Mardi, se tenait au Carrousel du Louvre, la 12ème journée du recrutement infirmier. Les hôpitaux publics ont du mal à séduire du personnel à bout de souffle, qui déserte les salles de garde.
11,34 % au CHU de Strasbourg, 11,28 % au CHU de Caen, 11,19 % pour celui de Nice, l’absentéisme du personnel dans les hôpitaux publics atteint des chiffres records. Si certains s’empressent de dénoncer la paresse des fonctionnaires, ces taux révèlent un profond malaise. Les infirmiers (ou plutôt infirmières, 87 % de femmes occupent cette profession) connaissent, à l’hôpital public, des conditions de travail particulièrement difficiles. D’où des arrêts maladies qui se multiplient et des équipes, en sous-effectifs chroniques, qui s’épuisent.
« L’absentéisme est la traduction des difficultés au quotidien que traversent le personnel infirmier ». Interrogé par Bakchich, Thierry Amouroux, président du Syndicat national du personnel infirmier (SNPI), connaît bien le système. Cet infirmier a passé plus de 20 ans à l’Hôpital St Louis de Paris : équipes de jour, équipes de nuit, soins et toilettes des patients, médicaments, pansements… « C’est un métier formidable mais très dur et qui souffre d’ un vrai problème de reconnaissance. Avec à la clé un manque de motivation accompagné d’une grande insatisfaction » ajoute le président du syndicat. Et de poursuivre : « Alors qu’il faut trois ans d’études pour obtenir son diplôme, l’État n’attribue qu’un "Bac + 2" ». L’accompagnement du patient ? « elles sont plus devenues des techniciennes spécialisées dans une usine à soins ».
En son temps, la gauche n’a pas mieux fait que la droite. En 2000, Martine Aubry quitte son ministère de l’Emploi et de la Solidarité pour se consacrer à sa campagne municipale, qui la conduira jusqu’à la mairie de Lille en 2001. Grande prêtresse des 35h, elle laisse pourtant de côté le dossier hôpital. Elizabeth Guigou lui succède et récupère cette « patate chaude ». À l’époque, l’un des anciens conseillers de Guigou enrageait contre la Dame des 35h : « Aucune étude n’avait été effectuée sur les conséquences pour le personnel. La réforme appliquée, aucune n’embauche n’a suivi ».
Aujourd’hui, le rythme des infirmiers est devenu infernal. « On est censé travailler moins avec la même charge de travail. C’est impossible, on n’arrive même pas à prendre nos RTT et jours de congés » précise Laure, infirmière de 45 ans à l’hôpital St Louis. Et d’ajouter : « Chez nous, l’équipe de nuit est en grande souffrance. Régulièrement, on leur demande de remplacer au pied levé une collègue en leur disant “vous n’avez fait que trois nuit, vous ne devez pas être si fatigué que ça !” ». Une nuit à l’hôpital St Louis commence a 21h pour se terminer à 6h. En équipe de jour, il arrive que les infirmières enchaînent trois week-end d’affilés.
Hôpital Henri-Mondor, CH de Chambéry, Hôpital Rothschild, ils sont quelques uns à avoir fait le déplacement pour recruter des infirmières. Installés au Carrousel du Louvre, les exposants attendent les jeunes recrues. Mais il n’y a pas foule.
Christine Lavenir, Commissaire de l’événement, accueille les visiteurs : « beaucoup d’hôpitaux manquent d’infirmières en île-de-France. En décembre et en avril, les étudiantes sortent de l’école, c’est le bon moment pour proposer ce genre de Salon ». Sauf quand elles ont d’autres projets…
Dans une allée, Émilie, étudiante en troisième année à Fontainebleau, sera diplômée en mars prochain : « J’envisage de partir m’installer en Suisse pour gagner plus et travailler dans de meilleures conditions. Au cours de mes stages, j’ai vu l’esprit de compétition qui régnait dans les services, les problèmes d’encadrement du personnel et le manque de cohésion. »
Au stand de l’hôpital Bretonneau, spécialisé en gériatrie et récemment rénové, on compte bien trouver les deux infirmières manquantes. Cette année, quinze sont déjà venues grossir les rangs de l’établissement. « On observe une nette tendance à se diriger vers la gériatrie. Les infirmières recherchent le rapport à l’humain qui n’est pas privilégié aujourd’hui dans la plupart des structures », explique Gérard Cottin, responsable de la formation. Succès garanti ? Faut-il encore pouvoir prendre un jour de congé pour le 12e Salon du recrutement infirmier.
Julie Rouault
Un personnel à bout de souffle. D’autant que le travail de nuit n’est rémunéré qu’un euros de plus de l’heure et les primes de week-end fixées à 45 euros. Bien peu au vu de la charge de travail demandé. En début de carrière, leur salaire est de 1 420 euros pour 2 170 après 40 ans de bons et loyaux services, selon les petites fiches métier du Ministère de la Santé. Les infirmières sont surchargées et voient de moins en moins de malades, écrasées par les tâches administratives. Voilà la recette pour un taux d’absentéisme avoisinant les 10 % dans les hôpitaux publics. « Dans ces conditions, les gens s’arrêtent beaucoup plus facilement. D’autant que la direction ne fait jamais appel à des intérimaires, jugés trop onéreux, pour soulager les équipes. Aujourd’hui, je n’ai pas de remords à dire que je suis fatiguée. Le stress monte, j’ai souvent peur de l’erreur médicale ». A St Louis, « dans le temps », elles étaient cinq ou six à couvrir un service de 30 lits. Aujourd’hui, on en compte que trois ou quatre, soit moitié moins.
Et ce problème d’« absentéisme XXL », selon les mots du Parisien, l’hôpital le soigne mal. À St Louis, seulement trois médecins du travail pour 2 600 agents. Une réalité qui concerne aussi la province. Charlotte, infirmière dans un hôpital des Bouches-du-Rhônes, relevant à la fois du public et du privé, assure qu’ « aux d’urgences, les infirmières doivent faire face à des situations parfois violentes et aucune prévention du stress n’est réalisé ». Une faiblesse de l’encadrement mal vécu par le personnel infirmier qui manque cruellement d’interlocuteur. « Dans mon hôpital, poursuit Charlotte, il n’y a plus de direction des soins infirmiers. Le poste a été supprimé ». Dans la hiérarchie hospitalière, la directrice des soins infirmiers est la plus gradée. Un genre de « DRH du personnel non-médical ».
D’ici 2015, une infirmière sur deux partira à la retraite, selon un rapport de l’Observatoire national des emplois et des métiers de la Fonction publique hospitalière. [1]. La question des sous-effectifs restera d’actualité. Interrogée sur son avenir professionnel, une étudiante ne se fait aucune illusion : « À la sortie de l’école d’infirmière, je ne pense pas m’attarder à l’hôpital plus de cinq ans. On y apprend beaucoup mais les mauvaises conditions de travail ne donnent pas vraiment envie d’y rester. Je passerai dans le privé ou plutôt en libéral pour gagner mieux ma vie et travailler dans un environnement correct ». Des conditions rejetées par les nouvelles générations.
Lors de son discours en novembre dernier, au Salon des infirmiers, la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, a promis que « Cette année [2009], sera l’année des infirmiers. ». Il n’est que temps !
À lire ou relire sur Bakchich.info :
[1] Intitulé « Données démographiques à l’horizon 2015 » ce rapport a été publié en 2003
Pour info, la carrière hospitalière d’un(e) infirmier(e) a été chiffrée à 7 ans en moyenne ! (au sein du groupement d’hôpitaux publics de Lyon) …pour 3 ans 1/2 d’études, ça fait court ! Mais que voulez vous, même au coeur de la pénurie de main d’oeuvre, avec des postes à pourvoir en pagaille, les hôpitaux de Lyon prenaient encore les jeunes diplômés de haut :
"-Mais non, mademoiselle, nous ne pouvons pas vous loger !
Mais non, monsieur, vous ne pouvez pas choisir dans quel hôpital nous allons vous envoyer !
Mais oui monsieur, un chauffeur de bus est mieux payé, mais on ne peut rien faire, c’est les barèmes… "
Le degré zéro de la remise en question !
Bureaucrates assis, cadres de bureaucratie…pruneaux crades rassis !
Sarkozy par ci, le gouvernement par là …
Il y a actuellement à l’AP-HP plus de personnels non soignants que de soignants !
Voilà pourquoi le CHU coute aussi cher, voilà pourquoi il y a de moins en moins de frics pour les soignants, les soins, les malades.
C’est l’ensemble de la Fonction publique qui croule sous le son papier, et qui crève des controleurs des travaux finis qu’on trouve dans tout les placards de cette administration que tout le monde est censé nous envier mais que personne ne copie.