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Les infirmières en ont ras la blouse

Santé / mercredi 10 décembre 2008 par Maïté Labat
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Mardi, se tenait au Carrousel du Louvre, la 12ème journée du recrutement infirmier. Les hôpitaux publics ont du mal à séduire du personnel à bout de souffle, qui déserte les salles de garde.

11,34 % au CHU de Strasbourg, 11,28 % au CHU de Caen, 11,19 % pour celui de Nice, l’absentéisme du personnel dans les hôpitaux publics atteint des chiffres records. Si certains s’empressent de dénoncer la paresse des fonctionnaires, ces taux révèlent un profond malaise. Les infirmiers (ou plutôt infirmières, 87 % de femmes occupent cette profession) connaissent, à l’hôpital public, des conditions de travail particulièrement difficiles. D’où des arrêts maladies qui se multiplient et des équipes, en sous-effectifs chroniques, qui s’épuisent.

« L’absentéisme est la traduction des difficultés au quotidien que traversent le personnel infirmier ». Interrogé par Bakchich, Thierry Amouroux, président du Syndicat national du personnel infirmier (SNPI), connaît bien le système. Cet infirmier a passé plus de 20 ans à l’Hôpital St Louis de Paris : équipes de jour, équipes de nuit, soins et toilettes des patients, médicaments, pansements… « C’est un métier formidable mais très dur et qui souffre d’ un vrai problème de reconnaissance. Avec à la clé un manque de motivation accompagné d’une grande insatisfaction » ajoute le président du syndicat. Et de poursuivre : « Alors qu’il faut trois ans d’études pour obtenir son diplôme, l’État n’attribue qu’un "Bac + 2" ». L’accompagnement du patient ? « elles sont plus devenues des techniciennes spécialisées dans une usine à soins ».

À gauche comme à droite, les mêmes inconséquences

En son temps, la gauche n’a pas mieux fait que la droite. En 2000, Martine Aubry quitte son ministère de l’Emploi et de la Solidarité pour se consacrer à sa campagne municipale, qui la conduira jusqu’à la mairie de Lille en 2001. Grande prêtresse des 35h, elle laisse pourtant de côté le dossier hôpital. Elizabeth Guigou lui succède et récupère cette « patate chaude ». À l’époque, l’un des anciens conseillers de Guigou enrageait contre la Dame des 35h : « Aucune étude n’avait été effectuée sur les conséquences pour le personnel. La réforme appliquée, aucune n’embauche n’a suivi ».

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© Nardo

Aujourd’hui, le rythme des infirmiers est devenu infernal. « On est censé travailler moins avec la même charge de travail. C’est impossible, on n’arrive même pas à prendre nos RTT et jours de congés » précise Laure, infirmière de 45 ans à l’hôpital St Louis. Et d’ajouter : « Chez nous, l’équipe de nuit est en grande souffrance. Régulièrement, on leur demande de remplacer au pied levé une collègue en leur disant “vous n’avez fait que trois nuit, vous ne devez pas être si fatigué que ça !” ». Une nuit à l’hôpital St Louis commence a 21h pour se terminer à 6h. En équipe de jour, il arrive que les infirmières enchaînent trois week-end d’affilés.

Le 12e Salon du recrutement infirmier, cherche personnel désespérément

Hôpital Henri-Mondor, CH de Chambéry, Hôpital Rothschild, ils sont quelques uns à avoir fait le déplacement pour recruter des infirmières. Installés au Carrousel du Louvre, les exposants attendent les jeunes recrues. Mais il n’y a pas foule.

Christine Lavenir, Commissaire de l’événement, accueille les visiteurs : « beaucoup d’hôpitaux manquent d’infirmières en île-de-France. En décembre et en avril, les étudiantes sortent de l’école, c’est le bon moment pour proposer ce genre de Salon ». Sauf quand elles ont d’autres projets…

Dans une allée, Émilie, étudiante en troisième année à Fontainebleau, sera diplômée en mars prochain : « J’envisage de partir m’installer en Suisse pour gagner plus et travailler dans de meilleures conditions. Au cours de mes stages, j’ai vu l’esprit de compétition qui régnait dans les services, les problèmes d’encadrement du personnel et le manque de cohésion. »

Au stand de l’hôpital Bretonneau, spécialisé en gériatrie et récemment rénové, on compte bien trouver les deux infirmières manquantes. Cette année, quinze sont déjà venues grossir les rangs de l’établissement. « On observe une nette tendance à se diriger vers la gériatrie. Les infirmières recherchent le rapport à l’humain qui n’est pas privilégié aujourd’hui dans la plupart des structures », explique Gérard Cottin, responsable de la formation. Succès garanti ? Faut-il encore pouvoir prendre un jour de congé pour le 12e Salon du recrutement infirmier.

Julie Rouault

Un personnel à bout de souffle. D’autant que le travail de nuit n’est rémunéré qu’un euros de plus de l’heure et les primes de week-end fixées à 45 euros. Bien peu au vu de la charge de travail demandé. En début de carrière, leur salaire est de 1 420 euros pour 2 170 après 40 ans de bons et loyaux services, selon les petites fiches métier du Ministère de la Santé. Les infirmières sont surchargées et voient de moins en moins de malades, écrasées par les tâches administratives. Voilà la recette pour un taux d’absentéisme avoisinant les 10 % dans les hôpitaux publics. « Dans ces conditions, les gens s’arrêtent beaucoup plus facilement. D’autant que la direction ne fait jamais appel à des intérimaires, jugés trop onéreux, pour soulager les équipes. Aujourd’hui, je n’ai pas de remords à dire que je suis fatiguée. Le stress monte, j’ai souvent peur de l’erreur médicale ». A St Louis, « dans le temps », elles étaient cinq ou six à couvrir un service de 30 lits. Aujourd’hui, on en compte que trois ou quatre, soit moitié moins.

« Le cordonnier est toujours le plus mal chaussé »

Et ce problème d’« absentéisme XXL », selon les mots du Parisien, l’hôpital le soigne mal. À St Louis, seulement trois médecins du travail pour 2 600 agents. Une réalité qui concerne aussi la province. Charlotte, infirmière dans un hôpital des Bouches-du-Rhônes, relevant à la fois du public et du privé, assure qu’ « aux d’urgences, les infirmières doivent faire face à des situations parfois violentes et aucune prévention du stress n’est réalisé ». Une faiblesse de l’encadrement mal vécu par le personnel infirmier qui manque cruellement d’interlocuteur. « Dans mon hôpital, poursuit Charlotte, il n’y a plus de direction des soins infirmiers. Le poste a été supprimé ». Dans la hiérarchie hospitalière, la directrice des soins infirmiers est la plus gradée. Un genre de « DRH du personnel non-médical ».

D’ici 2015, une infirmière sur deux partira à la retraite, selon un rapport de l’Observatoire national des emplois et des métiers de la Fonction publique hospitalière. [1]. La question des sous-effectifs restera d’actualité. Interrogée sur son avenir professionnel, une étudiante ne se fait aucune illusion : « À la sortie de l’école d’infirmière, je ne pense pas m’attarder à l’hôpital plus de cinq ans. On y apprend beaucoup mais les mauvaises conditions de travail ne donnent pas vraiment envie d’y rester. Je passerai dans le privé ou plutôt en libéral pour gagner mieux ma vie et travailler dans un environnement correct ». Des conditions rejetées par les nouvelles générations.

Lors de son discours en novembre dernier, au Salon des infirmiers, la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, a promis que « Cette année [2009], sera l’année des infirmiers. ». Il n’est que temps !

À lire ou relire sur Bakchich.info :

Hasard de l’actualité, le livre de Patrick Pelloux, urgentiste et chroniqueur de « Charlie Hebdo », sort tandis que les médecins des urgences ont réalisé une grève symbolique lundi 1er décembre.
« Bakchich » a épluché les rapports de l’IGAS et de la Cour des Comptes qui pointent les dysfonctionnements de nos hôpitaux. Au bord de la syncope.
En grève illimitée à partir de lundi, les médecins urgentistes travaillent en moyenne 48 heures par semaine. Mais qu’en dit Madame 35 heures, Martine Aubry ?
Un rapport de l’Igas, que « Bakchich » s’est procuré, révèle que de discrets financements peuvent être distribués discrétionnairement par la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot.

[1] Intitulé « Données démographiques à l’horizon 2015 » ce rapport a été publié en 2003


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Forum

  • Les infirmières en ont ras la blouse
    le mercredi 28 avril 2010 à 17:44, Erik a dit :
    bonjour, je suis infirmier intérimaire sur la région Parisienne, et personnellement je ne prends pas de poste fixe car quand je vois les conditions de travail du privé et du publique, la charge de travail,les heures non récupérées etc ça devient lamentable, je viens de terminer un licence pour changer d’orientation professionnelle, pas d’avenir pour nous infirmier(e)s, peu ou pas de considération de la hiérarchie et des médecins, heureusement que les patients sont là car en général ils sont agréables, bref les économies sont toujours sur le dos des non médicaux, AS et IDE, juste une parenthèse pour dire que la condition d’AS n’est pas mieux et même souvent pire que celle d’IDE, je me dissipe, il à tellement de chose à dire… Ce qui me choque aussi ce sont les salaires des médecins et des chirurgiens, qui eux sont payés à l’acte dans le privé et partiellement dans le publique, ils voient pourquoi ils bossent et surtout ils n’hésitent pas à abuser de leur position en ne tenant aucun compte des réalités des services et des équipes surchargées, on met de plus en plus notre diplôme en danger avec ces gens là qui ne pensent pour la majorité qu’au fric, comment cette situation pourrait changée, je ne vois pas de solution, car pris d’un coté par une logique financière par la direction et de l’autre par un logique mercantile de la part du corps médical, bonne chance à tous…
  • Les infirmières en ont ras la blouse
    le mardi 13 janvier 2009 à 08:56

    Pour info, la carrière hospitalière d’un(e) infirmier(e) a été chiffrée à 7 ans en moyenne ! (au sein du groupement d’hôpitaux publics de Lyon) …pour 3 ans 1/2 d’études, ça fait court ! Mais que voulez vous, même au coeur de la pénurie de main d’oeuvre, avec des postes à pourvoir en pagaille, les hôpitaux de Lyon prenaient encore les jeunes diplômés de haut :

    "-Mais non, mademoiselle, nous ne pouvons pas vous loger !
     Mais non, monsieur, vous ne pouvez pas choisir dans quel hôpital nous allons vous envoyer !
     Mais oui monsieur, un chauffeur de bus est mieux payé, mais on ne peut rien faire, c’est les barèmes… "

    Le degré zéro de la remise en question !

    Bureaucrates assis, cadres de bureaucratie…pruneaux crades rassis !

  • Les infirmières en ont ras la blouse
    le samedi 13 décembre 2008 à 14:47, dremelli a dit :
    Bravo les INFIRMIERES Sans vous je ne serais plus de ce monde ! Au cours de mon hospitalisation, j’ai pu apprécier votre dévouement presque sacerdotal ainsi que votre abnégation.Bien que ce ne sois pas valable pour toutes ! Vous êtes merveilleuses ! Je ne puis malheureusement rien faire de plus sans me heurter à la sacro sainte paperasserie administrative des hôpitaux. Une grande purge serait nécessaire pour vider les bureaux et remettre au travail dans les salles tous ces soi-disants "administratifs" ! C’est fardeau pour ceux et celles qui se détruisent la santé auprès des malades ! Le nain devrait avoir besoin plus souvent des infirmières ! De toutes façon il n’y a que le fric qui l’intérésse ! Ras le bol de ce nuisible !
  • Les infirmières en ont ras la blouse
    le mercredi 10 décembre 2008 à 13:37

    Sarkozy par ci, le gouvernement par là …

    Il y a actuellement à l’AP-HP plus de personnels non soignants que de soignants !

    Voilà pourquoi le CHU coute aussi cher, voilà pourquoi il y a de moins en moins de frics pour les soignants, les soins, les malades.

    C’est l’ensemble de la Fonction publique qui croule sous le son papier, et qui crève des controleurs des travaux finis qu’on trouve dans tout les placards de cette administration que tout le monde est censé nous envier mais que personne ne copie.

    • Les infirmières en ont ras la blouse
      le mercredi 10 décembre 2008 à 14:49
      je suis IDE et je suis entièrement d’accord avec le commentaire ci dessous il y a plus d’administratif, de personnel technique et j’en passe que de soignants à l’hôpital et j’en ai ras la casquette….i l y a largement de quoi réduire le personnel à l’hosto. seulement voilà c’est un gros pourvoyeur d’emploi et les élus locaux ferment leurs gueules aux conseils d’administrations. Résultat c’est sur son cœur de métier que le l’hosto est en train de faire des économies : les soins !!! j’ai des conditions de travail de m…. et un salaire de daube : 1680 euros net (dont 2 wend et 5 nuits inclus pour exemple un plombier en début de carrière à l’hosto commence à 1900 euros net avec 2 astreinte de wend cherchez l’erreur…) mais ne vous trompez pas ce sont les patients qui vont trinquer maintenant on aura le système de soins que l’on mérite !
  • C’est Vous (patients)qui devez avoir peur !!!!!
    le mercredi 10 décembre 2008 à 12:41
    Ras la blouse et c’est peu dire !La consideration du travail infirmier n’est pas non plus au mieux en Suisse !Je crois que le phenomene du capitalisme fou est internationale !Je suis IDE francais qui travaille en Suisse depuis 3ans en service medecine.Un IDE pour 6 patients.Extra me diront les collegues de France.Mais faut savoir qu’il n’y a que peu d’aides soigantes donc plus de toilettes pour IDE.La charge est donc de tte facon moins lourde qu’en France.Mais n’oublions pas qu’ici c’est 41,5h/semaine donc on gagne plus !Le salaire fait partie des plus bas des CSP de Suisse !!! Plus bas qu’un tourneur fraiseur ,qu un menuisier…mais plus élevé qu’en Gaule.C’est un manque de reconnaissance de notre travail parfois difficile aussi vis à vis des medecins assistants(internes) ultras presents et tres souvent mal encadrés, et qui nous oblige à redoubler notre vigilance des demarches medicales ! Jerome de Lausanne.
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