A cause d’un avocat véreux, le Barreau de Bastia tutoie la faillite. Mais a trouvé grâce aux yeux de l’ordre des avocats de Paris et du Conseil national des Barreaux qui ont mis la main à la poche.
Si les avocats du Barreau d’Ajaccio s’amusent bien au procès en appel d’Yvan Colonna, leurs confrères du Barreau de Bastia la jouent profil bas. Trop soucieux pour fanfaronner. Et bien trop occupés à gratter du grisbi pour renflouer leurs caisses.
Depuis septembre 2008 et trois arrêts de la cour d’appel de Lyon, l’ordre des avocats de Haute Corse, et la Carpa local (la caisse commune des avocats) tutoient la faillite. Les magistrats Lyonnais ont condamné « in solidum », l’ordre des avocats du Barreau de Bastia et la Carsab (la Carpa local) à s’acquitter d’une douloureuse de 1 596 683, 34 euros exactement envers trois victimes d’un avocat véreux, un certain Me de Casalta…depuis radié du Barreau de Bastia et condamné « par défaut » à dix ans de prison pour abus de biens sociaux.
Outre de les pousser au bord de la liquidation - ce qui donne toujours mauvais genre -, les trois arrêts lyonnais pointent la responsabilité de l’ordre dans l’abus de confiance qui a eu lieu. Outre un suivi éthique, déontologique et divers services juridiques, les ordres d’avocat doivent veiller à la bonne tenue de la Carpa de leur Barreau, dont l’objet avoué est de garantir « la représentation des fonds par tous les avocats et la solvabilité des chèques adressés aux justiciables par ces derniers ». Mieux, une commission de contrôle existe, qui a un peu buggué sur le coup…
Plutôt que de partir aux châtaignes récolter des sous, les conseils bastiais ont eu la bonne idée d’en toucher un mot aux collègues. Et ont trouvé deux bourses accueillantes, le Conseil national des barreaux et l’ordre des avocats de Paris. Les deux instances ont gentiment accepté de se partager la facture. 900 000 pour le national, 600 000 pour le Barreau parisien, sous forme de « mandat et contrat de prêt » au « titre de la solidarité nationale de la profession d’avocat ». « Les sommes qui seront ainsi avancées constituent un prêt d’honneur (…) à rembourser dès meilleure fortune », détaillent les contrats, en date des 26 et 27 janvier dernier que Bakchich a pu consulter.
Le conseil de l’ordre des avocats de Paris a entériné le contrat le 10 février dernier. Sans doute la bonne nouvelle n’est-elle pas encore parvenue dans l’île de Beauté. L’actuel représentant du Barreau de Bastia assure qu’un « pourvoi en cassation » sur les trois arrêts à 1,6 million a été déposé. « La profession est assez bien organisée de toute façon pour ne pas avoir à demander un prêt »… Ah la fierté corse. Discret, le patron de la Carpa s’est borné à un « no comment ». A l’évocation de ce contrat, l’ancien bâtonnier, Jean-Paul Trani, s’est montré fort prévenant. « Qui s’intéresse aux affaires d’autrui s’expose à de graves ennuis, conseil d’ami ». Merci ! Il faut croire que les messagers ne sont jamais bien accueillis…
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