Gbagbo est détesté de façon arbitraire par Chirac et ses séides et l’écrit le journal, « sans le soutien de l’Afrique du sud et de l’Angola, il y a longtemps que le régime de Gbagbo aurait été renversé ».
Conclusion de l’article : « Que cherche la France en Afrique ». Si seulement elle le savait !! Puis nouvelle conclusion : « Que peut la France sans l’Afrique ? ». Si seulement l’Afrique parvenait à le mesurer !!
Peu prolixe sur la mort de Saddam, la presse africaine a dû réagir face à un afflux abondant de courrier indigné.
Sous le titre, « Justice humaine et vengeance identitaire », Le Messager résume assez bien le sentiment des élites africaines : pourquoi se mêler d’un jeu où les dés sont pipés ? Saddam Hussein a été pendu, Milosevic est mort en cours de procès. Pinochet est mort dans son lit. « L’Africain ordinaire », face à cela, « s’interroge sur le destin si tendre et si doux de tous les dictateurs qui ont régné et règnent toujours sur le continent ».
En fait, « l’Africain ordinaire » a bien compris : « Il n’y a plus ni droit ni justice, ni juge, ni justiciable. Il n’y a plus que des fous à la tête du monde et des hypocrites aux commandes de toutes les diplomaties planétaires ».
Si cela peut rassurer l’ « Africain ordinaire », l’Européen moyen pense la même chose.
L’article se conclut en disant que Saddam a du mourir en regrettant de « n’avoir pas posé plus d’actes cruels contre certains intérêts ». Il s’était quand même montré assez performant en terme de cruauté, et il n’a probablement pas du se faire ce genre de reproches….