À deux semaines de l’examen au Sénat du projet de loi Boutin sur le logement, le débat sur le sacro-saint droit au maintien dans les lieux pourrait être relancé. S’il est difficile d’obtenir un logement social sur la capitale, le gentil locataire, une fois installé, n’est pas prêt de partir. Légalement, personne ne peut lui demander de quitter les lieux. Peu importe si entre temps il a vu ses conditions de ressources largement s’améliorer. Des contraintes législatives qui provoquent parfois des situations surprenantes…
Crise immobilière ? Qui a osé parler de crise immobilière ? Avec l’Office public d’aménagement et de construction (OPAC) de Paris, renommée il y a peu Paris Habitat-OPH, il est possible de résider à très bon prix dans un vaste appartement parisien, sans conditions de ressources, et pour une durée indéterminée. Le cas d’un ancien très haut magistrat passé par la direction adjointe du cabinet d’un ministre socialiste avant de devenir avocat sur lequel Bakchich a pu se pencher laisse perplexe.
Cet ancien haut fonctionnaire vivait confortablement depuis 1969 dans un logement social de l’OPAC de 5 pièces situé dans le 17ème arrondissement de Paris, quand l’Office a souhaité en août 2006 récupérer les deux chambres de bonnes attenantes pour en faire un logement. Mais comme c’est son droit, l’avocat ne l’entendait pas de cette oreille. Aussi, en novembre 2006, se fendit-il d’une petite missive à l’adresse de l’OPAC pour trouver un compromis. Arguant de son grand âge, il indiquait alors qu’il était prêt à déménager si l’Office lui offrait la possibilité d’occuper un appartement « situé dans un quartier de Paris plus central ». Grand prince, il ajoutait qu’il souhaitait se « réinstaller dans un appartement de cinq pièces » mais qu’il « examinerait toute proposition pour un appartement de quatre pièces, s’il est bien situé et disposé ». En voilà un qui sait ce qu’il veut.
Ce fut donc chose faite. Et l’OPAC fit les choses bien. En mars 2007, le brillant juriste intégrait un appartement dans le 5ème arrondissement, non loin du jardin des Plantes. Un immeuble à loyer normal (ILN) selon la classification de l’OPAC. Un cinq pièces tout de même, pour la modique somme de 1243,95 euros par mois, alors que ce même juriste déclarait 5564 euros de revenus mensuels en 2007, comme l’atteste le dossier de l’Office que Bakchich a pu consulter. Un loyer nettement en dessous du prix du marché. En outre, selon Paris-Habitat OPH (ex OPAC), le logement doit être adapté à la famille, soit « un deux pièces ou un petit trois pièces pour deux personnes ». Une situation donc très confortable pour l’intéressé mais qui n’a rien d’illégale.
Contacté par Bakchich, Paris Habitat-OPH ne s’étonne pas de ce traitement. François-Marie Retourné, responsable de la communication de l’Office explique : « Nous avons dû trouver un compromis parce que le locataire en question n’était, selon la loi, absolument pas tenu de quitter son domicile pour un autre. » En effet, selon le ministère du logement, « Il n’existe aucune règle spécifique sur la durée de la location en secteur HLM conventionné et non conventionné. Les locataires ayant droit au maintien dans les lieux, la durée du contrat de location est indéterminée ». C’est dit.
Pour faire simple, Paris Habitat-OPH ne dispose pas des outils législatifs pour déterminer si la situation de ses locataires justifie toujours 5 ans, 10 ans, 30 après l’attribution, l’occupation d’un logement social. L’Office n’a pas non plus les moyens de contrôler « les variations géométriques de la famille ». Un couple avec trois enfants peut donc potentiellement obtenir un 5 pièces, mais une fois les enfants partis, le couple pourra se retrouver seul dans le même appartement sans que quiconque puisse les déloger. On comprend mieux pourquoi, alors que le marché du privé reste très tendu, que le taux de rotation dans les logements de la ville de Paris ne dépasse pas 4% chaque année.
Paris Habitat ne cache pas ces problèmes, les qualifiant toutefois de « marginal ». François-Marie Retourné le reconnaît : « il faut avoir un vrai débat sur le sujet. » Et de mentionner l’évolution du Supplément de Loyer de solidarité (SLS) auquel 3000 locataires de l’Opac à Paris sont soumis et dont le but est de les inciter à quitter leur logement social. Un échec pour l’instant, le supplément de loyer restant bien trop bas. Christine Boutin a promis, pour janvier 2009, une réévaluation du SLS beaucoup plus dissuasive. Nicolas Sarkozy déclarait lui, en décembre 2007, lors d’un discours à Vandoeuvre-lès-Nancy : « Je ne veux plus d’une situation où les plus pauvres n’accèdent pas aux logements sociaux… parce que ceux qui occupent des logements sociaux peuvent y demeurer à vie, quelle que soit l’évolution de leurs revenus. » On attend encore… Côté socialiste, on n’est pas convaincu de la priorité. L’adjoint PS au logement à la mairie de Paris, et accessoirement président de Paris Habitat, Jean-Yves Mano, affirmait à Paris Obs en janvier 2008 : « La crise du logement ne se résoudra pas en faisant partir les quelque milliers de personnes qui sont au-dessus des plafonds. Et certains de ces locataires sont dans des quartiers où ils sont utiles car ils participent à la mixité sociale. » Si c’est pour la mixité sociale…
Lire ou relire dans Bakchich :
Voila donc ou a mené une politique "sociale" menée jusqu’à l’absurde.
La France est l’un des pays les plus dotés en logements "sociaux" (plus de 20% du parc locatif) et pradoxalement, plus il y a de logements sociaux, plus la demande est grande… Lorsque l’on comprend le fonctionnement de cette machine folle conduite par de multiples conducteurs, on peut en comprendre la raison.
La seule solution est de définir des normes réellement basées sur le social, telles que :
1- Création d’un seul office du logement social, qui serait SEUL habilité à gérer ce patrimoine, ou qu’il soit.
2- Bail de trois ans, uniquement.
3- A la fin de chaque période, nouvelle évaluation des ressources.
4- Si les ressources dépassent les plafonds établis, fin du bail.
5- L’ancien locataire disposerait de 6 mois pour déménager et donc se retrouverait dans la situation des millions de familles, dont les revenus permettent l’accés au marché privé.
Cette solution ne resorbera peut etre pas la crise actuelle, de suite, mais permettra surement de l’atténuer à long terme, et plus important, de garder le caractère "social" de ces logements.
La meme analyse, pourrait aisément etre faite dans de multiples secteurs de notre environnement.
Ah "social" quand tu nous tiens….
Ce sont toujours les pauvres qui trinquent, d’autant plus que la redistribution sociale leur donne moins que leur poids dans la société…
http://www.le-modele-antisocial-francais.com/pauvres-et-riches-inegaux-aussi-dans-le-cancer.php
Vous dites que Christine Boutin a ’promis’ une évolution du SLS. C’est fait depuis le décret du 21 aout 2008 (vous pouvez le lire sur Légifrance en cherchant pour MLVU0812342D), effectivement applicable à partir de 2009.
Les évolutions principales :
le coefficient maximal est porté de 2 à 14,9
la progression du Sls est ’exponentielle’ (plus on dépasse les plafonds, plus le taux de progression est élevé)
les marges de manoeuvre des organismes bailleurs ont été restreintes (ceux ci n’ont aucun intérêt à pénaliser des bons clients)
En conséquence, si typiquement le SLS dépassait rarement 20% du loyer, après le décret il peut largement dépasser 100% du loyer.