Question JO, il y a ceux qui en seront et les autres. Nicolas Sarkozy, lui, s’envolera jeudi pour Pékin. Joey Cheek, patineur de vitesse et militant pour le Darfour, n’ira finalement pas. L’américain a eu son visa révoqué. Pour son deuxième épisode de la saga Chine, « Bakchich » revient sur les problèmes de visas, accordés au compte goutte par les autorités chinoises qui sous couvert de sécurité nationale en profiteraient pour faire un peu le ménage chez les expats. Et depuis ce matin aussi chez les athlètes.
Article paru le 7 mai :
Ça grogne dur chez les expatriés installés en Chine : les visas de business sont de plus en plus difficiles à décrocher. L’effet JO ? Pas seulement. Pékin cherche aussi à faire le ménage.
Il existe deux types de visas pour les étrangers qui travaillent en Chine ou commercent avec l’Empire du Milieu : un visa de travail longue durée en bonne et due forme, difficile à décrocher et appelé visa Z. Mais surtout, le fameux visa F dit plus familièrement visa de business. Aaaah, le visa F… Fort pratique, il était jusqu’ici délivré pour un an avec des entrées multiples, faisant le bonheur des entrepreneurs étrangers basés dans la région administrative spéciale de Hong-Kong et qui multiplient les allers-retours en Chine. Il remplissait aussi et accessoirement de joie de nombreux petits malins qui, eux, vivent en République Populaire, se soignent dans ses hôpitaux, empruntent ses transports en communs, voire se forment dans les universités chinoises. Il faut en effet savoir que le visa F exonère de facto d’impôts chinois ses heureux bénéficiaires. Pour le décrocher, rien de plus simple. Plutôt que de faire la queue des heures durant dans une administration, il suffisait de se rendre dans une agence de voyage, de préférence à Hong-Kong, et de débourser une centaine d’euros. Le tour était joué, l’agence prenant alors en charge l’intégralité des formalités. Sans jamais poser de questions, il va de soi.
Et patatras boum boum, voilà que les autorités chinoises ont brisé cette belle harmonie assurant bonheur et prospérité à de nombreux étrangers. Exit la filière hong-kongaise puisqu’il faut dorénavant prendre l’avion pour aller demander son visa F dans son pays d’origine. Autre (très) mauvaise surprise : depuis le début du mois d’avril, ce type de visa est dorénavant délivré pour une durée de 30 jours avec une entrée simple, voire double. Pas plus ! D’où les protestations de la Chambre de commerce de l’Union européenne ou de plusieurs industriels européens et américains qui espèrent que tout reviendra à la normale après les JO. Ces mesures sont en théorie sensées redevenir plus flexibles passé le mois d’octobre 2008 qui marque la fin des jeux paralympiques.
Ce tour de vis s’inscrit dans un mouvement plus large de durcissement de la tolérance à l’encontre des étrangers qui prévalait jusque-là en Chine. L’ambassade de France à Pékin a d’ailleurs jugé utile de prévenir ses ressortissants français en ces termes sur son site web le 21 avril : « dans le cadre d’une mesure de portée générale, les autorités chinoises appliquent actuellement de manière plus rigoureuse qu’auparavant la réglementation relative au séjour des étrangers sur le territoire chinois (obtention et renouvellement de visas, enregistrement auprès de la police, contrôles d’identité, etc.). Nos compatriotes sont donc invités à s’assurer de la régularité de leur séjour en Chine, et, le cas échéant, à prendre toute mesure utile afin de régulariser leur situation. » La presse proteste
Les hommes d’affaires expatriés ne sont pas les seuls à protester, c’est aussi le cas des correspondants de la presse écrite basés en Chine. Dans un communiqué rendu publique le 30 avril, le Club des correspondants étrangers de Chine affirme qu’« au moins dix correspondants étrangers ont reçu des menaces de mort anonymes pendant une campagne, sur Internet et dans les médias officiels, contre la couverture par les médias occidentaux des troubles au Tibet présentée comme tendancieuse ». Et à cent jours du coup d’envoi des JO, ce Club craint l’émergence d’un « environnement hostile » aux journalistes étrangers résidant en Chine ou contre les milliers d’entre eux qui afflueront pour couvrir les JO. Il faut dire que Pékin a, dans le passé, décrété qu’entre le 1er janvier 2007 et le mois d’octobre 2008, les journalistes pourraient se déplacer librement dans le pays et interviewer qui bon leur semble…
Résultat : le visa de travail Z, du coup très convoité puisque servant brusquement de pis-aller aux recalés du visa F, devient comme par ricochet encore plus compliqué à décrocher. Et d’une, la Chine demande dorénavant d’afficher un Bac+3 minimum pour postuler. Et de deux, met fin à une filière parallèle des plus lucratives tant pour les expatriés que pour quelques rusés importateurs de voitures de luxe en Chine. Il faut en effet savoir que ces berlines sont taxées à hauteur de 200 % à l’importation mais que les étrangers détenteurs d’un visa Z en sont exonérés quand ils importent un véhicule. Du coup, des entrepreneurs chinois grenouillaient dans les milieux fréquentés par les expatriés en mal de visa avec des lettres d’emplois bidon plein les poches. Ceux qui acceptaient le deal touchaient environ 1 000 euros et les voitures qu’ils importaient hors-taxe étaient revendues au prix fort sur le marché chinois. Signe que les temps se sont durcis, alors qu’avant on était payé pour demander un visa Z, il faut maintenant débourser près de 1 000 euros au marché noir pour le sésame. Mais c’est à cet expatrié français que revient le mot de la fin : « bah, en Chine on arrive toujours à trouver des solutions et d’autres combines contournant les nouvelles restrictions ne tarderont pas à apparaître ».
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