Rions pendant la crise avec le 62e festival de Cannes. Un festival plombé par une cérémonie d’ouverture pompeuse et mortifère et sa présidente Isabelle Huppert
62 ans et plus vraiment toutes ses dents. Nirvana du cinéphile pur et dur, le festival de Cannes est aussi et surtout une insupportable foire aux vanités, quelque chose comme le Salon de l’agriculture des belles robes et des acteurs stéroïdés, un défilé de liftings plus ou moins réussis, le ciné qui s’auto-congratule et se donne des médailles en chocolat, avec Canal +, grand argentier du cinéma français, qui passe une couche de glamour sur le tout dans l’émission de Denisot (« Mr Dustin Hoffman, vous pouvez nous chanter une petite chanson ? », « Mr Spielberg, vous pouvez me mettre en scène ? », « Sharon Stone, un bisou ? »), histoire de faire cracher l’abonné une année de plus.
Cette année encore, Canal organisait la cérémonie d’ouverture, un nouveau chemin de croix pour chaque téléspectateur normalement constitué. Edouard Baer déboule avec un sublime coiffé/décoiffé. En roue libre, il balance ses textes (il est crédité à la fin du générique) pas drôles, tente de faire rire avec la crise économique nos pauvres saltimbanques du cinéma et plagie même feu Michel Serrault quand il apostrophe Charles Aznavour avec : « Charles, vous êtes acteur, mais vous êtes aussi chanteur, peu de gens le savent. » Dans la salle, Renaud Le Van Kim, réalisateur des meetings et des passages télé de Sarko, cadre des égéries de l’Oréal, de drôles de vedettes (Tilda Swinton, Jean « Amaguiz » Rochefort, Samuel Le Bihan et les incontournables de la soirée, Bertrand Méheut, pape de Canal, Gilles Jacob, et à ses côtés, Christine « J’ai-finalement-fait-passer-Hadopi-mais-je-vais-quand-même-me-faire-virer » Albanel. Les jurés défilent, du beau monde (James Gray, Hanif Kureishi et mon chéri, Nuri Bilge Ceylan) et des canons (Asia Argento, Shu Qi et Robin Wright que j’aime d’amour !).
Tout se gâte avec l’arrivée d’Isabelle Huppert. Les sourcils fixés définitivement en l’air, aucune expression sur son visage lisse, elle déclame d’une voix atone « Les cinéastes rêvent et nous donnent de la mémoire ». Je vais avoir une attaque… Isa – un de mes pires souvenirs d’interview – enfile les lieux communs pendant cinq interminables minutes. Le Van Kim se souvient que l’on doit parler un minimum de ciné et envoie un magnéto avec des extraits des films en sélection officielle : Gaspard Noé, Jacques Audiard, Jane Campion, Park Chan-wook, Ken Loach, Quentin Tarantino, Alain Resnais… Je salive dans mon canapé.
Comme pour s’excuser, on alterne avec un peu de musique, une chanson d’Aznavour, reprise par Bryan Ferry (pour nos jeunes lecteurs, l’ancien chanteur de Roxy Music). La chanson donnera lieu au seul moment drôle de cet événement fleurant bon la naphtaline. Aznavour, censé chanter en duo avec le crooner britannique, s’énerve sur son micro, visiblement pas branché. Il y a un ingé son qui va se faire souffler dans les bronches …
Tout cela est pompeux et insoutenable de prétention, à l’exact opposé de la cérémonie des Gérards qui a eu lieu mardi. Concoctés par de sales gosses comme Olivier Malnuit ou Frédéric Beigbeder, les Gérards récompensent le pire du cinéma français. Je ne peux résister au plaisir de vous citer mes préférés pour conclure.
Gérard du réalisateur qui fait toujours le même film, mais en un peu moins bien à chaque fois : Agnès Jaoui pour Parlez-moi de la pluie, un peu moins bien que Comme une image, un peu moins bien que Le Goût des autres.
Gérard du réalisateur ou de l’acteur qui parle de son film comme si c’était le dernier Fellini, alors que même toi tu fais mieux avec ton Nokia et trois copains bourrés : Francis Huster pour Un homme et son chien.
Gérard de la feignasse tellement décontractée du gland qu’elle recycle un de ses vieux sketches en film d’une heure et demie : Gad Elmaleh pour Coco.
Gérard de l’actrice qui bénéficie le mieux des réseaux de son mari : Arielle Dombasle dans La Possibilité d’une île.
Gérard d’honneur pour l’ensemble de sa carrière : Antoine de Caunes.
Les gars, si vous avez besoin d’une nouvelle langue de pute pour l’année prochaine, je suis votre homme.
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