Bachelot a fait descendre tout ce que compte l’hôpital public dans la rue. Pour autant, chacun des corps n’oublient pas de défendre ses propres intérêts. Les pontes de l’AP-HP en tête de cortège.
En plus de son goût immodéré pour les chaussures en plastique rose, Roselyne Bachelot se plaît à vouloir réformer l’hôpital. Et réussit le tour de force, ce mardi, de réunir contre elle tous les métiers de l’hôpital. Des personnels non-soignants aux « mandarins » de l’AP-HP ((la crème de la crème des hôpitaux parisiens) en passant par les praticiens et les internes. Une marche à pied pour dire non au projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires » qui doit être examiné le 11 mai au Sénat.
« Le fait que des médecins fassent grève côte à côte avec les autres soignants est historique, on n’a jamais vu ça », assure même Bernard Granger, psychiatre et initiateur du Mouvement de défense de l’hôpital public. Mais derrière cette unanimité hypocratique, des voix s’élèvent pour annoncer la vraie couleur : dans cette colère des hospitaliers, chacun prêche pour sa paroisse. Et les « mandarins », ces faux chinois que l’on croyait mort en Mai 68, montrent qu’ils sont bien vivants, et criants eux aussi. Forts de plein de bonnes volontés, ils s’assurent au passage qu’on ne leur retire pas leurs prérogatives (ou leurs privilèges, question de point de vue).
Ainsi, le 16 avril, 25 pontes de l’AP-HP lançaient dans le Nouvel Observateur un appel contre le projet Bachelot dénonçant « une loi qui cale l’hôpital sur l’entreprise ». Consciente de la puissance du lobby des professions médicales et para médicales à l’Assemblée, dame Roselyne n’a pas tardé à répondre point par point dans le Figaro. Elle le sait, le texte ne passera pas sans eux. D’ailleurs, signe du ciel, le gouvernement a déjà plié sur deux points. Les dépassements d’honoraires et la liberté d’installation. Pas suffisants pour calmer la grogne de ces as du bistouri et du clystère.
C’est que les attributions des directeurs d’hôpitaux prévues par le projet de loi font débat. Le grand professeur Lantiéri, très occupé à refaire des visages, a même pris le temps de s’insurger contre cette nouvelle organisation qu’il juge « dangereuse ». Ce que taisent pudiquement, quelques unes des supposées stars du scalpel et de la potion, c’est la peur qu’ils ont que ces nouveaux directeurs interdisent certaines pratiques encore en vigueur au sein de l’hôpital public. Comme le droit à traiter une clientèle privée tout en étant professeur à l’hôpital public ! Des règles définies à l’origine pour ramener la fine fleur de la médecine dans le giron de l’AP, mais qui a donné lieu à de nombreux abus.
Un cadre d’un grand hôpital parisien tempère auprès de Bakchich : « Il est vrai qu’il y a eu des abus, mais si le directeur de l’hôpital est le seul à tout décider comme le veut la loi Bachelot, il n’y aura plus de contrôle médical. Avec ce que ça implique sur le plan éthique. Et la gestion ne sera plus qu’administrative. Bien sûr, chaque corps défend ses acquis en descendant dans la rue (ce mardi), mais la loi Bachelot propose un changement historique qui mérite l’unité contre elle ».
Le 17 février dernier, Martin Winckler, médecin-écrivain-chroniqueur de son état, écrivait sur son blog un article intitulé : « La caste hospitalo-universitaire française est l’ennemie du système de santé », expliquant que les « hospitalo-universitaires les plus influents n’ont pas intérêt à ce que les choses changent. » De quoi donner du grain à moudre à la ministre de la Santé, certes, mais aussi à François Chérèque. La CFDT, en effet, est la seule organisation syndicale qui ne prendra pas part au défilé ce mardi. Pour son leader « aujourd’hui les médecins se battent surtout pour leur activité libérale, or je ne suis pas sûr qu’en défendant le pouvoir des médecins, on défende l’hôpital. » Une position isolée, mais à lire les commentaires des internautes à « l’appel des 25 » parus sur le site du Nouvel Observateur, il semble que les pontes de l’AP-HP ne soient pas aussi représentatifs qu’ils ne veulent bien l’affirmer.
Pour François Malye, journaliste au Point et co-auteur du livre noir des hôpitaux [1], « c’est symptomatique d’une certaine baronnie qui règne au sommet de l’hôpital public. A chaque réforme, le gratin du gratin, les plus influents auprès des politiques sortent de leur silence et se mettent en travers. Souvenez-vous Juppé, « le meilleur d’entre nous », s’est fait carboniser en 1996 quand il a tenté de réformer l’hôpital. Une fois de plus l’hôpital va être victime de corporatistes. Car il y a une différence entre devenir rentable et arrêter de perdre de l’argent ».
Car avec 104 millions d’euros de déficit prévu pour l’année 2009, contre 20 millions en 2008, l’AP-HP tire la langue. Après les sommes abyssales, en fonds publics, mis par l’Etat dans les banques, le trou de la sécu fait un peu racho. Mais vaut pourtant qu’on s’y intéresse.
L’occasion de revenir sur le reportage réalisé en mars par Marion Gay, journaliste à Bakchich, au CHU de Montpellier pour voir comment les personnels hospitaliers se débattent avec leur déficit.
Lire ou relire dans Bakchich :
[1] Le livre noir des hôpitaux, Calmann-Lévy, mars 2009
Je ne vais certainement pas défendre cette classe de privilégiés. Honte sur eux.
A la campagne, le médecin cumule 4 emplois, dont celui de responsable de la caserne. Manque de vocations penserez-vous ? Que non point, loin s’en faut.
En ville, les dermatos de l’hôpital de proximité ici en région parisienne ont été licenciés un à un. Pléthore de blouses blanches penserez-vous ? Que nenni, ils étaient absents à longueur d’emploi du temps et les patients ne pouvaient plus avoir de rendez-vous.
Combien de médecins de ville ont-ils obtenu leur agrément de cardiologues uniquement pour avoir faire interner des patients ? Tiens tiens, vous ignoriez ou aviez oublié cet équivalent de la licence de droit pour certains énarques ?
Allez, l’hôpital français est presque aussi gangréné que l’hôpital italien. Tout ce qui nous sépare des transalpins, est que chez nous on trouve moins de charlatans sans diplômes occupés à jouer du bistouri. Encore que, encore que … combien de personnels hospitaliers ont-ils réellement les compétences pour exercer ?
Bon alors ce n’est pas parce que les "mandarins" comme vous dites s’y mettent que du coup la contestation face à cette réforme n’est pas justifiée.Alors que les offres d’emploi ne sont plus légions nous allons,avec cette loi,au devant d’un nombre non négligeable de licenciement au sein même de l’hôpital.Et ce ne sont pas les mandarins qui sont concernés:ce sont les emplois techniques qui sont visés.Que va t on trouver à la place ?
Des prestataires de service,autrement dit,des services payés extrêment chers à des entreprises qui font leurs bénéfices en rétribuant mal leurs employés,multipliant les cdd et les temps partiels.
De plus il est un poste qui pâtira de part sa nature de ces conditions,ce sont les système d’information,car le prix d’un consulting ou d’un contrat de maintenance est exorbitant.Encore aujourd’hui avec un service interne,on pouvait parfois mettre en valeur des logiciel ou matériel à moindre coût (il serait nécessaire de ce point de vue de s’inspirer de la gendarmerie nationale). Mais il est certain que les licences hors de prix pour des logiciels somme toute assez simple ont de très très beaux jours devant eux et le trou du budget des hôpitaux risque d’être abyssal !
Quant à savoir ce que deviendra les aides soignantes les amp, les ephad ,les animations au sein de ceux-ci…
PS : avec la T2A pour exemple les ephad ont vu leur tarif (chez nous) de 1300€ par mois à 1800€ par mois. Nos anciens apprécieront …
C’est la générale de santé qui se frotte les mains….
Il y a certainement des choses à améliorer à l’hôpital (les critiques de M. Winckler sont sans doute fort pertinentes) mais, *encore une fois*, en quoi la réforme présente va-t-elle améliorer ces points-ci. C’est cela qui est important. Epargnez-nous, s’il vous plait, l’éternelle et creuse opposition réforme/corporatisme.
Par exemple, en quoi les techniques de gestion indicateurs/primes/hiérarchie s’appliquent, ou ne s’appliquent que très partiellement au cadre de l’hôpital public ?
Toujours facile de taper sur les médecins, c’est le consensus démagogique.
Même s’ils sont bien sûr loin d’être insensibles à leur propres privilèges, de quel autre lutte de caste s’offusque-t-on ?
Et sur le fond, est-il déraisonnable de souhaiter conserver une direction médicalisée à un hôpital ? Les aspects économiques ne peuvent certes plus être occultés.. mais peut-on sans risque transformer l’hôpital en entreprise ordinaire, gérée par un administrateur plus préoccupé de sa gestion que de l’intérêt de ses patients ?
Le consensus démagogique ne veut rien dire. La preuve, les personnalités politiques préférées des Français sont Kouchner, Yade et Chirac. Eux en sont presque persuadés mais quant à déposer un bulletin dans une urne pour un scrutin important, il ne s’agit pas de désigner le vainqueur d’une émission de téléréalité et le citoyen risque encore de se poser quelques questions.
L’hôpital dirigé exclusivement par des médecins serait un coupe-gorge pour le porte monnaie des patients. Dirigé par des gestionnaires, ça risque d’être une anti-chambre de la morgue … La solution ne peut pas être aussi simple que Bachelot l’affirme et, malheureusement, elle ne peut guère reposer sur le préalable qui pourrit le système de santé publique français : l’exercice libéral de la médecine et le financement de la recherche pharmaceutique par des groupes privés …
Les études de médecine ou de pharmacie sont financées par le contribuable, même si il habite au fin fond de la Creuse, et il est en droit d’attendre le juste retour de son investissement en ayant accès aux soins.
Les études des notaires, avocats, chercheurs, professeurs, scientifiques, juristes de tout poils, … sont également payées par tous les contribuables. Est-ce qu’on leur demande pour autant d’exercer au fin fond de la France ? Les médecins payent des impôts qui remboursent plusieurs fois leurs études, il n’y a aucune raison de rajouter une clause géographique.
Quant aux honoraires des médecins, comparez avec le reste du monde occidental et vous constaterez que les médecins français ont les honoraires les plus maigres, et de loin !
Je suis tout à fait d’accord avec vous cher monsieur : les notaires qui nous viennent directement de l’ancien régime pourraient très bien passer à la trappe. Mais puisque vous parlez des enseignants et autres chercheurs, je m’autorise à vous rappeler qu’à l’issue de leur concours, ils sont justement affectés en fonction de ce que vous appelez une clause géographique, comme l’ensemble des fonctionnaires et dans leur immense majorité, ils ne trouvent pas ça inoui.
En revanche, où donc avez-vous pu trouver que vos impôts seraient une façon de rembourser la collectivité pour les études qu’elle vous a payé ? Vous plaisantez ou bien ? Les impôts sont calculés sur le revenu et non sur le cursus universitaire.