Envoyée du ciel, la belle Zahia s’attache à honorer ses prédispositions. Boutin aussi.
Rien n’est plus merveilleux que la vocation, si ce n’est l’intelligence secrète de la nature, dont on a remarqué qu’elle dispense ses dons en fonction des besoins exacts de l’homme qui vit en société. On a observé qu’à travers le monde il naît chaque année tant d’enfants doués pour la boulangerie, tant de futurs pianistes, tant de petits peintres, de couturiers, de terrassiers et de présidents qu’en réclamera le monde.
Ayant reçu du ciel tous les talents nécessaires pour l’amour, la célèbre Mlle Zahia n’a pas même attendu sa majorité pour faire le bonheur – partagé – de Ribéry et de Benzema, qui, eux, ne sont peut-être pas doués que pour le foot (je dispense le lecteur vulgaire de noter que cette dernière proposition peut se lire aussi au féminin). Zahia ne fait qu’exercer un talent que le Créateur a jugé bon de lui donner, et son corps de métier est le métier de son corps. Le vrai problème, c’est que la nature a produit également des Boutin, et le zèle professionnel de Zahia, qu’on louerait dans un autre domaine, lui est maintenant reproché comme contrevenant à la moralité. Par chance, Alphonse Allais, qui a tout inventé,< lui indique le moyen de gagner le ciel, tout en exerçant son talent et en luttant contre les effets de la crise. Vers 1900, époque aussi belle que la nôtre, quoiqu’un peu moins inégalitaire, Allais notait déjà que les nombreux nécessiteux ont une vie d’autant plus difficile que leur négligé physique éloigne d’eux ceux-là mêmes qui seraient susceptibles de les aider, alors que les jolies filles au caractère sociable ne les repoussent pas, au contraire. Il suggérait donc d’attribuer, pour des motifs humanitaires et dans un souci d’efficacité, à chaque mendiant une jolie fille qui tendrait la main à sa place, à charge pour elle de récompenser à sa guise la générosité des donateurs. La politique actuellement menée chez nous fait, on l’observe, de plus en plus de pauvres. C’est dire que la France aura de plus en plus besoin de filles comme Zahia. Peut-être même faudrat- il un jour que Mme Boutin s’y mette. Hypothèse moins saugrenue qu’il n’y paraît, car la nature (ou Dieu), en créant l’espèce boutinienne, a aussi, dans sa prodigieuse sagesse, fabriqué des gens pour l’aimer.
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