Tempête sur Cannes : légende du journalisme, Philippe Garnier est viré de « Libération ».
Tandis que Cannes plane toujours grâce à Là-haut, dernière merveille de chez Pixar, Tetro, retour aux affaires signé Francis Ford Coppola et Fish Tank, qui prouve le talent vibrant de la réalisatrice britannique de Red Road, on vient d’apprendre une bien mauvaise nouvelle en direct live de la Croisette :
Philippe Garnier a été viré de Libé après 30 ans de (très) bons et loyaux services. Pour ceux qui viennent de Mars ou de Vénus, Garnier, c’est l’homme de Rock & folk qui nous envoyait des cartes postales de L.A., le journaliste iconoclaste qui m’a fait découvrir les Cramps, Charles Bukowski ou John Fante, l’auteur de six bouquins passionnants dont une bio sur Goodis, un livre d’entretiens avec André DeToth, et qui vient de publier récemment Freelance, sur le journaliste de Rolling Stone Grover Lewis. Dans les années 80, Philippe Garnier avait cuisiné les vieux dinosaures hollywoodiens pour l’émission « Cinéma, cinémas », des géants comme Bob Mitchum, Sue Lyon, Angie Dickinson, Vincent Price, Richard Widmark, Don Siegel ou Frank Capra. Pour résumer, c’est le meilleur journaliste ciné de France, le plus pointu, le plus vif, un obsessionnel, le seul capable de parler aussi bien de Walkyrie, la daube avec Tom Cruise, que d’Andy Kaufman, László Kovács, Burt Kennedy, Paul Dano, Simone Simon ou Delmer Daves. Un monument d’érudition et une plume en or massif.
Pour se faire une idée de sa prose, voici ce qu’il écrivait lors de la mort de Pat Hingle, un des acteurs fétiches de Kazan : « En 1959, il était pressenti pour jouer le prédicateur véreux dans Elmer Gantry. Au lieu de cela, il est tombé de huit mètres en voulant sortir d’un ascenseur en panne. Fractures du poignet, de la hanche, de la cheville et du crâne, un petit doigt en moins, un an de convalescence et pas d’Oscar. C’est Burt Lancaster qui l’a obtenu à la place. La carrière d’un character actor tient parfois à cela. » Documenté comme personne, vissé à la perfection, le flow d’un rapper : du pur Garnier.
So long, Philippe. Libé a perdu son âme depuis longtemps, mais avec l’éviction de Garnier, c’est peut-être la fin d’une époque. Qui va publier maintenant 15 000 signes sur un second couteau des années 50 ? Plus grave, il y a-t-il encore des lecteurs pour de tels papiers ? On souhaite juste à Garnier de rebondir au plus vite et de continuer à nous faire rêver. Monsieur Garnier, je vous embrasse.
Lire ou relire sur Bakchich.info :
j’aime bien la pique ultime qui vient un peu gacher un bon papier, une pique tellement française dans le style, tellement "journaliste français" : celle du mépris pour le lectorat.
Un peu comme un Val ou un Duhamel traitant de cons ceux qui les lisent mais ne votent pas comme ils l’imposent, Marc Godin, ici, se demande si les gens pour lesquels il écrit le mérite bien.
Sans doute que non, il ne doit plus y avoir de lecteur pour les bon journalistes et c’est probablement pour cela que la presse est morte…
ça partait bien pourtant. Et ça se finit en un journaliste nous parle à nous pauvres cons, d’un autre journaliste que nous ne méritons pas.
Au passage, votre exemple… bon… je veux bien mais "le flow d’un rappeur" tout ça… vous aviez 5 minutes et c’est le premier truc sur lequel vous êtes tombé ?
Ceci dit sur le reste nous nous rejoignons et Libé est mort depuis déjà longtemps en effet.
Hello,
Il n’y a aucun mépris dans mon papier. Les rédacteurs en chef de tous les mags papier nous bassinent avec cela : "les gens ne liraient plus". Il faut donc des articles plus courts, plus accessibles, avec des entrées multiples (encadrés, inters…). Dès lors, Philippe Garnier apparaît comme un dinosaure, avec ses textes interminables et hyper pointus. Que j’adore, je vous rassure (ceux publié dans Libé vont bientôt faire l’objet d’un bouquin, youpiiii). En France, je ne vois que XXI publier encore des papiers fouillés et plutôt longs.
Cordialement.
Le bon côté de la chose, c’est qu’à l’âge qu’il doit avoir, au lieu de partir en retraite avec une canne à pêche, cadeau de ses petits camarades, Philippe Garnier aura un paquet d’indemnités (un mois de salaire par année d’ancienneté, ça doit chiffrer, compte tenu qu’il ne devait quand même pas élarger au Smic), ce qui ne l’empêchera sans doute pas de livrer des piges ici ou là.
Et puis, ne plus être dans Libé, par les temps qui courent, c’est plutôt un plus, non ?