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Trafic à la pompe

Bénin / mardi 25 septembre 2007 par Joan Tilouine
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Rares sont les Béninois qui abreuvent le moteur de leurs véhicules à la station-essence. Seuls ceux qui ont besoin d’une facture fréquentent les oasis routières des géants pétroliers et réveillent les figurants pompistes de ce carton-pâte urbain.

À Cotonou, les acteurs se composent presque exclusivement de voitures de fonction des autorités, des sociétés, d’ONG et de plaques vertes remplissant leurs réservoirs sous le regard troublé de spectateurs qui assistent à la scène. Un casting très select donc qui rémunère les seconds rôles d’un business de l’essence ô combien lucratif. Les moteurs béninois lambda ne souffrent pourtant pas de déshydratation. Au contraire, ils s’enivrent de l’essence « kpayo » –contrefaçon en langue goun -, importée clandestinement du Nigeria voisin. Le far-west de l’Est du Bénin inonde tout le pays de son carburant bon marché. L’essence frelatée occupe le devant de la scène et ce depuis le milieu des années 1980. Les Béninois en raffolent et irriguent allègrement leurs carrosses et montures à deux roues. Pas moins de 80 % des consommateurs l’utilisent. On le trouve à chaque coin de rue. Tant dans les artères principales que dans les venelles sablonneuses, les bouteilles et bidons du liquide translucide, avatar de l’or noir qui coule à flot au Nigeria, trônent sur des stands rudimentaires qui pullulent sur le bord des routes. Les prix oscillent entre 340 et 375 FCFA le litre, contre 475 FCFA [1] à la pompe.

Léonel, quinze printemps, tient une « table » au centre-ville de Cotonou avec sa mère et sa sœur cadette. Un petit commerce familial qui fait vivre le foyer. Pendant qu’il remplit de ses mains agiles le réservoir d’un scooter, la mama explique que « beaucoup de familles, ici, survivent de la vente de l’essence qui arrange tout le monde ». Sauf l’Etat pour qui « kpayo » cause des fuites annuelles estimées à 25 milliards de FCFA. « Si le gouvernement décide d’interdire l’essence du Nigeria, soit c’est la révolution soit c’est la paralysie des transports donc du pays », analyse Ismaël, se réjouissant de l’équation qui garantit une pérennité à ses affaires. Contrebandier grossiste, il ramène chaque semaine 5 000 litres d’essence dans son pick-up qu’il distille ensuite aux détaillants. Cela fait cinq années que ça dure pour cet ancien menuisier reconverti. « Avant, je gagnais 40 000 FCFA par mois. Désormais c’est ce que je gagne en une semaine », se justifie-t-il avec fierté.

Pour comprendre l’essence même de ce trafic, direction la frontière passoire bénino-nigériane de Semé. Centre névralgique officiel des affaires officieuses de la région situé à moins d’une heure de la mégalopole béninoise. Dans ce capharnaüm frontalier, tout se vend et s’achète et ce en toute impunité. Mais les transactions d’essence demeurent les plus courantes. Ici, les trafiquants s’approvisionnent pour 250 FCFA le litre. Un business juteux réalisé sous l’œil attentif des policiers qui veillent à bien toucher leurs bakchichs. Sur la route rectiligne qui mène de la frontière à Cotonou, en passant par Porto Novo – capitale administrative -, les motos chargées de dizaine de bidons de 50 litres tracent leurs routes, tels des équilibristes, se croisent avec les voitures aux galeries chargées de récipients en tout genre. Si la route constitue la voie de transport principale, d’autres naviguent paisiblement en pirogue, remplie à ras-bord, sur la lagune reliant le Nigeria à Porto Novo. Avant d’enivrer les moteurs béninois.

[1] un euro équivaut à plus ou moins 655 FCFA


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