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En attendant une greffe de budget

Hôpitaux / samedi 25 avril 2009 par Jacques-Marie Bourget
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Tandis qu’on vante les prouesses de nos médecins sur les greffes réalisées en France, l’hôpital reste menacé par un manque de moyens.

L’étonnant marathon chirurgical ayant abouti à des greffes multiples, un visage et deux mains rendus à un jeune patient victime d’un fusil de chasse, prouesse réalisée les 4 et 5 avril à l’hôpital Henri-Mondor de Créteil, a mis en rage une cohorte de professeurs de médecine. Des chirurgiens exerçants tous leurs talents au sein de l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris (APHP). Au moment même, estiment ces praticiens, où leurs CHU, « faute de moyens », se cassent en miettes, voilà que leurs patrons, ceux de l’APHP, s’accrochent aux écrans de toutes les télés de France pour applaudir au « succès » de cette première en matière de greffe codirigée par le professeur Laurent Lantiéri. Pour la « bande » de rebelle, l’opération réalisée à Henri-Mondor relève autant de la publicité que de la médecine, de « l’opération médiatique ». Mais les apparatchiks de l’APHP, eux, sont aussi content de cette greffe qu’un torrero auquel le public aurait accordé les oreilles et la queue. Cette prouesse de chirurgie serait donc un cache misère…

« Quarante personnes mobilisées pendant 30 heures », explique le communiqué de presse, pour redonner des doigts et un visage à ce jeune homme de 30 ans victime d’un accident de ball-trap. Magnifique. Et tant mieux pour ce chasseur si cette audacieuse reconstruction l’aide à vivre mieux, disent nos « pas contents ».

Car, au même moment ou Laurent Lantiéri et ses équipes entraient au Livre des Records, les blocs opératoires de l’APHP se préparaient à fermer. Au sein de cet état dans l’état qui emploi une centaine de milliers de personnes dans la région parisienne, lors de chaque période de vacances le même cirque recommence : les blocs opératoire tombent en sommeil. Les chirurgiens, qui eux ne sont pas affiliés au régime des RTT et autres « récups », sont bien là, mais seulement dans leurs bureaux et plus dans les blocs. Faute d’infirmières ou d’infirmiers, hautement qualifiés en chirurgie, les billards sont mis, eux aussi, en vacances, et attendent la fin des bouchons de la Maurienne ou le retour de chez la vieille tante.

Colère noire pour blouse blanche

Anonymes, puisqu’en ces périodes où la répression frappe toute sorte de « bandes », des chirurgiens révoltés par leur oisiveté forcée décrivent leur monde tel qu’ils le voient :

« Nous avons de bonne relations avec le personnel hospitalier et le travail en équipe n’est pas une légende pour les feuilleton télé. Mais la vérité est cruelle : ce personnel, celui avec lequel nous travaillons au bloc, n’est plus à l’hôpital qu’à temps partiel. »

Greffe de la faim - JPG - 19.1 ko
Greffe de la faim
© Nardo

C’est d’abord la faute des « 35 heures ». Non pas le principe en lui-même, mais ses conséquences : impossible de fournir la même charge de travail quand cette réduction du temps de travail s’ajoute à des effectifs élagués. Opérer dans nos hôpitaux relève maintenant de la « tournante », il faut tomber sur un créneau positif où tout le monde est là pour opérer, seules les urgences gardent, heureusement, une priorité. On voit même des infirmières obligées de quitter le bloc en pleine opération parce que « c’est l’heure », autrement dit le règlement.

« Nous le répétons, nous n’en voulons pas à nos partenaires mais au système qui les rend fous. » Ainsi, dictature des effectifs, ce ne sont plus les chirurgiens qui dressent leur planning d’opérations mais les infirmières, les chefs de blocs. En fonction des troupes mobilisables elles tracent au feutre sur le calendrier les plages où le bistouri est possible !

Alors que nous avons des très bonnes équipes, une compétence réelle et des outils de qualité, nous sommes incapables de faire fonctionner cet ensemble à un niveau de « productivité » moyen !

Nous, chirurgiens du public, militants de l’excellence d’un « hôpital pour tous », de l’égalité devant la santé, nous nous retrouvons obligés d’expédier des patients à des confrères du privé, ce qui est à la fois une défaite et le moyen de creuser un peu plus le trou de la sécu ».

La contradiction entre cette médecine à deux vitesses, d’un côté les exploits des équipe de Laurent Lantièri louées par les patrons, de l’autre des blocs opératoires désertés parce qu’il neige à Combloux, a donc éclaté comme jamais en ce début avril.

Ces mains et ce nouveau visage, offerts au patient d’Henri-Mondor, et la pub faite autour de l’acte par des responsables par ailleurs totalement incapables de faire fonctionner correctement un service d’urgences, provoquent donc une forte grogne chez les blouses blanches. Le cri muet du chirurgien en colère se lit sur les lèvres en feu : « Est-ce bien raisonnable de faire une médecine spectacle quand l’hôpital est entrain de sombrer ? »

Quand les aventuriers de la greffe ne jouent pas à la Star Academy

Pour les révoltés du bistouri, « suturer des membres ou des lambeaux de peaux n’a rien d’un exploit. Chaque jour, sans tambours ni trompettes, des confrères remettent en place des membres accidentés. L’exploit ? C’est celui de trouver les moyens, l’argent et les équipes pour monter une opération aussi énorme que celle d’Henri-Mondor qui relève autant du pari que de la médecine. »

« Et la médecine, ce n’est pas la Star Académy mais le souci d’apporter le maximum de soins efficaces au plus grand nombre de patients. Statistiquement, la possibilité de remettre en place un nouveau visage ou de nouvelles mains n’est pas un champ bien important. Certes, cette chirurgie peut faire le bonheur de quelques uns mais elle est de peu de bénéfice pour la médecine en général. Le secret de la greffe ne se joue pas sur le billard mais lors du traitement anti-rejet qui va suivre, à vie, l’opération. Soit ces drogues maintiennent le patient dans un état acceptable, soit celui qui n’était un qu’handicapé devient aussi un malade. »

Bakchich a sous les yeux quelques kilos de documents laissés derrière eux par les fanatiques de la greffe impossible, dont, à Lyon, le célèbre professeur Dubernard est un pionnier : avis des commissions idoines et autres comités de spécialistes qui s’interrogent sur l’intérêt et les conditions d’exercice de telles entreprises… Le sentiment qui ressort de cette aride littérature, est l’accent mis par certains professeurs, membres de ces comités, sur le drame possible de « l’après greffe ». Ce moment où le handicapé risque d’affronter infections, cancers et diabète souvent provoqués par les médicaments anti-rejet. Cette lecture montre clairement que, dans le débat qui oppose les champions de la médecine expérimentale aux défenseurs du principe de précaution, ce sont toujours les aventuriers qui triomphent. Et on balaye, comme poussière sous le tapis, le cas de ce patient, greffé par le professeur Dubernard à Lyon, qui s’est fait amputer deux ans plus tard dans un hôpital de Londres d’une main allogène devenue insupportable…

Vive les aventuriers, les Barnard qui greffent des cœurs dans ces temps qui en manquent… Mais vivent aussi les blocs qui ne débloquent pas !

À lire ou à relire sur Bakchich.info :

Gaffa à votre bide. Un mauvais diagnostic, et c’est l’ablation de l’estomac. Un petit conte, parmi mille autres, du [Livre noir des Hopitaux].
La loi Bachelot est de retour au Parlement cette semaine. Pendant ce temps, incités à se comporter comme de bons managers, les directeurs d’hôpitaux commencent à rogner sur les dépenses d’entretien.
Le plan hôpital public annoncé par Nicolas Sarkozy jeudi 17 ne va pas calmer la colère grandissante des professionnels de la santé. Au contraire. Des restrictions en série, des lits à fermer, du personnel à éjecter. Un nouveau front social se prépare, (…)
« Bakchich » a épluché les rapports de l’IGAS et de la Cour des Comptes qui pointent les dysfonctionnements de nos hôpitaux. Au bord de la syncope.

AFFICHER LES
7 MESSAGES

Forum

  • En attendant une greffe de budget
    le dimanche 28 novembre 2010 à 03:20, VM a dit :

    Bonjour,

    Vous dites que "Bakchich a sous les yeux quelques kilos de documents laissés derrière eux par les fanatiques de la greffe impossible….", je serais intéressée d’en recevoir quelqu’uns si cela était possible.

    Bien à vous, VM

  • NI NONNES, NI BONNES, NI CONNES !!
    le samedi 25 avril 2009 à 19:09, YAM a dit :

    Non véridique !! sans infirmière on n’opère pas. AH BON ? ET ALORS ? QUE FAIRE ,

    1° retourner au bon vieux temps des filles de la charité" taillables et corvéables à merci . priées de plus de loger sur le lieu de travail.

    2° soit revoir les grilles de salaires et les rythmes de travail (peut-être Bakchich peut-il publier une grille pour susciter des vocations)

    VOCATION ? ah le saint mot que voilà, surtout pour nos chers chirurgiens car que demandent-ils au juste ?

    Leur rêve : une infirmière dévouée, disponible, sachant à l’occasion flatter, branchée 24h/24 en ligne directe avec son patron, accourant au coup de sifflet - pardon au coup de fil - de son donneur d’ordre et protecteur devant l’éternel.

    Imaginons un instant que toutes ces IDE (chargées de famille, mariées, quelle horreur !!) réintègrent les salles d’op, oublient de parler de leurs vacances, de leurs RTT, de leurs salaires, quelles merveilleuses perspectives pour nos chirurgiens ; ils pourraint enfin opérer NON STOP SANS RTT EUX !!

    A ce rythme nous manquerions de clients.

    Je vous quitte ; rassurez-vous, je ne pars pas en vacances, ni en RTT, non,non, seulement ma "vocation" m’appelle. Adieu week-end, adieu famille et amis nous sommes toujours au temps des filles de la charité.

    Bon week-end messieurs les chirurgiens.

    Une infirmière

    • NI NONNES, NI BONNES, NI CONNES !!
      le dimanche 26 avril 2009 à 11:10, JM Bourget a dit :

      Je pense que j’ai mal traduit le sentiment des chirurgiens rencontrés qui n’ont aucune acrimonie, ni contre les RTT, ni contre les vacances ou les récups… Il me semble qu’ils sont en colère après un système qui n’est pas capable d’assurer le bon fonctionnement de l’hôpital dans des conditions acceptables par chacun… Personne n’a parlé de charité ou de dévouement. L’état, qui vide les hôpitaux de son personnel et rémunère ceux qui restent au lance pierre, est responsable de cette situation, celle que constate les chirurgiens qui ne me semblent pas être en guerre contre le personnel soignant.

      JM Bourget

      • NI NONNES, NI BONNES, NI CONNES !!
        le dimanche 26 avril 2009 à 16:11, Jacques-Marie Bourget a dit :

        Moi aussi, quand je fais dans l’urgence… Je disais donc "constatent" en non "constate"

        Pardon

        JMB

      • NI NONNES, NI BONNES, NI CONNES !!
        le dimanche 26 avril 2009 à 18:33

        Merci pour votre éclaircissement, mais c’est tout de même bien un chirurgien qui dit,je cite " on voit même des infirmières obligées de quitter le bloc en pleine opération… parce que c’est l’heure…".

        Personnellement je ne connais aucune infirmière quittant le bloc ou son service "parce que c’est l’heure " mais j’en connais beaucoup effectuant plus d’heures que prévues ou rappelées sur des temps de repos.

        Quant aux 35h au vu de la charge physique,psychologique inhérente à cette profession, on peut dire qu’elles sont les bienvenues et ne doivent en aucun cas être remise en question.

  • Et si l’on greffait le système alsacien-mosellan de Sécu sur celui de l’intérieur ?
    le samedi 25 avril 2009 à 17:51, PauLo a dit :

    Jamais la Presse ne (se) pose la question :

    « Pourquoi et comment le SYSTÈME ALSACIEN MOSELLAN de SÉCURITÉ SOCIALE fonctionne-t-il… SANS MUTUELLE… à la satisfaction générale ? »

    Jamais cette question n’est évoquée nulle part !…

    Pourquoi ce silence ?…

    Autocensure… ou bien plutôt… Toute-puissance des MUTUELLES… fiefs juteux Ump et Ps ?

  • En attendant une greffe de budget
    le samedi 25 avril 2009 à 14:38, Phil2922 a dit :
    C’est pour les impôts que Johnny est parti en Suisse ou pour se faire une greffe du cerveau… ?!
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