Officiellement, la Chine célèbre l’ouverture et les réformes. Officieusement, c’est l’héritage maoïste qui prime. Et tout ce qui va avec. Et d’abord le poids de l’armée
Loin d’être passés de mode, les préceptes maoïstes compilés dans le Petit Livre Rouge sont toujours prêchés par les dirigeants chinois. Bible des Gardes de la même couleur, pierre angulaire idéologique, ils maintiennent en place le régime de Pékin. L’unité du Parti Communiste, de l’Armée et du Peuple, trinité révolutionnaire essentielle à la perpétuation des intérêts de la classe politique dominante, est de nouveau célébrée, dépoussiérée et remise à jour.
À commencer par le Premier ministre Wen Jiabao qui, lors de ses vœux pour 2008 passés inaperçus, a appelé à la consolidation du shuangyong. Ce mot traduit le vieux concept maoïste de "soutien mutuel", à savoir que le gouvernement et le peuple soutiennent l’armée à coups de traitements préférentiels et de privilèges accordés aux militaires et à leurs familles. Et qu’en retour, l’armée aide et aime le gouvernement comme le peuple.
Malgré les réformes économiques de Deng Xiaoping débutées en 1976 et l’avènement du « socialisme de marché », sur le plan politique l’heure n’est nullement aux réformes et à l’ouverture. La priorité est au contraire à l’accroissement du contrôle des populations, à la réaffirmation du rôle central du monde militaire, à la consolidation et à la défense des avantages acquis et au renforcement de l’emprise de la génération politique formée lors de la Révolution Culturelle.
Les hauts dignitaires actuels, à part quelques dinosaures de 1949, sont dans leur ensemble issus de la Deuxième Grande Révolution. Ils en sont le devenir révolutionnaire vivant. Leur capital intellectuel et idéologique provient avant tout des prêches et des écrits du Grand Timonier. Associé au sentiment illusoire, mais largement vivace dans les mentalités, que la période maoïste représente l’Age d’Or de la Chine contemporaine, leurs références mythiques n’en ont que plus de poids.
Hypnotisés par la pseudo ouverture socialo-libérale de ces 25 dernières années, les observateurs détournent facilement leurs regards de la nature du régime et du rôle omnipotent de l’armée. Cette référence implicite à la pensée de Mao exprime pourtant parfaitement l’approche et les conceptions politiques et sociales des classes dirigeantes chinoises.