Une série d’actes barbares trouble la vie d’un village allemand en 1913. Michael Haneke l’entomologiste explore les racines du mal, mais peine à convaincre. Palme d’or à Cannes.
Et alors, cette Palme d’or ?
Huuuum…
Dis donc, tu ne vas pas faire la fine bouche ? Haneke fait partie des grands quand même.
J’adore Haneke, même si son cinéma est glaçant et austère. Avec lui, il faut être en forme : la moitié des critiques ronflait lors de la projo du matin à Cannes… Une seule certitude pour le spectateur : toi qui entres dans le cinéma, abandonne tout espoir !
Ca se confirme une nouvelle fois avec Le Ruban blanc. Nous sommes en Allemagne, à la veille de la Première Guerre mondiale. Un câble tendu entre deux arbres provoque la chute du médecin du village. Des actes mystérieux, barbares vont éclabousser le baron et sa famille, les paysans, le pasteur, l’instituteur, la sage-femme, et bien sûr les enfants.
C’est du lourd, mais Monsieur le professeur Haneke va nous faire la leçon et tout nous expliquer.
Mais j’ai rien demandé, moi !
Silence ! Encore un mot et je t’envoie au coin. C’est le maître Haneke qui parle. Et il va enfin déterrer les racines du mal, t’éclairer sur la soumission religieuse, sur le joug du patriarcat, du puritanisme, la hantise du péché et d’une sexualité mortifère.
Un peu roboratif, non ?
Peut-être, mais ce qui me gêne surtout, c’est le message de papy Haneke. Pour lui, les enfants soumis, battus, humiliés, violés, par des parents constipés et infirmes de la braguette formeront, vingt ans plus tard, le gros des troupes hitlériennes et des partisans du nazisme. Les voilà les racines du MAL ! Avec ses gros sabots, Haneke filme ces enfants aryens comme les extraterrestres flippants du Village des damnés. Etonnant non ? Leurs victimes : le médecin JUIF, un enfant HANDICAPE… Ca te rappelle quelque chose ? Les enfants sont des monstres, des créatures étranges, c’est son postulat, et c’est à cause d’eux que l’Allemagne plongera tête baissée dans la folie du nazisme. Mais Haneke ne dit rien sur le traité de Versailles, les faiblesses de la république de Weimar ou la crise de 1929…
Sa mise en scène évoque Ingmar Bergman.
Oui, mais il est trahi par sa vision d’entomologiste dans ce « film rigoureux sur les dangers de la rigueur ». Haneke regarde ses personnages comme des cloportes, à travers son beau microscope noir et blanc. Je me suis senti mal à l’aise pendant toute la projection, à cause de son côté protestant-chiant, son manque d’empathie pour ses personnages et sûrement ses contemporains. Et par son côté sadique : avait-il vraiment besoin de 2h 25 pour nous infliger cette leçon d’histoire bancale ?
Il y quand même de grands moments, notamment cette scène où le médecin veuf agonit d’injures sa maîtresse, la sage-femme : « Tu es laide, négligée, la peau flasque, l’haleine fétide…
La meilleure scène du film. Haneke a du talent, c’est un maître de l’ellipse, du hors-champ, mais la scène d’ouverture du film où le médecin tombe de son cheval - un trucage numérique complètement raté - place tout le film sous le signe de la fabrication, du faux. Ce qui est bien dommage pour un film censé dire enfin TOUTE-LA-VERITE.
Et la Palme d’or ?
La récompense suprême pour l’instituteur Haneke ? Il y avait des propositions de cinéma autrement plus excitantes, je pense à Antichrist, mais je suis un peu seul sur ce coup-là, ou le terrassant Kinatay, du Philippin Brillante Mendoza. Moi, j’aurais donné la Palme à Haneke il y a bien longtemps, pour Benny’s Video ou Funny Games.
Je n’aime pas Funny Games.
Tant pis pour toi.
Autre chose à ajouter ?
Ah oui, l’acteur qui interprète le pasteur autoritaire et coincé, Burghart Klaussner, est le parfait sosie de Denis Olivennes. Et ça, ça fout vraiment les jetons.
Le Ruban blanc de Michael Haneke avec Christian Friedel, Ernst Jacobi, Leonie Benesch, Ulricj Tukur, Burghart Klaussner. En salles le 21 octobre
J’AIME
Sin Nombre, de Cary Fukunaga
Au Mexique, un ado membre d’un gang cherche à gagner les Etats-Unis avec une jeune fille du Honduras. Primé à Sundance, un premier film qui épouse la forme d’une tragédie antique.
Il était une fois la révolution (reprise), de Sergio Leone
La rencontre, forcément explosive, d’un voleur mexicain (Rod Steiger) et d’un ex-révolutionnaire irlandais (James Coburn). Un des meilleurs Sergio Leone, copie neuve !
J’AIME PAS
Jennifer’s Body, de Karyn Kusama
Scénariste de Juno, Diablo Cody a vendu son âme à Hollywood pour ce teen movie horrifique, stupide et vain, avec un insupportable second degré pour faire marrer les branchés. Megan Fox a de belles canines, mais aucun talent.
WhiteOut, de Dominic Sena
Dans une base de l’Antarctique, une fliquette recherche un tueur qui usine ses victimes au piolet. Un nanar tourné avec des moufles, avec Kate Beckinsale qui prend des douches sur la banquise.
BEUUURK
Lucky Luke, de James Huth
La catastrophe industrielle. Il y a quelqu’un qui lit les scénarios chez UGC ? Après les adaptations calamiteuses des BD cultes Blueberry et Les Dalton, avec Eric & Ramzy, voici aujourd’hui cette chose. Du pognon, plein d’acteurs, pas d’histoire : un non-film. J’tai ca-ssé !
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